Ramadan et reins – Par le Pr Amal BOURQUIA-Maroc

« Ne jamais faire une chose qui vous blesse, au motif que la société nous regarde-la santé n’est pas un jeu ». PBC

Il n’existe pas de recommandations claires concernant le jeûne du mois de ramadan par les personnes atteintes de pathologies rénales. Cependant, l’autorisation du jeûne doit être formulée en fonction de l’état clinique du patient, de la tolérance et des médicaments et leurs éventuelles adaptations.

Doctinews N°131 Avril 2020 Par le Pr Amal BOURQUIA

 Professeur de néphrologie et dialyse et présidente de l’association marocaine de lutte contre les maladies rénales Reins, experte en éthique médicale et communication médicale.

Les reins jouent un rôle vital au sein de l’organisme. Ils ont pour rôle de maintenir la quantité d’eau nécessaire au bon fonctionnement et d’éliminer le surplus. Ils éliminent aussi les déchets et les toxines et contribuent au maintien des minéraux et des autres substances présentes dans le sang à un niveau adéquat. En outre, les reins produisent des hormones qui contribuent à réguler la tension artérielle, à produire des globules rouges et à maîtriser le taux de calcium dans l’organisme.

Attention aux complications

Dans les conditions normales, plus l’apport hydrique est important dans l’alimentation, plus le travail rénal est facilité. En revanche, quand la quantité d’eau consommée est réduite, les reins fournissent plus d’efforts pour concentrer l’urine et donc éliminer le maximum de déchets. Le changement brutal du mode de vie lors du mois de Ramadan et la nécessité de se nourrir la nuit entraînent des modifications du comportement et de la vigilance, des habitudes, de l’équilibre alimentaire ainsi que des variations biologiques.

Le jeûne du Ramadan, du fait de la privation de boissons, surtout en périodes de grandes chaleurs, entraîne la diminution de la filtration glomérulaire rénale. Les conséquences peuvent être parfois graves, surtout pour les malades qui s’obstinent à vouloir jeûner malgré les conseils du médecin ou ceux qui ignorent qu’ils ont une maladie rénale. Il n’y pas réellement d’études ou de recommandations pour ces patients.

Le médecin devra donc juger en fonction de chaque situation en son âme et conscience.

En cas d’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale est l’une des maladies que le jeûne peut aggraver. Qu’elle soit aigue ou chronique, cette pathologie se définit comme étant une altération de la fonction des reins qui risque de s’aggraver et d’entraîner des complications. Le manque d’apport en eau peut favoriser la survenue d’une hypovolémie et, par conséquent, entraîner des lésions tubulaires rénales chez les patients présentant une insuffisance rénale chronique avec un risque de dégradation de la fonction rénale. Les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique modérée et stable peuvent jeûner à condition qu’il y ait une surveillance continue de leur état de santé. Dès que leur niveau de créatine augmente, le jeûne doit absolument être interrompu.

Les patients insuffisants rénaux en dialyse ne peuvent pas, quant à eux, jeûner eu égard à leur état général souvent altéré, à la  dénutrition, aux problèmes liés à la dialyse et au risque des excès alimentaires lors de la rupture du jeûne, ce qui peut induire une surcharge hydro-sodée ou une hyperkaliémie.

Chez ces patients, il est donc recommandé de s’abstenir de jeûner, surtout s’ils sont âgés, anémiques, hypertendus ou présentant un risque cardiovasculaire élevé. Concernant les patients qui ont bénéficié d’une transplantation, ils ne doivent pas jeûner durant la première année. Pour les années suivantes, tout dépend de leur état de santé et de la présence ou non de complications.

Par ailleurs, l’autorisation du jeûne dépend du type de l’immunosuppression et du nombre de prises journalières des médicaments. Ces derniers doivent être pris à des heures régulières. Les transplantés sont donc appelés à respecter strictement les recommandations de leur médecin traitant.

Les autres maladies rénales

  • l Lithiases rénales : la déshydratation et la diminution du volume urinaire constituent des facteurs principaux pour le développement des lithiases rénales. Il est conseillé aux patients porteurs de lithiases rénales d’augmenter les apports en eau pour obtenir une diurèse de plus de 2
  • l par jour afin d’éviter la formation des calculs rénaux. Quand la maladie lithiasique est en phase aiguë, avec notamment des crises de coliques néphrétiques, il est conseillé de ne jeûner que quelques jours en fonction de la prescription du médecin. Au cours du mois de ramadan, nous notons davantage de cas de coliques néphrétiques. De façon générale, le jeûne n’est pas totalement interdit pour ces malades mais ils doivent boire beaucoup d’eau et respecter leur régime. C’est le néphrologue qui doit juger, au cas par cas, de la capacité du patient à jeûner ou pas. Pour les autres types de néphropathie ; à savoir glomérulaire, interstitielle et vasculaire en phase aiguë de la maladie, les patients ne doivent pas jeûner en raison du risque d’aggravation de la maladie rénale.
  • Concernant les néphropathies en rémission, le jeûne peut être autorisé sous surveillance médicale et avec une adaptation de la prise des médicaments. A titre d’exemple, les corticoïdes doivent être pris le matin, juste avant le début du jeûne (Shor) et non pas lors de la rupture du jeûne.
  • l Les personnes atteintes de maladies rénales s’accompagnant d’une fuite urinaire (néphropathie interstitielle, polykystose rénale, acidoses tubulaires..) : elles nécessitent une compensation régulière des pertes et ne sont donc pas autorisées à jeûner.
  • l L’infection urinaire : les patients présentant une infection évolutive ou des facteurs de risque d’infection aigue peuvent voir s’aggraver la maladie avec la diminution du volume urinaire, surtout chez les sujets âgés. Ainsi, certaines maladies rénales n’empêchent donc pas de pratiquer le jeûne du mois sacré de ramadan.

Il y a donc lieu de ne pas généraliser et de procéder au cas par cas. Tout doit reposer sur la décision du médecin traitant et des conseils qu’il donnera à son patient, sachant pertinemment que le praticien cherchera toujours à faciliter à son malade la pratique du jeûne tout en procédant à un suivi rapproché pour éviter tout risque éventuel.

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