Les vertueux -Yasmina Khadra-ed MIALET BARRAULT 

«J’ai écouté ce matin sur Europe 1, Yasmina KHADRA et je me suis demandé, pourquoi je ne l’ai pas lu avant. Il est vrai, que son univers est souvent l’Algérie, mais à l’écouter, c’est un prétexte, son ouvrage- ci exprime l’humanité et cela transcende un lieu et un temps. Lisez le , écoutez-le P B CISSOKO.

J’ai vécu ce que j’avais à vivre et aimé du mieux que j’ai pu. Si je n’ai pas eu de chance ou si je l’ai ratée d’un cheveu, si j’ai fauté quelque part sans faire exprès, si j’ai perdu toutes mes batailles, mes défaites ont du mérite – elles sont la preuve que je me suis battu.Algérie, 1914. Yacine Chéraga n’avait jamais quitté son douar lorsqu’il est envoyé en France se battre contre les « Boches ». De retour au pays après la guerre, d’autres aventures incroyables l’attendent. Traqué, malmené par le sort, il n’aura, pour faire face à l’adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité.Les Vertueux est un roman majeur, la plus impressionnante des oeuvres de Yasmina Khadra.

Extrait : « Très jeune, on m’avait certifié que chacun naissait doté d’un chemin dûment  établi, avec des gîtes d’étape précis, des raccourcis et un point de chute dont on ne se relèverait pas. Nous étions persuadés, dans notre douar, que lorsqu’on éclot sous la mauvaise étoile, on s’évertue à apprivoiser le pire. Hélas, nous étions loin de la vérité. Le pire ne s’apprivoise pas. Et il n’y a rien de pire que la guerre. Rien n’est tout à fait fini avec la guerre, rien n’est vaincu, rien n’est conjuré ou vengé, rien n’est vraiment sauvé. Lorsque les canons se tairont et que sur les charniers repousseront les prés, la guerre sera toujours là, dans la tête, dans la chair, dans l’air du temps faussement apaisé, collée à la peau, meurtrissant les mémoires, noyautant chacune de nos pensées, entière, pleine, totale, aussi indécrottable qu’une seconde nature ».

Avec « Les vertueux » Yasmina Khadra signe un grand roman universel sur l’Algérie de l’entre-deux-guerres

L’écrivain algérien questionne, dans son dernier livre, les notions de pardon, de destin, d’exil intérieur et de fatalité.

Article rédigé par

Mohamed Berkani

Yasmina Khadra au 35e Festival du livre de Mouans-Sartoux, France, le 8 octobre 2022.  (ERIC DERVAUX / HANS LUCAS)

Les vertueux est dans la veine de Ce que le jour doit à la nuit, chef d’œuvre de l’écrivain algérien le plus connu en France. Un grand roman où des histoires personnelles racontent la grande Histoire. Du souffle, Yasmina Khadra en a. Et il en faut pour écrire cette fresque qui décrit avec beaucoup de justesse l’Algérie du début du XXe siècle qui commence à la veille de Première Guerre mondiale. Du souffle et de l’imagination. Yasmina Khadra, Mohammed Moulessehoul pour l’état civil, confirme avec Les vertueux qu’il demeure un formidable conteur. « C’est mon plus beau texte », a confié l’auteur de Morituri à Franceinfo. Un grand roman populaire, dans le sens le plus noble du terme.

Tout commence par un marché de dupes. Yacine, jeune berger très pauvre, se voit proposer un pacte par un caïd : il part en France faire la guerre à la place de son fils en échange d’une ferme pour ses parents. Dans une société féodale, le caïd « était à l’image du bon Dieu. Il pouvait faire d’un vaurien un notable et d’un insolent un gibier de potence, sauf qu’il était plus enclin à sévir qu’à gratifier ». Et voilà le jeune Yacine dans les tranchées à place du fils de Hamza. Quatre ans à se battre contre « les Boches » et à essayer de survivre. Son retour, Yacine l’imaginait comme une promesse de jours meilleurs. Mais on attendait de lui, le héros, de disparaître pour que l’usurpateur puisse apparaître en pleine lumière. Il devait mourir pour que Hamza, le fils du caïd, naisse au grand jour, auréolé de médailles de guerre.

Le Pacte

Le marché se transforme en cauchemar, une fuite sans fin. Et c’est là que Yasmina Khadra questionne le destin. Comment l’écrire ? Avec le sang, la vengeance ? En suivant un tout autre chemin ? Ainsi, de retour en Algérie, le jeune Yacine mûrit, côtoie la violence, affronte le dénuement. Au cours de son périple, il renoue avec certains de ses anciens campagnons de guerre, les Turcos, ces tirailleurs algériens qui ont servi dans l’armée française. Il se retrouve embarqué avec l’ombrageux indépendantiste Zorg dans une rébellion désespérée, se lie à nouveau avec Sid l’hédoniste, à la recherche d’une rédemption, qui se noie dans l’alcool ou encore Raho, assagi par les épreuves de la vie et… une forme de bonheur stoïque. Des épreuves, Yacine les accumule, baigne dedans. Les rares moments de répit sont vite rattrapés par de nouveaux malheurs, toujours plus injustes.

Yacine refuse que son identité soit réduite à cette succession de souffrances. « Des choses incroyables vous tombent dessus, détournent le cours de votre existence et le bouleversent de fond en comble. Vous avez beau fuir au bout du monde, vous réfugier là où personne ne risque de vous trouver, elles vous suivent à la trace comme une meute de chiens errants et font de vous quelqu’un qui ne vous ressemble en rien et qui devient la seule histoire que l’on retiendra de vous. Certains appellent ces choses mektoub. D’autres, moins déraisonnables, disent que c’est la vie ». Avec une langue généreuse, imagée, Yasmina Khadra nous emmène dans un voyage lumineux qui voit Yacine, et nous avec lui, apprendre à pardonner.

Kirzy   27 août 2022

°°° Rentrée littéraire 2022 #6 °°°
Coup de coeur pour ce grand roman porté par un souffle romanesque qui s’impose comme une évidence, emportant le lecteur dans une épopée où l’amour, l’amitié, la solidarité sont des boussoles vers la lumière dans le monde violent et injuste de l’Algérie coloniale.
On y suit les tribulations initiatiques d’un Candide algérien, Yacine Cheraga, à peine vingt ans, miséreux au coeur pur. Il part faire la Première guerre mondiale sous un autre identité, celle du fils du caïd local, contre une promesse de fortune, lui qui n’avait jamais quitté son douar et sa famille aimante. A son retour en Algérie, rien ne se passera comme prévu et s’ensuivra un parcours de naufragé, une odyssée gigantesquement romanesque qui mettra à l’épreuve la vertu et la moralité de Yacine dans une Algérie rude et âpre rarement décrites ainsi.
La narration à la première personne de Yacine est d’une limpidité superbe. le scénario lisible, classiquement chronologique de 1914 à 1925, fait se croiser et recroiser dans l’après-guerre les personnages qui se rencontrent dans le 7ème RTA ( régiment des tirailleurs algériens, les « turcos »que l’on suit dans les tranchées de Verdun ou de Louvemont ). Les quelques chapitres sur l’enfer des tranchées égalent la puissance évocatrice d’un Dorgelès ou d’un Genevoix, et constituent le coeur du récit à partir duquel l’auteur tisse des ramifications, des retrouvailles, des digressions picaresques qui jalonnent la poursuite du destin tragique de Yacine. C’est en refermant le livre que l’on se rend compte de la virtuosité de la construction et du dispositif romanesque.
Son écriture, élégante et enveloppante, ne semble être là que pour magnifier les émotions qui étreignent le lecteur et l’élan empathique qui s’empare irréversiblement de lui. Ce qui sauve Yacine lâché dans cette arène des fauves, c’est son entêtement à poursuivre les fantômes des absents sans jamais lâcher une ligne de conduite faite de droiture, honnêteté et vaillance, résistant au pessimisme ambiant.
Les personnages secondaires, tous extraordinairement caractérisés, complexes, sont autant de bornes initiatiques, obstacles à dépasser ou guides pour avancer. Difficile d’oublier le meilleur ami Sid, hédoniste consumé voulant rentabiliser le miracle d’avoir survécu aux tranchées; Zorg Er-Rouge, l’ancien Turco plein de colère et ressentiment qui lance la guerre aux pieds-noirs, terriblement complexe; et sa cousine Abla, inoubliable amazone fidèle à sa famille le couteau entre les dents.
Ce sont les figures d’Algériens qui dominent le récit, ce qui offre à Yasmina Khadra la possibilité d’autant mieux explorer la complexité de la nature humaine : comme toutes les sociétés humaines, la société algérienne est fracturée par des lignes de tension très fortes, entre soumis ou profiteurs de la colonisation et rebelles annonçant le FLN et la guerre d’Algérie; entre riches et miséreux. Les Français sont finalement assez absents. Ils sont évidemment présents dans les passages sur la Première guerre mondiale comme officiers encadrant les soldats indigènes, soulignant l’injustice et le mépris avec laquelle ces derniers ont été traités. Même chose lors du passage au bagne de Biribi. Oui,

Les Vertueux Yasmina Khadra (Auteur)

 

l’histoire ne retient que les héros qui l’arrange. Mais au final, Yasmina Khadra raconte une histoire algérienne, entre Algériens, dans un contexte colonial certes, ce qui lui permet d’éviter la leçon de morale, quelque légitime elle soit, ni de réclamer repentance de façon facile et attendue.
Dans le parcours très sombre de Yacine, la lumière nait de la solidarité entre hommes, soldats ou pas, indigènes ou pas, français et algériens. Jusqu’à une fin bouleversante qui m’a embué les yeux, résonnant d’une générosité et d’une sagesse à la Camus que j’ai trouvée très belle. La portée du récit est ainsi immédiatement universelle. A l’heure où certains en Algérie lui reproche d’écrire en français et de « collaborer », à l’heure la colère et la rancoeur à l’égard de la France sont encore vives, le message est d’autant plus fort. La haine ne fait définitivement pas partie des fibres sensibles de Yasmina Khadra.
Il y a tout dans ce sublime roman : de la violence, de la douleur, aussi de l’amitié, de l’amour, du pardon et surtout de l’espoir. Une leçon de vie magnifique qui conduit vers la sagesse un Yacine au bout de sa rocambolesque épopée, en paix avec lui-même, ses fantômes et ses absents. On se sent voyager loin, géographiquement et émotionnellement, on se sent humain tout simplement lorsqu’on referme le livre.
Lu dans le cadre du jury Prix du roman FNAC 2022

lyoko   10 octobre 2022

Cela fait un moment que bon nombre de les amis lecteurs me conseille de lire Yasmina Khadra. Alors quand j’ai eu l’opportunité de le choisir en masse critique je n’ai pas hésité.
Je me demande juste pourquoi je n’ai pas cet auteur avant. Sa plume est poétique, prenante, et tellement juste.
J’ai adoré ce roman. J’ai vibré en suivant les aventures de Yacine.
J’ai trouvé ce roman plein de justesse, avec quelques longueurs parfois, J’ai trouvé le scénario très prenant. Les sujets multiples, mais l’amour l’amitié et les relations entre frères d’arme très juste une fois encore.
Les personnages sont extrêmement bien travaillés, gentils comme méchants. L’être humain prend toute ses dimensions dans ce roman.
Une première découverte pour moi, mais très agréable,et je vais bien évidemment continuer la découverte de cet auteur très talentueux.
Je remercie Babelio et les éditions Mialet Barrault pour cette incroyable découverte. Je n’étais pas loin du coup de coeur.

Sur l’auteur : Pourquoi Yasmina Khadra s’appelle Yasmina Khadra ? Mohammed Moulessehoul voulait échapper à la censure en Algérie et choisit les deux prénoms de sa femme comme pseudonyme. Officier de l’armée algérienne pendant 25 ans, il fait valoir ses droits à la retraite en 2000 pour se consacrer entièrement à l’écriture. Les lecteurs le découvrent avec la série du Commissaire Llob. Il est l’auteur de la trilogie Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad, ou encore Ce que le jour doit à la nuit. Traduits dans une cinquantaine de pays, plusieurs de ses livres ont été portés à l’écran.