Michel Fau : faut-il jouer à être pour devenir vraiment ? podcast Radio France-Avec Charles PEPIN Philosophe

Provenant du podcastSous le soleil de Platon  in radio france 

Pourquoi portons-nous des masques en société ? Est-ce que pour se cacher ou pour se fuir soi-même ? Les masques ne sont-ils pas une autre porte vers la vérité, vers la découverte de soi et de notre complexité ? On en parle avec un maître en la matière, le comédien et metteur en scène Michel Fau.

Avec Michel Fau Comédien et metteur en scène

L’histoire du masque, par Charles Pépin

« L’histoire du masque est plutôt l’histoire d’un homme, un homme qui aime avancer masqué, jouer des rôles, devenir autre et se travestir, devenir étranger et se déguiser, mais pourquoi, au fond ? Et pour qui ? Est-ce pour se cacher, pour se fuir ? Pour s’amuser, s’étourdir ? A croire parfois qu’il n’a pour seule vérité que ses masques, pour seule sincérité que la succession de ses insincérités, à croire qu’il flotte ou qu’il n’est nulle part : chaque fois qu’il tombe le masque, en voilà un autre qui surgit, et cela sans fin dans un sublime vertige, comme dans l’oubli de soi.

Mais ce serait mentir, ce serait même trahir la vérité du masque. Car le masque révèle autant qu’il recouvre, le masque montre autant qu’il cache, la parure dévoile en même temps qu’elle voile. Je me souviens en vous parlant du Pont Neuf ou de l’Arc de Triomphe emballés par Christo : n’est-ce pas alors que leur beauté, leur vraie beauté, a resurgie ? Et je me souviens aussi d’une récente soirée déguisée, j’étais en Jim Morrison mais à vrai dire je n’étais pas en Jim Morrison, j’étais Jim. La part Jim de moi avait attendu cette heure pour se donner à voir, il aura fallu que je me déguise pour qu’enfin je m’autorise…

Nous connaissons tous ces moments où nous avons besoin de jouer à être pour prendre la mesure de ce que nous sommes, en tout cas d’une part de ce que nous sommes. « Il faut s’établir à l’extérieur de soi » écrit René Char « au bord des larmes et dans l’orbite des famines, si nous voulons que quelque chose hors du commun se produise, qui n’était que pour nous ».

Sortir de soi, n’être plus soi pour devenir soi, et revenir à soi. Peut-être qu’il faut changer de masque souvent pour espérer entrevoir un peu de ce soi, de sa complexité, de son ambiguïté.

Ce n’est pas, vulgairement, quand tombe le masque, que ce moi se révèle : c’est dans l’ombre des masques, à la faveur de ces masques qu’il se révèle. Et l’on comprend soudain l’étymologie du mot « personne » : « une personne » vient du latin persona, qui signifie… masque de théâtre.

Pour en parler de tous ces masques dont nous avons besoin pour nous révéler, d’identité mais aussi d’excentricité, nous recevons le grand Michel Fau, acteur, metteur en scène, chanteur, qui nous a fait l’honneur de nous rejoindre dans la caverne de France Inter, sous le soleil de Platon, pour nous aider à traiter cette belle question : faut-il jouer à être pour devenir vraiment ? »

Michel Fau, une philosophie baroque

Selon Nietzsche, l’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité. Nous ne pourrions en effet regarder la vérité en face, la mort en face. L’art est un accès masqué, voilé à la vérité. Habitué des masques et dédiant entièrement sa vie à l’art théâtral, Michel Fau s’est illustré avec une certaine éthique du décloisonnement, un détestation du conformisme et de l’esprit bourgeois.

Dadaïste, surréaliste, pour Michel Fau il n’y a pas de bon ou de mauvais goût, tout comme il ne fait pas de hiérarchie entre le théâtre tragique et la comédie. Il se dit sans morale et sans pudeur, imagine ses pièces comme un rêve ou comme un cauchemar.

« Pour moi le geste artistique est un geste de folie totalement millimétré et grandiose. Je pense que l’artiste doit avoir morflé et souffert pour faire son art. »

Michel Fau met en scène une nouvelle pièce, Le Vison Voyageur, cet été au Théâtre de la Michodière, dans laquelle il joue avec Armelle, du 12 au 30 juillet. Il monte une nouvelle pièce à la rentrée, Piège pour un homme seul, dans laquelle il jouera avec Régis Laspalès, toujours au Théâtre de la Michodière. Et la pièce Lorsque l’enfant paraît, avec Catherine Frot, reprendra et sera en tournée dans toute la France de janvier à avril 2024.