FIJU DI TERRA. LA CRISE CASAMANÇAISE RACONTÉE À MES ENFANTS » PAR Xavier DIATTA

« Nos compatriotes ont du talent et nous devons les écouter, les lire pour comprendre et libres à nous d’en faire provision. Après le livre du milieu, voici le 1 er ouvrage de Xavier qui nous parle de ce qu’il sait et croit savoir. Comme disait l’autre, je m’efforce tant que je peux de cacher le sanctuaire de mon âme peine inutile les rayons percent au dehors -les enfants savent poser les bonnes questions et l’adulte prend la perche pour raconter ….» P B CISSOKO

Une compilation d’articles et la préface de Songué Diouf Philosophe pour tenter de cerner cet ouvrage et l’auteur.

Préface du Pr SONGUE DIOUF

PREFACE Encore un ouvrage sur la Casamance ! Encore un de plus sur la crise casamançaise, se fendront les esprits présomptueux ! Mais ils devront vite déchanter quand ils entreront en possession de ce chef d’œuvre de Xavier DIATTA. « Fiju di Tera », n’est pas une de ces rengaines faussement savantes sur la crise casamançaise mais un diagnostic rigoureux, documenté, averti fondant son propos à la fois sur les ressources de la psychologie, de la socio-anthropologie mais aussi sur le vécu personnel de l’auteur ; ses origines casamançaises auraient pu être un obstacle décisif à l’objectivité et à la fidélité du propos. Que non ! Parce que justement le mérite de Xavier est de réussir ce recul, ce décalage sans lequel il n’y a point de science véritable. Le mérite de l’auteur est de montrer que ce qu’il est convenu d’appeler « crise casamançaise » résulte d’un faisceau d’équivoques, de malentendus plus ou moins sournois sur fond de mépris culturel ! Tous coupables ! Aurions-nous envie de dire à parcourir les pages de l’ouvrage de Xavier DIATTA.

Les cadres casamançais et les fils du terroir, la gestion désastreuse du conflit par les gouvernements successifs, l’armée nationale, les citoyens sénégalais eux-mêmes. Les cadres casamançais entretenant une sorte de conspiration du silence sur la nature réelle du conflit ; le manque de clarté de leur discours obscurcissant la compréhension du problème, peut-être à leur insu, ils ne sont jamais allés au-delà de la revendication politique. Ils le savent mais ne le disent pas, la Casamance n’est pas une entité homogène ; cette Casamance dont on parle est celle du colon et ne recoupe nullement son extrême diversité culturelle, sa mosaïque ethnique, religieuse… De ce point de vue cet ouvrage est un outil précieux quant à la saisie de l’extrême complexité de l’histoire et de la sociologie de chacune des entités humaines qui composent la Casamance.

La cécité, le défaut d’intelligence tout court de l’administration locale aura été décisif dans le pourrissement de la situation. L’auteur montre avec une déconcertante pertinence et un sens remarquable de l’analyse comme une loi (celle de 1964) sur le domaine national et sa gestion catastrophique par le démembrement de l’État qu’est l’administration locale a alimenté toutes les rancœurs de paisibles citoyens, nourri les ferments d’une révolte qui plus tard tentera de se faire révolution avec le résultat que l’on sait.

D’honnêtes citoyens furent atrocement dessaisis de leurs terres et de leurs propriétés pour être redistribués à quelques fonctionnaires véreux venus du nord ! Au sentiment d’exclusion (lié à l’enclavement géographique puis psychologique et la quasi absence de la main de l’État dans la construction de la modernité de la Casamance) viendra s’ajouter le sentiment 3 diffus puis explicite qu’une colonisation nouvelle s’étant substituée à celle des européens !

La symbolique forte dans l’inconscient collectif exercée par l’image insoutenable de ce vieillard au crépuscule de la vie, ligoté, attaché à un arbre une journée entier sous un soleil incandescent pour ne pas avoir payé un impôt de 600FCFA acheva d’inviter les plus sceptiques à la nécessité de se faire entendre autrement et crier leur révolte ! Forfaiture ne saurait être plus grave que celle de ce fonctionnaire, pauvre d’esprit, indigne de ses responsabilités ; qui, comme nous a vécu et grandi en terre de Casamance, et qui sait la vénération quasi-religieuse dont sont entourés les «anifan » (personne âgée en langue Diola). Les cimes de l’arrogance, de l’opprobre, de la crétinité furent largement atteints par cet acte odieux véritable déclaration de guerre contre ce que la Casamance a de plus profond, de plus sacré de plus idolâtre : le respect des anciens ! L’État central ne fit rien face à ces exactions de ses responsables locaux et accrut le sentiment d’indifférence totale à l’égard du drame casamançais latent ; nous sommes alors seulement au début des années 1979-1980.

L’armée nationale ne fera pas mieux en rayant de la carte nationale des villages entiers sous prétexte de chasse à des irrédentistes ! L’investissement psychoaffectif exacerbé dont fut l’objet l’équipe de foot du casa-sport des Bocandé, Bassirou Ndiaye, Ous Ndiaye, Demba Ramata et autres s’inscrit droitement dans le désir de reconnaissance dont le peuple de Casamance a tant souffert. Le mérite de ce « fils de la terre » qu’est Xavier DIATTA est encore une fois de faire œuvre d’historien instruit par les livres et par le vécu de fils du terroir, mais aussi œuvre d’analyste imbu de fidélité à la mémoire et de rigueur scientifique. La lecture de cet ouvrage vous guérira de toutes ces méprises sur la Casamance et sur la nature et l’origine du conflit casamançais ; on y apprend toutes les figures historiques et politiques de la Casamance, de la dynamique féconde de son peuple composite, toujours mentionné mais jamais compris dans sa prodigieuse richesse et complexité. Du Pakao au Kassa en passant par le Fouladou, le Fogny, le Blouf, le Balanta Counda… C’est un même souffle de vie qui charrie la Casamance éternelle, toujours explorée jamais déflorée quant à la mystique de son être. Xavier procède à une véritable cure psychanalytique qui restitue la Casamance dans son être au monde réel, dans l’ardeur de ses attentes, dans la force de ses espérances. Cet ouvrage fera que la compréhension de la Casamance d’abord et de son conflit ensuite seront totalement révolutionnés par M. DIATTA.

Professeur Elhadji Songdé DIOU

Post face de Abdou MBAYE ancien premier Ministre

« Fiju di Terra. La crise casamançaise racontée à mes enfants » de Xavier Diatta est ce que l’on peut appeler un récit de vie, récemment publié par les Editions Injé Ajamaat & Kmanjen . Dans cet ouvrage, l’auteur, ancien aviateur militaire (« récit de vie militaire » donc), revient sur la crise casamançaise. Il parle de celle-ci par expérience militaire, mais aussi en tant que cadre casamançais, membre de la société civile et quelque part aussi comme homme politique.

Les raisons de l’écriture d’un tel ouvrage littéraire sont celles du témoignage, dans une sorte de vérité-réconciliation avant l’heure. Car, Xavier Diatta n’est pas historien, mais un témoin qui n’a pas besoin d’une bibliographie ou de lister ses sources. Quand il raconte son expérience et celles des autres à ses « enfants », il le fait sous le serment de sa mémoire. «Fiju di Terra » commence par une sorte de testament sur les éléments d’ordre personnel renseignant sur l’accouchement de cette œuvre culturelle. Une histoire de famille qui donne sens quelque part au titre secondaire du livre : « La crise casamançaise racontée à mes enfants ». Quelques pages dont on ne s’ennuiera pourtant pas si l’on veut réellement savoir le pourquoi de son témoignage.

Puis vient une histoire de la Casamance réécrite comme mouvement de peuples, et expliquant cette région du Sénégal comme le plus beau « melting pot » de notre nation.

Dans une rigueur toute militaire de progression par étapes vers le sujet essentiel, la partie de l’ouvrage consacrée au  « Conflit Casamançais » dévoile l’histoire sur les origines du conflit, et ce qu’il pense en être les causes. Il revient sur les événements du 26 décembre 1982, les différents procès suite à ces événements ainsi que sur ce triste passé qu’il dénomme « le Diola face à l’inquisition ».

L’injustice n’a jamais cessé de faire la lie de l’action politique. C’est ce que j’ai retenu de la partie du livre que Xavier consacrée à « L’idéologie du complot » permettant de démontrer que la fine fleur casamançaise était devenue « Une promotion stoppée », et d’ainsi construire une idéologie indépendantiste.

 

J’ai apprécié de mieux apprendre le fort engagement de ces mêmes élites pour mettre fin au conflit armé qui dure depuis si longtemps, avec ses périodes d’accalmie et de résurgence. Elles ne sont pas restées les bras croisés, elles se sont mobilisées pour ramener la paix en Casamance.  « Les Initiatives pour la Paix » ont été nombreuses, menées par la société civile, l’église, les politiques…

Bref de tous ceux qui, au souvenir de l’auteur, ont essayé de s’intéresser à la crise.

Mais c’est avec une belle lucidité que l’auteur en retient un sentiment d’illusion en raison de leur extrême durée sans résultat définitif.

La fin de l’ouvrage est autobiographique. On ressent de la douleur lorsque l’on apprend que Xavier, fidèle soldat, a pu faire l’objet de suspicion, et qu’il a payé sa part d’un conflit dont il était totalement étranger, sauf à y réfléchir pour tenter de trouver des solutions de sortie de crise : c’était son droit comme celui de tout autre citoyen sénégalais. Il ne termine pas l’ouvrage sans offrir cette vision à son lecteur et à l’histoire de notre pays.

« Fiju di Terra » fait désormais partie de ces productions culturelles qui enrichissent la réflexion relative à l’histoire mémoire de la Casamance.

Le lecteur y découvrira certes la brutalité de la crise casamançaise.  Mais le but recherché est assurément ailleurs, soit développer les principes du dialogue démocratique sous toutes ses formes. Le but est de contribuer à ce combat mené par des intellectuels engagés qui ont pris la ferme résolution de produire des connaissances relatives à la situation casamançaise pour aider à mieux la comprendre pour mieux la résoudre.

Bonne lecture,   Abdoul Mbaye

Ancien Premier Ministre du Sénégal

Président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail

XAVIER DIATTA AUTEUR DU LIVRE ‘’LA CRISE CASAMANÇAISE RACONTEE A MES ENFANTS’’

‘’Je n’ai jamais compris l’implication des Etats-Unis dans ce conflit’’

Après avoir quitté l’armée en 2001 à sa demande, Xavier Diatta vient de publier un ouvrage de 187 pages intitulé ‘’La crise casamançaise racontée à mes enfants’’. Pour lui, il s’agit, à travers cette production, de témoigner pour que cette couche sociale soit informée par rapport à ce conflit. ‘’Témoin oculaire’’ des prémices de cette crise, le représentant bénévole d’Aviation sans frontière en Afrique estime que ce conflit est alimenté par des lobbys qui, dénonce-t-il, manœuvrent contre les processus de paix. Dans cet entretien, il se dit ‘’choqué’’ par l’implication de pays étrangers dans la résolution de ce conflit.    

 

Pourquoi avez-vous senti le besoin d’écrire cet ouvrage intitulé : ‘’La crise casamançaise racontée à mes enfants’’ ?

Je suis arrivé à un point où c’était pratiquement un devoir moral pour moi de faire ce témoignage. Si vous avez suivi la crise casamançaise qui a maintenant plus de 30 ans, il y a une certaine situation d’omerta. Alors qu’elle est tellement aiguë. Elle a fait beaucoup de désastres. Mais malheureusement, personne n’en parle. Aujourd’hui, on va vous parler du processus de paix en cours. Mais pour moi, c’est vague. Si vous prenez 90% des Sénégalais, y compris les Casamançais, beaucoup n’ont rien compris à cette crise. Ceux qui sont nés après les années 80 n’ont rien compris de ce conflit. C’est la raison pour laquelle je me suis dit qu’il faut que je fasse un témoignage. Parce que j’ai eu tellement de versions. Certains de ces gens qui se disent spécialistes de la Casamance sortent des énormités tous les jours.

On a suivi, récemment, la Fondation qui a offert un bus aux femmes du bois sacré dans le cadre de la crise. C’est une image qui m’a choqué, parce que tous ceux qui sont nés en Casamance n’ont jamais entendu parler des femmes du bois sacré. C’est comme si on vous dit ‘’les femmes du marché de Dakar’’. Mais, vous allez vous demander de quel marché parle-t-on ?  Donc, pour moi, il y a du mépris. Il y a beaucoup de détails qui échappent au Président Macky Sall dans cette affaire.

Lesquels ?

A mon avis, il ne fait pas très attention à un détail. A l’intérieur du front nord et sud, il y a des micro-fronts et les membres du mouvement Mfdc ne s’entendent pas. Pour cause : ils sont constitués de manière familiale, sentimentale.

Quelle analyse faites-vous de la gestion de cette crise par les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal ?

Si vous regardez bien, j’ai commencé par Abdou Diouf. Il a été l’autorité la plus titillée par des questions sécuritaires au Sénégal. Parce qu’elle a eu affaire à quatre fronts : la Mauritanie, la Gambie, la Guinée Bissau et le Mali. Donc Abdou Diouf, tout comme les autres Présidents du Sénégal, s’est heurté aux lobbys. Ils sont tellement puissants que le chef de l’Etat n’arrive pas à avoir les bonnes informations.

Comment expliquez-vous le titre de votre ouvrage ‘’La crise casamançaise racontée à mes enfants’’ ?

Je tenais à témoigner, parce que je suis de cette génération. Vous êtes jeunes, vous avez fait toutes vos études au Sénégal, malheureusement, on ne vous a jamais enseigné l’histoire de la Casamance. A cet égard, je dis que les gens qui étaient à notre place n’ont pas fait de témoignage. Il n’y a aucune œuvre scientifique sur cette question. Est-ce qu’il faut passer à la trappe l’histoire de la Casamance ? Non, je ne pense pas. Moi, je témoigne parce que j’ai été acteur. Quand les prémices de la crise ont commencé, dans les années 1970, j’étais déjà au lycée. Elle s’est vraiment intensifiée dans les années 80 et 90. Et j’étais responsable dans l’armée et engagé dans la crise au niveau de la Casamance. Dans les années 2000, je suis sorti de l’armée, parce que j’ai demandé à partir (…). Tous ces facteurs m’ont poussé à faire ce témoignage.

Pour vous, c’est donc une manière de sensibiliser sur la crise dans cette région au sud du Sénégal ?

Oui, c’est une manière de sensibiliser et d’interpeller les politiques également. En Casamance, nous sommes nombreux dans le champ politique. Mais malheureusement, on ne connaît pas réellement la zone. Les gens posent des actes sans mesurer leur portée vis-à-vis des populations.

Présentement, c’est l’accalmie dans la zone ; une situation ni paix ni guerre. Le régime actuel peut-il tirer profit de ce contexte pour résoudre définitivement cette crise qui a duré plus de 30 ans ?

Non, le Président Macky Sall, je crois qu’on lui a laissé beaucoup plus de problèmes que de solutions. Si vous vous souvenez bien, le règlement de ce conflit a eu trois à quatre étapes. Abdou Diouf n’avait pas compris ce qui se passait en Casamance. Il avait été complètement floué. C’est vers la fin de son mandat qu’il a commencé à comprendre cette affaire. Il s’est même déplacé pour rencontrer Diamacoune à la maison des œuvres de Ziguinchor. C’était donc le premier jalon. Abdoulaye Wade, quant à lui, est venu faire table rase de tous les acquis de son prédécesseur en voulant imprimer son empreinte dans la résolution de ce conflit.

Il avait promis de régler le conflit en 100 jours.

Pourtant, il était de bonne foi. Mais ce qu’il n’avait pas bien compris, c’est qu’il y avait des lobbys qui ont tout torpillé. Il a fait confiance à des gens en multipliant les émissaires, en leur donnant des moyens financiers. Conséquences : d’autres centres d’intérêt ont vu le jour. Les gens n’ont pas eu l’occasion d’aller à Foundiougne 2 à cause des lobbys, parce que ça ne les arrange pas. C’est pourquoi je dis que le Président Macky Sall a hérité d’un dossier chaotique, carabiné. Il a tout de même essayé.

Dans l’ouvrage, vous mentionnez que le Président Abdoulaye Wade ‘’ignorait’’ les réalités et la complexité de cette zone.

Oui, j’ai même dit qu’il est l’affirmation de l’intelligentsia. Il avait l’esprit alerte. Mais il n’avait pas prévu que les réseaux mafieux avaient leur toile au niveau de la Présidence. De ce point de vue, j’ai dit ‘’qu’il se fera balloter comme un élève du primaire’’. Effectivement, les choses se sont passées de cette manière. On a même fait appel à Mbaye Jacques Diop qui a travaillé comme un forcené. In fine, il a remis un document qui, pratiquement, retraçait ce qui a été retenu à Foundiougne 1. Conséquence : ses travaux ont été rangés.

Le Président Wade a-t-il échoué dans la gestion de cette crise ?

Oui, il a complètement échoué. Parce que quand il partait, il n’a pas laissé une piste fiable, comme Abdou Diouf qui s’était appesanti sur la Gambie et la Guinée Bissau. Il voulait, lui seul, régler la crise. C’est vers la fin de son mandat qu’il s’est rendu compte qu’il n’a rien fait de positif. A cet égard, il a été obligé de se rendre en Gambie pour huiler les bonnes relations entre le Sénégal et cette République.

En quoi, selon vous, la loi 1964 sur le domaine national a-t-elle contribué à alimenter le conflit en Casamance ?

Le mal vivre en Casamance a commencé avec la loi domaniale 1964. Quand elle est entrée en vigueur, jusqu’à présent, c’est le même problème qui se pose. Parce que, peut-être, les populations n’ont pas eu la chance de connaître les outils légaux de gestion domaniale. Même les fonctionnaires ne connaissaient pas bien cette loi. Ils ont déguerpi les gens sans qu’il y ait d’enquête. C’est donc une des causes de cette crise. Cette loi est incomprise et va nous amener énormément de problèmes. Rien qu’entre 1983 et 1984, on a dénombré plus de 2 000 litiges fonciers à Ziguinchor. Donc, ça posait un problème. Il y a également la grève des lycéens, des étudiants, etc. Abdou Diouf n’a pas apporté la paix que tout le monde attendait. Quand on a lancé le programme d’urbanisation de Ziguinchor, on a créé des commissions de recasement essentiellement composées de fonctionnaires affectés à Ziguinchor. Les affectations ont été perçues comme une punition. Donc, les gens venaient en Casamance pour essayer de se refaire avant de revenir sur Dakar.

Dans ce cas, comment faire pour résoudre ce conflit ?

Il faut être très courageux. Les gens me disent que le Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc) de Robert Sagna est en train de faire du bon boulot. Moi, personnellement, je n’ai aucun jugement de valeur à faire par rapport à ce groupe. Mais j’ai une hantise : le Grpc va négocier pour le compte du Sénégal. Donc, il arrivera un moment où si ce groupe réussit, l’Etat du Sénégal et le Mdfc vont s’asseoir à une même table pour signer une convention de paix. Alors, le Mfdc est-il une voix prépondérante en Casamance ? Quels sont ses supports pour contraindre les populations à s’inscrire dans cette dynamique de paix ? Des gens qui ont vécu des drames n’osent même pas dire ce qu’ils endurent. En quoi se reconnaissent-ils dans le travail de ce groupe ? Non, je n’y crois pas.

A votre avis, il faut donc une démarche inclusive pour aller vers la paix ?

Oui, il le faut. Il nous faut adopter la même position que le Togo, la Côte d’Ivoire, le Canada, l’Afrique du Sud, etc. Il s’agit de mettre en place une commission dite ‘’vérité, réconciliation et pardon’’. Il faut donner la parole à toutes ces personnes qui ont été victimes dans cette guerre pour qu’elles sortent ce qu’elles ont dans le cœur. Tant qu’on ne fait pas cette thérapie de nation, le problème va rester entier.

Comment comptez-vous avec votre collectif peser sur le processus de paix ?

Le collectif des cadres casamançais est une association ouverte à tout le monde. C’est donc un engagement citoyen, volontaire. Elle est composée de gens qui acceptent de discuter de cette région. Je pense qu’on lui fait souvent un mauvais procès dans les accords. Il s’est toujours positionné comme le garant des engagements pris par les différentes parties. Ce qui fait qu’il est parfois très mal vu du côté de l’Etat ou de la rébellion. Donc, c’est très compliqué pour les membres de cette association. Nous n’avons jamais été pour l’indépendance. Aujourd’hui, la résolution de ce conflit aurait dû passer par ce collectif, parce que ses membres savent beaucoup de choses.

Comment analysez-vous l’implication des Etats-Unis dans cette crise ?

J’ai dit ceci dans le livre : ‘’Je n’ai jamais compris l’implication des Etats-Unis dans cette crise.’’ Présentement, personne ne peut vous dire les raisons de cette implication. Il y a des lobbys derrière. On ne nous dit pas exactement ce qui se passe dans cette affaire. A mon avis, il y a des enjeux en soubassement qui sont tellement importants que parler de cette crise, c’est se mettre à dos tout le monde.

Quelle est la place de Saint-Egidio dans la résolution de ce conflit ?

C’est la même chose que les Etats-Unis. Saint-Egidio discute avec une seule branche. Si le Grpc jouait une mission de cadre de coordination pour que toutes les initiatives qui ont été prises pour la paix se retrouvent, les gens pourront, dans ce cas précis, aller de l’avant. Malheureusement, chacun a son propre calendrier. Les lobbys ne sont pas uniquement du côté étatique. On les retrouve également chez les rebelles. Les gens parlent de dialogue entre le Mfdc et l’Etat. Moi, je dis que le simple soldat qui est au front ne sait même pas ce qui se passe en haut lieu. C’est ça qui me fait mal. Les populations sont laissées en rade dans le cadre de la gestion de cette affaire.

Donc à votre avis, les Présidents du Sénégal qui ont eu à gérer cette crise ont été floués par leurs collaborateurs ?

Il y a beaucoup de gens qui disent qu’ils sont ‘’Monsieur casamance’’ alors qu’ils ne sont jamais sortis de Rufisque ou bien, s’ils arrivent à Ziguinchor, ils vont dans les hôtels. Ces mêmes personnes se permettent d’écrire des rapports qu’elles présentent au président de la République qui prend des décisions en fonction des informations reçues. C’est ça le problème.

Vous citez dans votre ouvrage Robert Sagna qui parle de ‘’décentralisation intelligente’’ dans le cadre de la résolution de ce conflit. Pouvez-vous y revenir ?

Pour lui, il n’est même pas question que les gens parlent de l’indépendance de la Casamance. Par contre, une décentralisation intelligente vis-à-vis de l’Etat est soutenable. Mais que personne ne nous demande, à nous cadres casamançais, l’indépendance de cette région.

Le Mfdc est composé de différentes branches : modérée et dure. Y-a-t-il un interlocuteur crédible pour dialoguer dans le but d’aller vers la paix ?

Ils sont plusieurs interlocuteurs. Pour le moment, je ne connais pas une figure emblématique qui préside aux destinées du Mfdc. Maintenant, je ne sais vraiment pas s’ils sont crédibles ou non.

Souvent, des membres du Mfdc exigent des négociations hors du Sénégal, de l’Afrique. Où se trouve la pertinence d’une telle démarche ?

C’est exactement la même question qu’un de mes enfants m’a posée. Qui va payer le déplacement des différentes parties ? C’est le contribuable sénégalais ou le Mfdc ? C’est là où je ne comprends pas le vrai problème. Le Mfdc a des exigences qu’il ne peut pas financer. Moi, personnellement, je ne vois pas la pertinence d’aller faire des négociations ailleurs. Parce que tous les mandats internationaux ont été levés. Ils sont en train de circuler librement.

PAPE NOUHA SOUANE ET GASTON COLY 

https://www.enqueteplus.com/content/xavier-diatta-auteur-du-livre-%E2%80%98%E2%80%99la-crise-casaman%C3%A7aise-racontee-mes-enfants%E2%80%99%E2%80%99-%E2%80%98%E2%80%99je-n%E2%80%99ai

 

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POST FACE Fiju di Terra, la crise casamançaise racontée à mes enfants

Publié par Xavier DIATTA sur 21 Mars 2017,

Xavier DIATTA, auteur Fiju di Terra, La crise Casamançaise racontée à mes enfants

Monsieur Xavier DIATTA fait désormais partie de ceux qui enrichissent la réflexion relative à l’histoire mémoire de la Casamance. Et le lecteur que vous êtes, comprendra que ceci est un « récit de vie militaire » qui certainement aussi, offre une belle image de ce qu’ont vécu de plus jeunes personnes, qui ont grandi dans le conflit.

Comme cela a été souligné par le préfacier, « la lecture de cet ouvrage vous guérira de toutes ces méprises sur la Casamance et sur la nature et l’origine du conflit casamançais (…), fera que la compréhension de la Casamance d’abord et de son conflit ensuite seront totalement révolutionnés ».

La Casamance, c’est une évidence, est devenue un souffre-douleur passif. Le peuple sénégalais, fatigué de la politique politicienne de ses élites quand il cherche à réclamer ses droits, se voit proposer comme alternative, la possibilité de commenter sur ce qui se passe en Casamance, et de faire oublier leurs problèmes au nom du patriotisme.

Au fond, en allant à la source décembre 1982, pour essayer de comprendre la réaction de ces administrateurs, représentants de l’État du Sénégal en Casamance, on semble entrevoir une volonté de « régler l’affaire rapidement, une bonne fois pour toute », la conscience des armes et de l’ordre hérité du colon aidant. Il fallait donc être expéditif en Casamance. On oublia vite que le Sénégal n’est pas un pays fondé par les armes. Le Sénégal moderne, celui-là qui se manifesta comme Etat sous le système colonial français, gagna son indépendance par la diplomatie, c’est à- dire en paroles.

C’est dire que, l’usage de la force militaire contre un mouvement de contestation sociale transformé en mouvement armé, a été la plus terrible erreur dans l’histoire politique du Sénégal. Car, si l’on voulait réellement opposer à « ces/ses » concitoyens qui ont été à la marche de décembre 1982 l’idée qu’ils étaient des Sénégalais à part entière, nul besoin d’utiliser des armes pour leur imposer un système jusqu’à prescrire au sein de la République des limites imposés par l’existence des maquis. Comme dans tous les cas similaires au monde, ceux qu’on a voulu corriger, devenus MFDC et indépendantistes, dos au mur, se sont retournés pour affronter « l’ennemi » et défendre chèrement leur peau. La « Vendetta » qui s’en est suivi, elle aussi expéditive, entraina une situation paradoxale de cette crise casamançaise. L’Etat du Sénégal à travers son armée, tout comme le MFDC, frappe les populations.

 D’une part, En Casamance, on a l’impression que dans les communes l’Etat s’invente des Frontières conquises, c’est-à-dire la démonstration que son armée peut entrer jusque-là au coeur du village, ce « terroir rebelle » avec les populations soumises à la tactique de la chair à canon. On croit que les villageois sont chanceux de côtoyer des militaires armés jusqu’aux dents, alors qu’ils sont bâillonnés, persécutés, après avoir été naguère pourchassés, brutalisés, torturés, emprisonnés, faits disparaitre. Les enfants en Casamance grandissent ainsi avec une certaine image de la peur, de la force et du fusil.

 D’autre part, le MFDC en opposition à un de ces principes fondateurs, la Paix, se lança dans des punitions, des exactions et une élimination de tous ceux qui étaient d’un avis contraire; en son sein même, ceux qui apportaient une contradiction à la volonté des leaders, subissaient le même sort ou rejoignait le camp des « Casamanqués ».

Une situation toute aussi paradoxale concernant la personne originaire de la Casamance; rappelons que le Casamançais pourtant vu comme « Casamanqué », traine aussi une certaine méfiance toute somme justifiable dans l’armée. On comprend bien qu’un fils de la Casamance n’aura pas la tâche facile, d’agir en patriote devant ses propres parents qui ignoraient jusquelà, ce que c’est le patriotisme dans une jeune nation comme le Sénégal. Un cas de conscience se poserait même pour le plus obscurantiste des soldats et même pour le plus républicain d’entre eux qui occulterait le principe sacro-saint, qu’une République ne peut mener la guerre contre une partie de son peuple, aussi rebelle soit-il.On donne ainsi l’impression à une certaine jeunesse qui croit savoir brutalement que pour être homme, il faut tenir un fusil à la place du stylo qui n’apporterait plus rien.

Elle ignore alors que dans l’armée plus on prend l’âge et en devenant un officier supérieur, « être homme », c’est devenir humaniste; c’est-à-dire que son seul ennemi juré c’est la guerre qui lui aurait pourtant donné toutes les distinctions. N’est-ce pas regrettable ? Que de regrets, que de regrets, …….

Et l’on se surprend en train de rêver au passé, d’un COMPORTEMENT des hommes qui nous aurait évité cette guerre atroce et insensée entre frères, et en se disant: ‘‘ Et si seulement les choses avaient tourné dans l’autre sens’’.

– Et si seulement les fonctionnaires et les représentants de l’État avaient un petit brin de justice !? Ils auraient dus bien gérer cette fameuse loi sur le domaine national et apprendre à connaitre les personnes dont ils ont la charge administrative.

–  Et si seulement cette marche de décembre 1982 avait connu une fin comme les organisateurs l’avaient imaginée : pacifique, sans violence comme le versement d’eau sur le parcours par les femmes en témoignait et par le dépôt de leur mémorandum au gouverneur.

– Et si seulement les forces de l’ordre s’étaient attelées à protéger leurs concitoyens conformément à leur mandat originel ; si leur humilité leur avait permis de ne pas ‘tenter de mater’’ les manifestants.

– Et si seulement, les représentants du MFDC avait adopté le principe de non-violence, cher à leurs ainés fondateurs du mouvement ; s’ils s’étaient abstenues de s’attaquer aux populations.

– Et si seulement le Parti socialiste était resté loin de cette crise ; s’il n’avait pas déclenché le processus de délation/mensonge pour éliminer un adversaire du même camp ou du camp adverse.

– Et si seulement les juges avaient écouté le plaidoyer et les recommandations des avocats de la défense.

– Et si seulement, Et si seulement, Et si seulement …………

Conséquemment depuis les années 80, on ne cesse de créer des exilés, des humiliés dans leurs  villages natales, des gens qui ne cherchent pourtant qu’à vivre libres et heureux. Après la mort de milliers de personnes, la construction et l’entretien de rancoeur et de frustration profonde, le défi qui se pose à tout le monde est de trouver les moyens d’une BONNE PAIX afin d’étouffer a jamais les graines belliqueuses disséminées partout dans le Sénégal. Quoi qu’il en soit, le chemin de la paix ne devrait pas être pavé de bonnes intentions armées que de fusils ! Le seul combat qui vaut la peine d’être mené aujourd’hui, est celui du dialogue démocratique sous toutes ses formes. L’Etat du Sénégal on le sait, a pour seule équation avec des questions subsidiaires, « Comment en finir avec la rébellion en Casamance par des voies démocratiques et sans risque ?  » En même temps, on se demande « Comment créer une situation de confiance pour aller vers des négociations, quand on lance des mandats d’arrêts internationaux contre une partie des membres de ceux-là même qui sont conviés à de possibles négociations ? « 

A vrai dire, nous sommes nombreux à ignorer ce que le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) est; nous dépendons majoritairement de ce qu’en pensent les réclames de presse qui nous invitent plus à vivre dans l’imaginaire du rebelle armé dans les impénétrables forêts sacrées casamançaises. Non seulement, nous cultivons l’ignorance de la Casamance mais en plus, sommes inscrits de force dans une sorte d’école où l’on apprend tout un art d’écrire le scénario d’un film de guerre contre certains casamançais, ennemis de la République qui dit-on, est « une et indivisible ».

La Paix, Comment ?

Nous répétons que le chemin de la paix ne devrait pas être pavé de bonnes intentions armées que de fusils. Plusieurs solutions en vue d’atteindre cet objectif sont proposées çà et là. D’aucuns pensent que des négociations entre les belligérants, l’état et le MFDC, devraient se tenir en n’éludant aucun point, y compris l’indépendance ; et le dernier mot devrait revenir aux populations qui mieux que quiconque sait bien ce qu’elles veulent.

L’auteur propose la mise en place d’une Commission Vérité, Réconciliation et Pardon. Cette tentative de solution expérimentée dans plusieurs parties du monde devrait asseoir les bases d’une BONNE PAIX.

Cependant dans tous les cas, un environnement et une attitude de PAIX devraient être installés : ce qui permettrait entre autres, la levée des mandats d’arrêts internationaux qui frappent certains représentants du MFDC, le désarmement de toutes les factions et la nomination d’un groupe d’États-garants, forts.

Nous insistons sur le fait que le dialogue démocratique sur toutes ses formes, soit le seul combat qui en vaille vraiment la peine aujourd’hui. C’est un combat qui se mène depuis une dizaine d’années avec des intellectuels engagés qui ont pris la ferme résolution de produire des connaissances relatives à la situation casamançaise pour aider à mieux la comprendre, pour mieux la résoudre. Et ce, à travers des conférences publiques sur les droits, devoirs et libertés, destinées aux populations casamançaises. Mais aussi à travers, nous le disions précédemment, la production et la transmission de la mémoire collective de la Casamance. Les valeurs qui font progresser le chemin de la paix en Casamance ne sont pas forcément les mêmes que celles qui ont fait et qui vont faire durer la Casamance. Beaucoup d’acteurs de la paix ont oublié les secondes, cela pendant maintenant plus d’une vingtaine d’années, et doivent désormais leur porter toute leur attention. C’est en tous les cas, ce que les Editions Injé Ajamaat/Kmanjen font, initialement avec la publication de la désormais incontournable « Histoire authentique de la Casamance » révélée par les archives et l’interprétation des sources les plus fiables sur l’histoire du pays Ajamaat. Notre ambition étant de faciliter la production et la transmission de l’histoire mémoire du territoire et des peuples Ajamaat, nous encourageons donc les Casamançais – entendre par là, tous les amoureux de la Casamance qui y auraient vécue l’expérience de la crise qui débuta dans les années 1980 – à matérialiser cet espoir que nous faisons vivre en suivant tout simplement l’exemple de Xavier Diatta entre autres, cet aîné, ce père de famille, ce « Fiju di Terra » qui « raconte la Crise Casamançaise à ses Enfants » ; ceux de la République surtout.

Nous laissons et laisserons la parole aux aînés, ceux-là qui ont été d’une manière ou d’une autre au coeur de la Casamance et qui l’ont vécue sous conflit ; aux jeunes aussi, s’ils le veulent bien. Tous, qu’ils soient du côté du système étatique armé d’un fusil ou d’une idéologie de l’Etat, ou du côté du peuple armé d’une certaine idée de la Casamance et de la liberté, ou injustement accusé parce qu’ils ont osé porter de manière ostentatoire les principes de devoirs, droits et libertés dans les années 1980 et après.

Vive la Paix en Casamance

Administration

Editions Injé Ajamaat / Kmanjen

ichrono.info ex libris   pape B CISSOKO