Quand « Warner Group » fait l’apologie de la présence des mercenaires russes en République Centre Africaine

En visionnant la version française du film « Touriste » une production Russo-centre africaine, je me suis pincé en me demandant si je ne rêvais pas. Je me suis alors dit que la propagande de Poutine valait bien celle de Goebbels. Très fort le maître du Kremlin ! On voit que l’ancien du KGB n’a pas trouvé ses galons de colonel dans une pochette surprise.

Depuis son indépendance dans les années 1960 la République Centre Africaine a été constamment en proie à des luttes armées, mis à part la parenthèse, de triste mémoire, incarnée par l’empereur cannibale Jean-Bedel Bokassa (il entreposait de la chair humaine dans son réfrigérateur, qu’il servait à ses invités). Au passage, merci les français de l’avoir chassé du pouvoir. Le film, tourné à la manière d’un blockbuster américain, recourt à tous les artifices du film de guerre. Pendant près d’une heure trente on voit comment des instructeurs russes, du fameux groupe de mercenaires Wagner, ayant répondu à l’appel de l’actuel chef de l’Etat Faustin-Archange Touadéra mettent en échec les groupes rebelles de la CPC fidèles à l’ancien président François Bozizé, secondés par des mercenaires tchadiens.

Sauf qu’au départ, ces combattants blancs, sans insigne distinctif, ne devaient pas engager le combat mais jouer le rôle de force d’interposition, aux côtés des casques bleus de l’ONU également présentes sur le terrain. Oui, mais voilà, devant la pression elles n’ont eu d’autres choix que de protéger l’offensive des rebelles en direction de Bangui, la capitale centre-africaine. Les russes, dans ce film sont présentés comme des libérateurs, défenseurs de la population, sauf qu’en l’espace de quelques mois l’ambiance va radicalement changer, et des rumeurs persistantes vont présenter les « sauveurs » se comportant brutalement, recourant à la torture, au meurtre et au viol sur la population. Et pourtant, comme le dit un des personnages du film : « Les américains se battent pour la démocratie, nous pour la justice ». Des mots qui ont dû aller droit au coeur de ce bébé stalinien.

Mais bien sûr, ce n’est pas là un aspect que montre le film, à la gloire des mercenaires du Wagner Group qui entraînent les FACA (forces armées centre africaines) depuis 2018. Des FACA épaulés également par des éléments de l’armée Rwandaise.

Qu’il y ait eu des films soviétiques magnifiant la défense héroïque de Stalingrad, rien de plus normal, mais là il faut être sacrément gonflé pour mythifier l’action de ces paramilitaires se comportant en nouveaux colonisateurs de l’Afrique. La mythification devient de la mystification. Et cependant la mayonnaise a pris et la symphonie Poutinienne a été acclamée, lors de la projection du film, par des milliers de personnes présentes dans le stade à Bangui, oubliant bizarrement les violations de l’homme perpétrées par ces « héroïques militaires » russes.

Il faut dire qu’on voit une poignée de ces, soi-disant « instructeurs » mettre en déroute plusieurs dizaines de rebelles et de mercenaires. En le voyant des légionnaires ont dû penser revoir la bataille de Camerone, et les amateurs de westerns de revivre « Fort Alamo ». Quant au titre du film « Touriste » c’est tout simplement le nom de code qui a été attribué à son arrivée en RCA d’un novice au combat, un « bleu ».

En voyant ce film, je me suis demandé pourquoi la France n’avait pas réalisé un long-métrage sur la guerre qu’elle conduit au Sahel contre les djihadistes. Un film qui ferait l’apologie des militaires de la force Barkane, et Serval qui l’a précédée en 2014 lorsqu’il a fallu sauver Bamako et empêcher l’instauration d’une république islamique au Mali. Et accessoirement protéger l’Hexagone, mais aussi l’Europe, d’actions terroristes.

Je n’ose imaginer les cris de protestation d’une partie de la classe politique française et les vociférations de quelques mouvements subsahariens anti-français.

Curieusement, ce qui est vu au Sahel, par certains esprits bien pensant, comme une intervention post-coloniale, est jugé en RCA, avec les russes, comme une opération de libération.

Il est vrai que depuis Cuba et l’Angola nous sommes habitués à la lecture, pardon la falsification marxiste de l’Histoire.

Il est à craindre cependant que d’ici quelques années les africains ne déchantent en voyant leurs libérateurs russes (et aussi chinois) leur présenter la facture. Et celle-ci risque d’être salée !

Je précise que le film « Touriste » a été financé par l’oligarque russe, Evgueni Prigoline, patron présumé de Wagner. Il faut dire que ses hommes sont actuellement présents, outre la RCA, en Libye, au Soudan, en République du Congo pour la protection des sites miniers, en Angola pour protéger les mines de diamant, en Zimbabwe, et au Mozambique face à Daesh pour protéger les gisements de gaz naturel. Comme par hasard !

Et puis, ne dit-on pas qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même ?

Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono et d’Ichrono FM