La libération de « Mariam » Pétronin coûte cher à la France et au Mali

A peine avait-elle posé les pieds sur le tarmac de Villacoublay que l’otage française Sophie Pétronin annonçait son intention de retourner au plus vite au Mali. Une telle déclaration, après quatre années de captivité parmi des jihadistes, relève de l’inconscience et de l’irresponsabilité. Elle donne à penser qu’elle revient d’un camp de vacances qui serait soudainement sorti des sables du nord du Mali. Et pourtant les GO (Gentils Organisateurs) n’appartiennent pas au Club Méditerranée mais bien à un groupe salafiste affilié à Al-Qaïda. Cela appelle quelques commentaires.

Premièrement, on peut dire que son enlèvement relève d’une affaire interne aux musulmans. Elle-même le rappelle à qui veut l’entendre : elle est musulmane et d’ailleurs remercie Allah de cette heureuse issue. Elle se fait d’ailleurs appeler « Mariam » depuis sa conversion. Ceux qui l’ont enlevé le sont aussi, ou plutôt se réclament d’un islamisme radical, celui du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », une secte d’adorateurs de feu Ben Laden. Et enfin le pays lui-même, le Mali est à plus de 95% composé de musulmans et il est rare d’y trouver un village sans sa mosquée. Il y a là une situation particulière. Sans oublier que Sophie Pétronin qui s’occupait à Gao d’une petite ONG  venant en aide aux orphelins de la région est à la fois française et suisse.

Si on se félicite que le cauchemar de l’otage, après 1384 jours de détention, soit terminé on veut espérer cependant que sa famille saura la raisonner et la dissuader de retourner au Mali. A 75 ans il est temps qu’elle cesse de vouloir jouer les Indiana Jones et face preuve de réalisme. Qu’elle mesure combien à coûté sa libération, on parle de près de deux cents jihadistes sortis des geôles de Bamako, avec parmi eux certains cadres enturbannés, des terroristes qui vont s’empresser de rejoindre leurs frères contre lesquels les soldats français luttent dans le Sahel au prix du sang. Il serait bien qu’on rappelle à madame Pétronin qu’à ce jour 50 militaires ont été tués dont huit officiers. Que nos compatriotes souffrent dans leur chair de ces cérémonie d’hommage qui se succèdent aux Invalides. Que doivent-elles penser aujourd’hui les familles des victimes et nos militaires actuellement engagés dans la force Barkane à l’idée que des jihadistes qu’ils ont capturés sont désormais libres de commettre de nouveaux attentats ? Dans les milieux autorisés on évoque une libération d’une « ampleur inédite ». Comment la France peut-elle justifier la présence de plus de cinq mille soldats dans le Sahel si le prix à payer de la libération d’un seul otage remet en question les opérations qui visent à éradiquer le terrorisme ?

Il faudra aussi que son entourage rappelle à madame Pétronin combien cette libération de jihadistes est douloureuse pour l’armée malienne qui paie un lourd tribut à la rébellion et à la population qu’elle chérit tant. Sans oublier le coût financier d’une rançon dont on ignore le montant qui permettra demain à ses ravisseurs de s’approvisionner en armes qu’ils retourneront contre nos forces au Sahel. Il est certes moral de venir en aide à un membre de notre communauté, il est tout aussi immoral que cela se fasse au détriment d’autres compatriotes.

Depuis toujours, des journalistes, des diplomates, des civils ont été pris en otages dans diverses contrées du monde. Ils représentent en effet une monnaie d’échange juteuse pour leurs ravisseurs, mais tous, une fois libérés ont réalisé le sacrifice fait par le pays pour prix de leur libération. Et peu se sont aventurés à retourner dans des zones de conflit. C’est ce qui s’appelle être responsable, pour soi et pour les autres.

Alors, que madame Pétronin remercie le ciel, -à défaut du gouvernement français – où qui elle veut, et considère que sa libération n’est pas le fruit d’un miracle mais des efforts conjugués du Mali et de la France et que désormais son crédit est épuisé, sauf à en assumer seule les conséquences. A son fils de faire entendre raison à cette « mère Teresa » made in France qui était la dernière otage française dans le monde. A lui de la convaincre de poursuivre son action humanitaire depuis la France car les français ne comprendraient pas qu’elle reparte à nouveau au Mali. La générosité cesse d’être la générosité quand on demande aux autres de payer pour soi, cela s’appelle alors l’égoïsme.

Jean-Yves Duval, Directeur de Ichrono