Avant l’écriture: Signes, figures, paroles  de Silvia Ferrara 

Des empreintes de mains sur les parois de Pech Merle à celles de Yenikapı en Turquie, des girafes gravées dans le désert du Sahara aux pétroglyphes géants d’Hawaï, des temples de Göbekli Tepe aux signes énigmatiques dans les grottes marines du Salento, Silvia Ferrara nous entraîne dans un extraordinaire voyage sur les traces graphiques de l’humanité. Nous voici soudain face à des dessins d’hommes et de femmes, d’animaux disparus, mais aussi face à des figures géométriques et sans légendes. Comment naissent des symboles, des icônes, des signes, des mots ? Qui les crée, et pourquoi ? Et qui les comprend ?

Dans ce « saut » vers l’abstraction s’exprime la capacité humaine à façonner le réel et à lui donner vie. En déchiffrant ces écrits d’avant l’écriture qui nous parviennent depuis le fond des millénaires, les questions restent parfois en suspens. Mais la puissance de l’imagination continue de nous émerveiller et de nous parler.« Avant l’écriture » : Silvia Ferrara explique l’invention des signes pour transcrire les paroles

Chauvet recèle les plus anciennes peintures jamais découvertes dans l’histoire de la peinture. © Crédit photo : JEFF PACHOUD/AFP

La chercheuse répertorie toutes les formes de graphies qui, au plus loin des temps, ont permis à l’homme d’exprimer sa pensée ou de laisser des messages. De l’invisible au visible. L’avis de « Sud Ouest »

« Litotisons », engage l’autrice dès la préface de « Avant l’écriture ». On a compris. Ce livre sera sérieux, mais pas barbant. Il y est question pourtant d’un sujet complexe, « l’histoire des sauts qui ont conduit à la pensée abstraite ».

Mais quels sauts ? Le passage de l’invisible, la pensée, au visible, l’écriture. Puis de la pensée abstraite à sa formulation, qui tient à l’art, au sacré, à l’architecture et autres formes d’expression. C’est-à-dire à l’imagination de symboles qui puissent représenter, sans mots, les constructions de l’esprit.

À Cosquer, près de Marseille (ici, il s’agit du fac-similé), des traces de mains d’enfants sont placées si haut qu’il a fallu que les petits scribes aient été portés par des bras d’adulte.

Archives Stéphane Klein/ « SUD OUEST »

Cinquante mille ans

Remontons le temps… Cinquante mille ans. Et premier enseignement, suivre la chronologie n’a pas de sens. Ni même la géographie, qui, au regard des temps, n’a pas plus de sens, puisqu’elle ne ressemble à rien de ce que l’on connaît aujourd’hui. Nous voilà embarqués dans une drôle d’aventure. Dont la finalité est claire : Silvia Ferrara veut nous sortir de notre monde pour comprendre que les clés de la civilisation se trouvent aussi dans une approche vierge de tout modernisme. Pas de pays, ni de frontières, juste des communautés, souvent nomades. Après le chaos des Antiques, mais avant, bien avant notre culture.

Silvia Ferrara enseigne à Bologne, en Italie.

Le Seuil

Des pochoirs de Yenikapı, en Turquie, aux créatures zoomorphes de Chauvet (un site qui a perturbé « la théorie des progressions graduelles vers la complexité de la ligne figurative »), c’est un puzzle dont beaucoup de clés nous échappent.

Silvia Ferrara est professeure de philologie mycénienne à l’Université de Bologne. Elle est responsable du programme de recherches européen INSCRIBE (Invention of Scripts and their Beginnings) consacré aux inventions de l’écriture.