Dakar, modèle d’une ville chaotique  Abdoulaye Ngalane/ L’harmattan 2018

« ma tey je m’en fou je m’en moque     louma nekh lay deff     tendez l’oreille et vous comprendrez que c’est au Sénégal.

Le fils de l’homme de pouvoir tire, vole, viole, chacun fait sa loi , on est comme dans une jungle, quand l’autorité se met a la marge le délinquant se croit libre de tout y compris du pire ..  continuez   la suite vous la maitrisez   on construit où on veut, il écrase les petits, les précaires sans impunité. Au secours le Procureur, défenseur des citoyens et du peuple.. PBC

SÉNÉGAL Une démocratie dans un chaos social Abdoulaye NGALANE Abdoulaye NGALANE SÉNÉGAL

La maturité de la démocratie sénégalaise est saluée dans le monde, mais cette démocratie patauge dans un chaos social inouï qui règne dans le pays et entrave sa politique de développement. Cependant, cette situation chaotique n’est pas une fatalité ; elle pourra bien être surmontée, si chaque citoyen sénégalais s’acquitte de son devoir envers sa patrie. Abdoulaye Ngalane est né et a grandi à Guédiawaye, une célèbre ville de la banlieue dakaroise. Il a obtenu une maîtrise en germanistique à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et une maîtrise en sciences littéraires à l’université de Constance, en Allemagne.

Fiche de lecture trouvée

Abdoulaye Ngalane

Bienvenue à Dakar, la capitale du Sénégal ! Dakar est à la fois la capitale politique, économique et culturelle du Sénégal ; en effet, en dehors des bâtiments administratifs et institutionnels, Dakar abrite la quasi-totalité des infrastructures du pays – des industries, en passant par les établissements sanitaires, commerciaux, culturels et financiers, la région de Dakar se dresse en géant par rapport aux autres régions du pays. Une ville aussi attractive suscite naturellement l’attention de tous les Sénégalais – ce n’est donc pas un mystère, si cette capitale abrite plus du quart de la population sénégalaise.

Dakar ne séduit pas seulement par son attractivité, elle attire aussi de par son désordre et son chaos. Ville ou campagne ? C’est avant tout la question que je me pose. Les charretiers ont fini de s’installer dans la capitale et dictent leurs lois sur la circulation – gare aux automobilistes qui leur volent leur priorité naturelle ! Ces automobilistes passeront certes en premier, mais emporteront avec eux des sacs bien remplis d’insultes – ils sont en effet traités de tous les noms d’oiseaux après leur geste « incivique » et « inhospitalier ». Ces charretiers reçoivent souvent même le soutien de leurs collègues « conducteurs de pousse-pousse » qui n’hésitent jamais à leur témoigner leur solidarité.

Si à Dakar vous êtes un conducteur très généreux, avec un grand coeur, vous serez obligés de vous arrêter toutes les 5 secondes pour laisser traverser des personnes et des bêtes. Les gens ont la paresse pour emprunter les passerelles pour piétons et des moutons et des boeufs déambulent comme bon leur semble sur les routes, car ils font aussi partie des êtres vivants que la capitale attire.

A Dakar, vous trouverez aussi des coqs fous qui chantent au beau milieu de la nuit au point de réveiller des gens au sommeil léger. Ces coqs n’en ont cure, si ces pauvres gens doivent se réveiller tôt pour aller au travail. De toute façon, les tapages nocturnes sont devenus culturels dans cette ville et les autorités politiques qui devraient parer à cela, en appliquant tout simplement les lois votées dans ce sens, sont aujourd’hui résignées face au phénomène.

Dakar attire aussi parce que c’est un « espace de liberté » – réveillez-vous un bon jour, installez votre étal sur la voie publique ou chargez votre chariot de marchandises et occupez la voie publique, il ne vous passera rien du tout. A Dakar, les gens vivent « en liberté » et tout leur semble permis. Les chauffards détruisent les glissières de sécurité, les panneaux de signalisation et même les éclairages publics en bordures des voiries sans être punis ; au contraire, les témoins de ces bêtises en rigolent et la vie continue tout bonnement. Le pire dans tout cela est que ces biens publics endommagés ne sont pas réparés ou remplacés – en effet, ils font désormais partie du décor de la capitale et c’est tant mieux comme ça.

Bienvenue à Dakar, une ville où il n’y a pratiquement pas de jardins et de parkings publics ! Les seuls jardins et parkings publics qui existent à Dakar se trouvent au centre-ville et ceux-ci ont en grande partie été aménagés par le colon français. Ne me dites pas qu’une capitale doit se définir uniquement par son centre-ville – la banlieue fait bel et bien partie de la ville de Dakar. Les piétons n’ont plus la priorité sur les trottoirs parce que ceux-ci sont occupés par les voitures garées anarchiquement sur ces espaces publics ; ils sont obligés de marcher sur la route en courant le risque d’être fauchés par les véhicules.

Dakar n’est pas seulement la capitale du Sénégal, mais c’est aussi la capitale des embouteillages ; tout le monde se lève à la même heure pour converger vers le même sens et personne n’arrive à temps à bon port. Les feux tricolores qui devraient permettre de régulariser le trafic routier n’existent pratiquement pas, ce qui oblige chaque automobiliste à inventer son propre code de la route en s’appropriant naturellement toutes les priorités. Aujourd’hui, les « cars rapides », les taxis « clando » et les bus « tata » s’arrêtent partout pour prendre ou descendre des clients, évidemment en bloquant à chaque fois la circulation.

Dakar attire aussi par ses nombreuses plages, mais ces plages naturellement belles avec leurs jolies dunes sont aujourd’hui devenues méconnaissables. Les autorités locales ont eu un manque de vision extraordinaire de ne pas organiser ces milieux en y aménageant des toilettes ou en y installant des poubelles publiques, obligeant ainsi les citoyens à agresser violemment ces espaces à travers leur manque de civisme – dépotoirs d’ordures, lieux de débauche où chacun peut impunément faire ses besoins comme bon lui semble.

Dakar est aussi une « ville poubelle ». En effet, une poubelle se définit par un récipient généralement couvert, dans lequel on jette des ordures ménagères et du moment qu’à Dakar tout le monde considère la ville comme un dépotoir d’ordures et jette ses déchets par terre et pratiquement n’importe où, on peut bel et bien considérer la capitale comme une poubelle publique à ciel ouvert.

Si vous êtes à Dakar, vous trouverez des enfants qui, dès le bas-âge, sont obligés de se prendre eux-mêmes en charge. Ces êtres innocents qui n’ont pas demandé de naître sont abandonnés par leurs parents inconscients qui les jettent dans la gueule du loup, en les exposant à toute sorte de danger – enlèvement, pédophilie, exploitation et j’en passe. Ces parents veulent légitimer leurs conneries en brandissant le léger argument que leurs enfants doivent apprendre à affronter la vie avec toutes ses péripéties. N’importe quoi !

Bravo à tous ceux qui avaient la responsabilité d’ériger la ville de Dakar, vous avez créé toutes les conditions nécessaires pour instituer le chaos dans cette région. Dakar, la capitale du Sénégal, qui devrait être un modèle de développement, est aujourd’hui devenue un modèle de chaos pour les autres régions du Sénégal. Ce n’est donc pas un mystère, si les autres régions marchent sur ses traces. Devons-nous continuer à vivre dans ces conditions ?

Vivre sa vie et mourir, sans rendre le plus petit service à sa patrie, constitue à mon avis la plus haute trahison que l’individu peut commettre sur terre. On n’a pas besoin d’occuper un poste politique ou administratif important ou d’avoir la chance de représenter son pays dans une compétition sportive pour témoigner son attachement à sa patrie, mais il s’agit d’avoir une conscience citoyenne et de placer l’intérêt de son pays dans toutes ses actions et dans tous ses actes, aussi élémentaires soient-ils.

Ériger l’égoïsme, l’indifférence, le je-m’en-foutisme, le manque de civisme, de responsabilité et de patriotisme comme règle de conduite est un comportement regrettable et préjudiciable pour le pays. Le Sénégal nous appartient à tous – chacun, où qu’il soit, dans quel domaine il s’active, qu’importe sa classe sociale, sa profession, sa confession, doit contribuer à l’avancement du pays. Chaque citoyen a un devoir envers sa nation, chaque citoyen a l’obligation de respecter son pays, chaque citoyen doit faire preuve de patriotisme et se sacrifier tant soit peu pour sa terre-mère, afin que les générations futures puissent aussi tirer profit de ce qu’elles auront hérité.

La vie sur terre ne s’arrête pas après la mort, sinon on aurait depuis longtemps oublié les grands hommes, on aurait oublié les personnes si chères qui nous ont quittés ; ces gens-là ne sont plus avec nous, mais restent dans nos coeurs et nos pensées. Le concept de nation, l’intérêt de la nation, le concept du vivre-ensemble, d’être ensemble, de cheminer ensemble, de réussir ensemble devraient être des principes communs à tous les citoyens, notamment des principes qui doivent habiter dans la mentalité de chaque citoyen. La division des coeurs et des esprits et la rancune obsédante de certains citoyens, au détriment de la collectivité et par conséquent au détriment de l’intérêt national, ne constituent que des entraves posées par l’individu lui-même sur son propre chemin. Une nation doit avoir un seul chemin, notamment une seule voie, pour atteindre le même objectif à travers différentes phases et différentes situations – cet objectif nécessite en effet le concours de chaque citoyen, pour être atteint. Donc, à nous Sénégalais, nous-mêmes, de construire notre pays.

 

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