«Bien parler, choisir le mot juste et le placer où il faut, gérer son souffle ; l’éloquence est un art qui se travaille ». P BC etc
» C’est en commençant à écrire ce livre que j’ai compris à quel point mon sujet, que je croyais avoir circonscrit par des années d’études, était en réalité infini.
Je suis tombée dans l’éloquence comme d’autres dans la marmite. Très tôt, j’ai éprouvé le besoin de prendre la parole pour ceux que la société laissait de côté : le temps du journal du lycée est un peu loin, mais je le garde toujours dans un coin de mon cœur, comme le premier qui m’a permis de sortir de l’intimité de mes cahiers de poèmes.
Et puis il y a eu les premiers pas dans mon métier. Mutée il y a dix ans en Seine-Saint-Denis, je ne savais à quoi m’attendre, et j’ai découvert une tout autre éloquence que celle, académique, de mes années de formation.
C’est pourquoi vous trouverez dans ce dictionnaire plusieurs types d’entrées, qui tentent d’illustrer la plasticité de la notion.
Il était difficile de faire l’impasse sur les fondations antiques de l’éloquence, et sur leur résurrection au siècle classique : il faut rendre à César ce qui lui appartient.
Mais à ces entrées académiques répondent aussi les portraits de certains de mes élèves, ou de quelques proches qui incarnent à mes yeux l’un des visages de l’éloquence.
Il y a aussi dans ce livre un peu de notre monde actuel – celui qui fait réfléchir et avancer, pas celui qui périme en même temps que la polémique qu’il a instaurée.
D’autres entrées vous surprendront sans doute, ou vous sembleront à première vue hermétiques et, en l’occurrence, peu éloquentes. Ne les fuyez pas : volontairement mystérieuses, elles sont des portes d’entrée vers d’autres mondes qui vous seront sans doute plus familiers. C’est de cette manière que j’ai à mon tour cherché à gommer les frontières entre les multiples univers de l’éloquence.
Si ce dictionnaire peut apporter quelque chose, pourvu que ce soit cela : faire vaciller quelques certitudes et bousculer quelques a priori pour rendre à l’éloquence la grandeur qui est la sienne – celle du cœur. »
Mathilde Levesque, agrégée de lettres modernes et docteur en langue et littérature françaises, enseigne au lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois. Elle est notamment l’auteure de LOL est aussi un palindrome.
Lu ici et là
Prof de lettres dans un lycée de Seine-Saint-Denis, Mathilde Levesque, Charentaise, agrégée, sort ce jeudi son cinquième livre. Un dictionnaire amoureux de l’éloquence. Une nouvelle ode à ses élèves.
Ses élèves sont son moteur et sa principale source d’inspiration. Elle est la Charentaise de cette rentrée littéraire, éditée chez Plon, excusez du peu, dans la collection prestigieuse des dictionnaires amoureux. Mathilde Levesque, 39 ans, professeur agrégée de lettres, enseignante dans un lycée de Seine-Saint-Denis, classé « difficile » (et fille du maire de Châteauneuf, Jean-Louis Levesque), publie le « Dictionnaire amoureux de l’éloquence », son cinquième livre. Entretien avec une prof passionnée, dont le travail pour faire aimer l’éloquence à des jeunes qui s’en sentent éloignés, avait été salué ».
« Si l’éloquence a ses règles, elle est avant tout un art qui se cultive. Quelle définition lui donner ? « Art de bien parler », « art de persuader », « facilité pour le faire » ? Parce qu’elle constitue un atout pour nos métiers de communicants, à l’annonce de la publication du Dictionnaire amoureux de l’éloquence par Mathilde Levesque, je me suis aussitôt dit qu’une chronique s’imposait. Sous la plume de cette agrégée de lettres modernes et docteure en langue et littérature française qui enseigne au lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois, l’éloquence retrouve son panache et sa modernité !
Pourtant dès les premières lignes de son introduction, elle avertit : « S’il n’y a pas d’entrée « éloquence » dans ce dictionnaire, c’est bien parce que la réalité de cette notion demande l’espace d’un livre. » Puisant dans son expérience de prof de banlieue, elle confie : « C’est en commençant à écrire ce livre que j’ai compris à quel point mon sujet, que je croyais avoir circonscrit par des années d’études, était en réalité infini. Je suis tombée dans l’éloquence comme d’autres dans la marmite. Très tôt, j’ai éprouvé le besoin de prendre la parole pour ceux que la société laissait de côté. Et puis il y a eu les premiers pas dans mon métier. Mutée il y a dix ans en Seine-Saint-Denis, je ne savais pas à quoi m’attendre, et j’ai découvert une tout autre éloquence que celle, académique, de mes années de formation. »
Ce n’est donc pas un hasard, si elle a consacré son mémoire de master puis sa thèse de doctorat à l’ensemble de l’œuvre de Cyrano de Bergerac. De cet écrivain et bretteur, elle écrit : « Son écriture est empreinte d’un art de la pointe qui entend toujours viser juste. » Faisant référence à l’une de ses œuvres moins connues « Les entretiens pointues », elle met en lumière « les limites de l’éloquence car, à vouloir briller à tout prix, on perd la spontanéité qui fait le sel de la repartie. » Elle souligne ici ce qui donne à l’éloquence son pouvoir : il s’agit certes de s’appuyer sur les règles académiques, celles de la rhétorique, mais sans la subir.
Dans ces plus de 480 pages, c’est à cela qu’elle s’emploie. Préparez-vous à piocher dans une succession d’items divers, aussi attendus qu’incongrus, pour une immersion dans les arcanes de l’éloquence sous toutes ses aspérités, d’hier à aujourd’hui. Figures académiques et personnalités contemporaines cohabitent dans un étonnant mélange des genres. Vous croiserez Aristote et Robert Badinter ; Bossuet et Bourdieu : Cicéron, Démosthène et le réalisateur Raymond Depardon mais aussi Annie Ernaux, Gisèle Halimi, Homère, Victor Hugo, Périclès, Quintilien, Racine, Arthur Schopenhauer, Vaugelas et Simone Veil… mais aussi certains de ses élèves qui ont été comme autant d’exemples inspirants : Assa, Mohamed, Sheshe, Teodora, Carmen, Claire, Samia et Sophie. Sans oublier, ses grands-parents. Le texte qu’elle leur consacre dans l’item « mamie (et papi) » est à cet égard touchant et révélateur d’une époque et de ce qui fait la langue. Joli passage que je recommande : celui sur la « repartie », autrement dit l’éloquence de l’esprit, qui se fait si rare. Et de citer Freud qui disait du mot d’esprit qu’il est « un bon moyen de se révolter contre l’autorité ». Ou bien encore, celui sur le « Ghost writer » – car il est l’un des aspects de mon métier ! – appelé aussi « prête-plume » dont elle écrit avec une infinie justesse « pour pouvoir prêter sa plume, c’est tout son corps et son cœur qu’il a engagés, au mépris de sa propre voix ».
Érudit tout autant qu’imprégné des combats de notre société du XXIe siècle pour libérer la parole des femmes et des victimes, ce dictionnaire amoureux redonne à la rhétorique sa raison d’être. Il dénonce les mots creux, l’abus des effets de style autant que l’entre-soi, dont personne n’est dupe, à moins d’être sous emprise ou manipulé i
S’il y avait un seul enseignement à retenir ? La réponse serait celle exprimée par Quintilien : « C’est le cœur, c’est la force du sentiment qui rend éloquent. » CQFD !
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À noter que cette chronique a été initialement publiée dans la rubrique « Bonnes Feuilles » de la newsletter mensuelle datée de octobre 2022, de l’association Information Presse et Communication, rédigée en partenariat par Chemin Lisant, Une plume des Livres.