Bicentenaire de Charles Baudelaire : « Lui qui détestait tout le monde, il se détestait aussi »Europe1

 le 09 avril 2021  200 ans

Annotations de Charles Baudelaire dans « Les Fleurs du mal ». © KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Né il y a deux siècles, le poète Charles Baudelaire continue d’être admiré, notamment pour son oeuvre majeure « Les Fleurs du mal ». Maudit de son vivant car jugé immoral, l’auteur avait une personnalité controversée. « Il disait : ‘mécontent de tous et mécontent de moi' », commente vendredi sur Europe 1 Jean Teulé, romancier et biographe du poète

L’anniversaire d’un poète maudit. Charles Baudelaire, né le 9 avril 1821, aurait eu 200 ans vendredi. S’il est aujourd’hui reconnu, voire admiré, il était peu recommandable à son époque.

Une personnalité controversée qui ne gagnait pas forcément à être connue.

Baudelaire était un sale type : détestable, odieux, misogyne.

Il appréciait d’ailleurs cette détestation.

« Il disait par exemple une phrase que j’aime bien : ‘avec mon talent désagréable, je voudrais mettre l’humanité toute entière contre moi. Je vois là une jouissance qui me console de tout’« , cite Jean Teulé, auteur du portrait original du poète maudit Crénom, Baudelaire !

« Et lui qui détestait tout le monde, il se détestait lui aussi », précise le romancier. « Il disait : ‘mécontent de tous et mécontent de moi’. »

Une tristesse magnifique

L’époque le lui a bien rendu : sur les cent poèmes des Fleurs du mal, six ont été interdits par la censure pendant 92 ans. C’est que Baudelaire ne s’occupait pas de morale. Il cherchait le beau dans le spleen, la mélancolie de sa propre vie. Et c’est cette tristesse magnifique qui faisait son talent. « On finit par le trouver touchant et émouvant, à avoir de l’empathie pour Baudelaire, parce que c’est l’histoire d’un type très malheureux qui a eu un chagrin d’enfance dont il ne s’est jamais remis », souligne Jean Teulé. « C’est aussi simple que ça, la vie de Baudelaire. » Le poète meurt en 1867, à 46 ans, malade de la syphilis.

A l’occasion de son bicentenaire, les éditions Calmann-Lévy rééditent Les Fleurs du mal et la collection Quarto, des éditions Gallimard, proposent la plupart de ses textes dans un beau volume de 1.900 pages.

Par Nicolas Carreau, édité par Mathilde Durand Europe1

Bicentenaire de Baudelaire : quand Ferré et Gainsbourg chantaient le poète

L’auteur des Fleurs du mal est né le 9 avril 1821. En hommage à son génie, découvrez quatre fleurs maladives, L’AlbatrosLe serpent qui danseL’Horloge et Réversibilité interprétés par Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Mylène Farmer et Jean-Louis Murat.

Par Bertrand Guyard-Europe 1 radio

Pour commémorer les 200 ans de la naissance de Charles Baudelaire, le 9 avril 1821, Le Figaro a choisi quatre poèmes tirés des Fleurs du mal mis en musique par Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Mylène Farmer et Jean-Louis Murat. Leemage

Il y a deux siècles, le 9 avril 1821, naissait à Paris Charles Pierre Baudelaire. Le poète maudit qui croyait à la musicalité des mots et des phrases aurait peut-être écouté avec volupté les réinterprétations de L’Albatros et d’Un serpent qui danse par Léo Ferré et Serge Gainsbourg. Déjà de son vivant il écrivit à la nièce de Victor Hugo ce qu’il pensait de l’adaptation en musique de ses poèmes: «Madame, voici des mélodies de mon ami Cressonnois, que je n’ai jamais entendu exécuter. Je compte un peu sur vous pour me faire cette grâce».

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L’idée n’était donc pas nouvelle. Le disque et les possibilités modernes du milieu du XXe siècle auront pu mener à bien les prémices mélodiques esquissées en 1863, quatre ans avant la mort de Charles Baudelaire.

«C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent!»

Léo Ferré et son héritier Jean-Louis Murat n’ont été que ses plus respectueux et plus humbles continuateurs en ne faisant qu’effleurer les fameuses fleurs maladives, qui firent tant de scandales à leur première publication. Mais il faut admettre que c’est Serge Gainsbourg le maudit, et Mylène Farmer, la poétesse libertine qui ont approché au plus près son esprit en créant des mélodies subversives en adéquation avec la geste baudelairienne qui proclamait au début des Fleurs du mal: «C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent!»

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En hommage à l’imagination parfois effrayante du créateur des fleurs maladives dédiées à Théophile Gautier Le Figaro a choisi quatre poèmes de Charles Baudelaire, revus mais pas corrigés, par Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Mylène Farmer et Jean-Louis Murat. Les voici, en vers et en musique.

● Léo Ferré chante L’Albatros de Charles Baudelaire

«Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, qui suivent, indolents compagnons de voyage, le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, laissent piteusement leurs grandes ailes blanches comme des avirons traîner à côté d’eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid! L’un agace son bec avec un brûle-gueule, l’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait! Le Poète est semblable au prince des nuées qui hante la tempête et se rit de l’archer; éxilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher.»

  • Serge Gainsbourg chante Le serpent qui dansede Charles Baudelaire
    «Que j’aime voir, chère indolente, De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante, Miroiter la peau! Sur ta chevelure profonde Aux âcres parfums, Mer odorante et vagabonde Aux flots bleus et bruns, Comme un navire qui s’éveille Au vent du matin, Mon âme rêveuse appareille Pour un ciel lointain. Tes yeux, où rien ne se révèle De doux ni d’amer, Sont deux bijoux froids où se mêle L’or avec le fer. À te voir marcher en cadence, Belle d’abandon, On dirait un serpent qui danse Au bout d’un bâton. Sous le fardeau de ta paresse Ta tête d’enfant Se balance avec la mollesse D’un jeune éléphant, Et ton corps se penche et s’allonge Comme un fin vaisseau Qui roule bord sur bord et plonge Ses vergues dans l’eau. Comme un flot grossi par la fonte Des glaciers grondants, Quand l’eau de ta bouche remonte Au bord de tes dents, Je crois boire un vin de Bohême, Amer et vainqueur, Un ciel liquide qui parsème D’étoiles mon cœur!»
  • Mylene Farmer chante L’Horlogede Charles Baudelaire«Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible, dont le doigt nous menace et nous dit: «Souviens-toi! Les vibrantes douleurs dans ton cœur plein d’effroi se planteront bientôt comme dans une cible, Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse; Chaque instant te dévore un morceau du délice à chaque homme accordé pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la seconde chuchote: Souviens-toi! – rapide, avec sa voix d’insecte, maintenant dit: Je suis autrefois, Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde! Remember! Souviens-toi, prodigue! Esto memor! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or! Souviens-toi que le temps est un joueur avide qui gagne sans tricher, à tout coup! c’est la loi. Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi! Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. Tantôt sonnera l’heure où le divin hasard, où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge, où le repentir même (oh! la dernière auberge!), où tout te dira: meurs, vieux lâche! Il est trop tard!»
  • Jean-Louis Murat chante Réversibilitéde Charles Baudelaire
    «Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse,la honte, les remords, les sanglots, les ennuis, et les vagues terreurs de ces affreuses nuits Qui compriment le cœur comme un papier qu’on froisse? Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse? Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine, Les poings crispés dans l’ombre et les larmes de fiel, Quand la Vengeance bat son infernal rappel, Et de nos facultés se fait le capitaine? Ange plein de bonté connaissez-vous la haine? Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres, Qui, le long des grands murs de l’hospice blafard, Comme des exilés, s’en vont d’un pied traînard, Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres? Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres? Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides, Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment De lire la secrète horreur du dévouement dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides! Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides? Ange plein de bonheur, de joie et de lumières, David mourant aurait demandé la santé Aux émanations de ton corps enchanté ; Mais de toi je n’implore, ange, que tes prières, Ange plein de bonheur, de joie et de lumières!»

Bicentenaire de Baudelaire : quand Ferré et Gainsbourg chantaient le poète (lefigaro.fr)

Baudelaire, ce mal aimé

Pour présenter l’auteur de ‘’Baudelaire, ce mal aimé’’, le Dr Gérard Boyer a écrit dans sa préface, « Carl Mevs a lutté durant de nombreuses années contre un bourreau sans merci ne s’échappant que grâce aux béquilles de la transfusion et de la dialyse. Sa vie a été douloureuse et martyr, vivant exemple du mot de Claude Bernard « la vie est l’ensemble des forces qui résistent à la mort. Transcendant ses souffrance, Carl Mevs s’est attelé à une périlleuse entreprise : relever par une attitude critique l’interdit qui bannit Baudelaire de nos programmes scolaires et stimuler l’intérêt chez nos intellectuels avec « Baudelaire, ce mal aimé ». Le Nouvelliste présente un extrait du livre de Mevs.

Le Nouvelliste

Carl Mevs « La société n’est pas toujours indulgente envers les gens de lettres. Elle accueille, courtise, adule certains, les hisse au sommet de la gloire, parfois de leur vivant même. En France, par exemple, des écrivains tels que Montaigne, Racine, Voltaire, Hugo, Sartre, pour ne citer que quelques-uns, ont connu la célébrité de leur siècle et sont passés avec elle à la postérité. D’autres, comme Rousseau, ont dû attendre le concours de l’histoire pour prouver que leurs idées, repoussées de leur temps, sont parvenues à triompher.

D’autres encore ont sombré pour toujours dans l’oubli. Quelques-uns enfin –un tout petit nombre- honnis ou hués à l’époque de la publication de leurs œuvres, ont été réhabilités et ont connu une gloire posthume.

C’est le cas de Charles Baudelaire, le paria, le poète maudit, qui eut le malheur, un jour, de publier un recueil de poèmes, ‘’Les Fleurs du mal, dont le titre seul déjà était voué aux gémonies. Ajoutant à son infortune littéraire, la vie privée même de Baudelaire fut une suite d’adversités familiales, sentimentales, pécuniaires et physiques, comme pour prouver que la nature s’alliait aux hommes pour faire de lui un débris humain.

Durant son existence, il n’a connu que vicissitudes, mépris, désaffection, incompréhension, infidélités, des tracasseries fiscales et policières, la condamnation de son premier livre, et il mourut dans l’indifférence de ses contemporains.

Il lui a fallu attendre près d’un siècle et demi pour être réhabilité et accéder à une gloire posthume mais universelle. N’est-il pas tout de même curieux de relever au cours de l’existence de ce poète français quelques repères haïtiens ? Voyons un peu. Après avoir été prêtre, puis clerc au Sénat, son père, Joseph-François Baudelaire, fut le précepteur des enfants du duc de la Choiseul-Praslin, qui possédait une habitation coloniale à Saint-Domingue. Dans sa vingtaine, Charles Baudelaire se lia à une mulâtresse née en Haïti et qui choisit, ainsi que sa mère et son frère, d’aller vivre à Paris. La liaison dura près de vingt ans et ce fut cette femme, Jeanne Duval, qui inspira à Baudelaire les poèmes les plus osés qui entraînèrent la condamnation de l’ouvrage qui le rendit célèbre, «Les Fleurs du mal». Enfin, de troublantes analogies se retrouvent dans la vie et dans l’œuvre poétique de Baudelaire et du poète haïtien Carl Brouard, alors que rien ne le laissait présupposer.

Celui-ci naissait près de trois décennies après la mort de celui-là. Ils ne se connaissaient donc guère et Brouard ne pouvait avoir lu le recueil incriminé qui était formellement banni en Haïti à son époque. Ces analogies seront étudiées plus longuement par la suite. Baudelaire est un poète d’une extrême délicatesse et un écrivain remarquable.

La lecture de son œuvre est une féerie, un kaléidoscope de sons, de couleurs et de senteurs. La sensibilité de son cœur, distillée à petite dose dans ses poèmes, son intelligence, son sens de l’esthétique, son talent de poète, d’écrivain, de critique d’art, de critique littéraire et d’épistolier, son rôle de précurseur du symbolisme en littérature et en peinture, ne seront reconnus et admirés qu’un siècle après sa mort.»

 

https://lenouvelliste.com/article/161631/baudelaire-ce-mal-aime