Mort de Robert Badinter : l’ex-ministre de la Justice avait 95 ans

Nicolas Schwartz à 11h35 – Mis à jour le ven. 09 février 2024 à 12h18

Pour mieux comprendre un pays que vous devez visiter, il faut faire un tour au palais de justice.  Quand il sortait de ses cours à la Sorbonne, un SDF venait gratter sa guitare et Badinter lui donnait 1 Franc, et le second franc, il lui demandait d’allait lui chercher du café. C’était une façon de lui faire, entendre le goût de l’effort. PBC

Entré dans l’histoire pour avoir fait abolir la peine capitale en France, Robert Badinter est mort cette nuit selon LCI. L’ex-ministre de la Justice avait 95 ans.

La France pleure l’une de ses grandes figures. Ministre de la Justice de François Mitterrand de 1981 à 1986 et héraut de l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter s’est éteint dans la nuit du 8 au 9 février d’après LCI. L’avocat et époux de la philosophe Elisabeth Badinter avait 95 ans. « Robert Badinter ne cessa jamais de plaider pour les Lumières, a salué Emmanuel Macron sur le réseau social X, quelques minutes après l’annonce de sa disparition. Il était une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français. »

Jusqu’au crépuscule de sa vie, Robert Badinter aura mené un combat acharné contre la peine de mort. Une cause qui lui ouvre les portes de l’histoire le 18 septembre 1981, lorsqu’il obtient, à l’Assemblée, l’abolition de la peine capitale en France. Et ce contre les pressions et les insultes déferlant contre l »homme le plus haï » du pays. « Pour l’opinion, j’étais le ministre des criminels« , se rappelait-il récemment dans le Journal du dimanche. Surnommé « l’avocat des assassins » par ses détracteurs, pour avoir notamment défendu Patrick Henry, qu’il sauvera de la guillotine en 1977, l’avocat comprend à cette époque que son combat doit aussi passer par le terrain politique.

© Stephane Lemouton / BestimageRobert Badinter et Emmanuel Macron le 9 octobre 2021 au Panthéon

« Il fallait rentrer dans l’arène », dira Élisabeth Badinter, fille de Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur du groupe Publicis, que l’avocat épouse en secondes noces après son divorce d’avec l’actrice Anne Vernon. Tous deux issus de familles juives ayant fui les pogroms, ils se battront, chacun dans leur domaine, contre les injustices. « Je me suis juré, ayant vu exécuter Roger Bontems (un militaire condamné à mort qu’il avait défendu dans les années 70), que je passerai de la conviction d’abolitionniste au stade du militantisme« , justifiera également l’avocat et fils de déporté. Ce sera fait avec l’aide de son ami François Mitterrand, qu’il arrive à convaincre de s’engager personnellement contre la peine de mort lors de sa campagne en 1981, malgré une forte résistance dans l’opinion publique.

Président du Conseil constitutionnel et sénateur

Robert Badinter, à qui l’on doit aussi des mesures en faveur des libertés individuelles, des droits des victimes ou encore de l’amélioration de la condition des détenus, ne cesse ensuite de militer pour son abolition universelle. Même si sa vie politique est moins exposée : de 1986 à 1995, celui qui a refusé d’être décoré de la Légion d’honneur sera président du Conseil constitutionnel, puis sénateur PS des Hauts-de-Seine jusqu’en 2011. A l’abri des regards, Robert Badinter profiter ensuite d’une vie à deux avec Elisabeth, son épouse depuis 1966. Et toujours aussi amoureuse malgré le temps qui passe. « L’amour est comme un bail de neuf ans, c’est pourquoi Robert me passe régulièrement une nouvelle bague au doigt… Je vous laisse compter !« , confiait-elle à Paris Match. Ensemble, ils continueront aussi d’écrire. « Elle est plus travailleuse, plus rigoureuse, soulignait de son côté Robert, qui avait épousé l’actrice Anne Vernon en 1957, avant de divorcer huit ans après. Nous avons partagé l’écriture, puis chacun a corrigé l’autre et fait des suggestions et des censures. »

Le père de trois enfants (Judith, Simon et Benjamin), fruits de son mariage avec Élisabeth, avait récemment célébré les 40 ans de l’abolition de la peine capitale aux côtés d’Emmanuel Macron au Panthéon. « Moi, de mon vivant, j’aurais vu triompher cette cause, s’était-il félicité. La cause de l’abolition c’est la cause de la vie. Et j’y crois ! Donc j’ai eu beaucoup de chance. »

Crédits photos : Herique / Perrin / Bestimage