Allégories et paradoxes de l’immatériel- François-Michel MAUGIS Penseur/Réunion

  

(L’homme: petit événement, très grandes conséquences).

L’immatériel (le mystère de l’origine de l’univers, de la vie et de l’homme) a donné naissance aux plus grands objets matériels du Monde: les pyramides, les cathédrales les temples, les mosquées, etc. Fallait-il être bien déséquilibré ou torturé pour une telle folie ? Le drame, c’est que, même si de monumentales tours phalliques les ont remplacées, nous ne sommes toujours pas guéris de ces incohérences et de ces déséquilibres.

On comprend fort bien que pour expliquer et répondre à toutes ses questions existentielles (d’où venons-nous, où allons-nous et pourquoi), les premiers humains qui n’avaient ni les outils ni les connaissances d’aujourd’hui, furent tentés de répondre par des mythes, des allégories. Michel Bakounine, dans Dieu et l’État estime que le vrai sens de ce mythe est l’accès de l’homme à la conscience qui le fait échapper à la condition animale et au diktat de l’instinct, mais au prix de la culpabilité de ses actes, dont il devient pleinement responsable. (Perdre son instinct animal, je veux bien mais remplacer l’instinct par le sens des responsabilités, c’est une autre affaire).

Ce que l’on comprend moins, c’est pourquoi ces mythes et ces légendes perdurent. On n’en est pas encore tout à fait certain mais il est probable que le primate le plus évolué qui n’est sorti que tout récemment d’une évolution terrestre de plusieurs milliards d’années, a remplacé le hasard et cette inconcevable durée, par le mythe d’un créateur tout puissant. Pour ce qui est de notre propre existence, il est vrai aussi que rien, dans l’évolution de la vie, ne laissait présager l’apparition d’un mammifère aussi atypique.

Ce qui est surprenant, c’est que, bizarrement, le mythe du fruit défendu se rapproche étrangement des dernières découvertes scientifiques.

Selon elles, la filière humaine des mammifères, peu adaptée à son environnement, aurait dû disparaître il y a plusieurs millions d’années. Elle ne devrait sa survie et son développement qu’à une conjonction très improbable de divers événements. Selon une récente étude américaine confirmée par plusieurs chercheurs français, ce serait en effet la consommation d’aliments cuits, probablement un tubercule aérien toxique cuit (et donc détoxifié) à la suite d’incendies de forêt, qui aurait permis cette étrange mutation de l’animal vers l’homme. Mais ce n’est pas tout.

Ayant compris le miracle de la cuisson, notre ancêtre primate, s’est rapidement approprié le feu lui-même, ce qui l’a sauvé de ses principaux prédateurs, effrayés par les flammes. La conjonction improbable de ces deux événements (la consommation d’aliments cuits et la domestication du feu), seraient donc les seuls responsables de la naissance, de la survie et du fantastique développement de cette espèce de primate. Sans cette conjonction d’événements, il est plus que probable que cette espèce n’aurait jamais pu se développer. Elle n’aurait d’ailleurs, même pas pu voir le jour. L’origine de la maîtrise du feu par quelques primates asiatiques ou africains, on connait. Plusieurs films ont retracé plus ou moins fidèlement « La guerre du feu ».

Ce que l’on connaît moins, c’est cet aliment miracle qui aurait tout déclenché.

Ce qui est tout de même très surprenant, c’est que cette sombre histoire de « Fruit défendu » semble avoir des relents de vérité. OK. Mais cette vérité scientifique remonterait à plus de 7 millions d’années en arrière, durée qui n’était pas à la portée de premiers visionnaires, sorciers, pasteurs ou prêtres qui seraient à l’origine de ce mythe et directement ou pas, du Premier Testament. Il serait donc temps, me semble-t-il de s’intéresser à ce fruit. Le problème, c’est que les scientifiques ne nous disent pas de quel fruit il s’agit. Bizarrement, ce serait un agriculteur réunionnais qui nous aurait donné la clé du mystère. Selon lui, le seul « fruit » susceptible d’être consommé après un incendie de forêt, ne serait pas un fruit (fatalement complètement carbonisé), mais un tubercule aérien de la famille des Ignames que l’on nomme à La Réunion « Pomme en l’air » ! Il s’agit d’un tubercule à la peau épaisse, pouvant résister au feu pendant la cuisson.

Et effectivement, plusieurs études menées dans le Monde semblent confirmer cette hypothèse. Jugez plutôt : Dioscorea bulbifera, nom scientifique de cet Igname, serait, la plante alimentaire la plus ancienne, la plus répandue en milieu tropical, la première plante cultivée il y a plusieurs millions d’années, la plus équilibrée en fibres, celle qui permit le plus grand nombre de migrations humaines dans le Monde et les plus anciennes, l’une des plantes qui a la croissance la plus rapide, enfin, c’est elle qui a donné naissance au mot « manger ».

Au Sénégal, dans la langue véhiculaire locale (la langue peule) le mot « Nyam » a une double signification. Il désigne la plante (l’Igname) et est également la traduction du mot: « Manger ». On retrouve le même son en anglais: « Yam » qui signifie « Igname » et en espagnol avec « gname ». En français, on suppose que l’expression « miam-miam », comme le mot « manger », tirent également leur origine du mot africain « Nyam ».

Il n’y a, bien entendu aucune preuve formelle à ce sujet, mais on ne voit pas trop quelle autre plante, carbonisée après un incendie de forêt, serait toujours comestible. Cette Pomme en l’air, serait-ce un nouveau mythe qui s’envole ?

François-Michel MAUGIS