«L’art de la guerre engendre aussi beaucoup de respect et d’humanité. On ne tue pas pour tuer, mais face au pire le militaire sera toujours mesuré.» PB C
« Le combat ne m’a pas forgé le cœur et l’âme, il m’a simplement rendu lucide. J’en sais désormais suffisamment pour ne pas me croire préservé, par ma simple qualité d’homme, du surgissement de l’animal qui gît en moi. »
Dans ce récit à la première personne, le général Lecointre évoque son parcours de jeune officier — de la naissance d’une vocation jusqu’aux terrains de guerre au Rwanda, à Sarajevo ou en Irak — et donne à voir l’expérience d’homme de guerre dans ce qu’elle a de plus concret, unique, et parfois indicible. Jamais un grand chef militaire n’avait évoqué avec autant d’acuité et de lucidité les doutes et les réalités auxquels se confrontent les soldats : le sentiment de vivre des événements qui ne peuvent être compris que d’eux, la peur paralysante qui surgit à tout moment et, surtout, l’interrogation fondamentale sur le sens de l’action. Comment garder son humanité quand, au cœur du combat, la violence gagne de plus en plus les esprits ?
On croyait la guerre réservée aux livres d’histoire, et la voici de nouveau.
Cet Entre guerres l’appréhende de manière saisissante et profonde, tout comme il évoque avec pudeur la singulière fraternité unissant les hommes qui dédient leur vie au service de la France.
« Entre guerres », c’est d’abord un « entre soldats », ceux que les décideurs politiques envoient à la bataille « en imaginant que nous pourrions ne pas avoir à combattre. Ou que nous pourrions ne combattre que modérément, avec la retenue qui sied à nos pudeurs de démocrates » (p. 70).
Ces mêmes décideurs engagent « les armées en mesurant au plus strict les moyens qu’on leur donnait puisque de toute façon, on était incapable de leur fixer un objectif politique clairement défini ».
Et cet « entre soldats », c’est celui d’hommes qui « ne peuvent tuer que pour la France.
Tuer en son nom. Sans le salir. Tuer le moins possible, en contrôlant notre force, en mesurant nos coups, en respectant l’ennemi que nous devons regarder comme une personnes de dignité égale à la nôtre » (p. 72)
Entre guerres est ainsi un livre sur les dédales envahissants de la peur. Une sorte d’examen clinique rare, de la part d’un ancien chef d’état-major des armées, du lent apprentissage de la « maîtrise de l’effroi ». Au point d’avoir privilégié le récit de ses nuits blanches et de ses cauchemars lancinants – comme ce « drap froissé jusqu’à la déchirure » – sur celui de ses années aux plus hautes fonctions des armées, dans le huis clos de l’exécutif.
« Aller à la guerre dans l’indifférence générale »
Seule concession à une forme de classicisme : les raisons de sa vocation et de son engagement dans les armées. D’un côté, un père vu comme un « héros tout-puissant », commandant d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins, Le Redoutable ; de l’autre, la plaque d’un oncle, Hélie, mort en 1959 dans un fortin des Aurès en Algérie, accrochée au fond d’une grange d’une maison de famille pleine de sabres et de pistolets d’époque suspendus aux murs.