Appel à la jeunesse africaine: Contrat social africain pour le 21e siècle-de Théophile Obenga (Auteur)

Merci au Dr Marcelin DABO de m’avoir soufflé cet ouvrage lors de notre émission  » à l’écoute de l’autre » du 08/08/2023 DSNTV

de Théophile Obenga (Auteur)

Force est de constater que depuis le XIVe siècle, l’Occident se pose de lui-même comme un obstacle redoutable au développement de l’Afrique. Hier, exclusion des peuples africains de l’humanité , aujourd’hui, immigration choisie, maladies pandémiques, programmes d’ajustements structurels immoraux. Et le « co-développement » est offert sans pudeur comme une solution miracle à des pays volontairement surexploités, rendus très pauvres et très endettés. Ce contexte politique et économique infernal a plongé près de 400 millions de jeunes africains dans le désespoir absolu, sur le sol même de leurs Ancêtres. Or, en ce début du XXIe siècle, on constate que de nouvelles masses continentales géostratégiques et géopolitiques se dessinent et se précisent dans le monde d’aujourd’hui. D’autres paradigmes politiques sont donc possibles et même s’imposent aux Africains de toute urgence, dans le sillage de puissants leaders africains patriotes et panafricains : Marcus Garvey, W.E. Du Bois, Gamal Abdel Nasser, Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral, Modibo Keita, Cheikh Anta Diop, Steve Biko, Ossende Afana, Thomas Sankara. En prenant à témoin le monde, la souffrance actuelle de la Jeunesse Africaine doit donner naissance au terreau historique de la Renaissance Africaine, pour la construction de l’Etat fédéral africain continental. Telle est l’essence de la raison et de l’émotion de cet Appel à la Jeunesse Africaine, par l’illustre égyptologue Théophile Obenga. Pr B.Cardinali

Pour aller plus loin  Merci àMarcelin DABO qui m’a soufflé cet ouvrage.

«Appel à la jeunesse africaine – Théophile Obenga

Par Afrikhepri Fondation

Livre politique, pamphlet particulièrement virulent de 124 pages, dans le style du célèbre « discours sur le colonialisme » du chantre de la négritude, Aimé Césaire, « appel à la jeunesse africaine : Contrat social africain pour le 21e siècle », est l’expression d’une colère ou encore la rupture d’un silence considéré comme une complicité face au chaos dans lequel est plongé la jeunesse africaine. Ainsi, la formule Théophile Obenga en page 7 : « Devant cette situation globale de mort collective lente il est de peu d’avantage de témoigner, même en observateur lucide. Ce qui est impérativement  requis, c’est un appel à la jeunesse africaine, pour qu’elle soit debout, de nouveau, qu’elle comprenne et qu’elle agisse, en une formidable chaîne d’union panafricaine ».

Si l’Occident avec ses divers satellites (Banque Mondiale – FMI) sont mis au banc des accusés, leurs mandataires africains n’en sont pas moins  épargnés et contre qui  le Pr Obenga invite la jeunesse africaine à se détourner des méthodes et pratiques responsables du chaos: « La Jeunesse Africaine doit faire bouger les choses, développer des idées novatrices, s’organiser au plan continental panafricain, ambitionner une Afrique différente de celle des « pères-fondateurs » et des « présidents-à-vie » (protégés par l’Occident, pour les seuls intérêts occidentaux) » P. 10

C’est l’abandon national qui livre la Jeunesse, pourtant levier fondamental du développement, sur les routes dangereuses de l’Immigration pour échapper à l’enfer africain: « Ces  fils et filles d’Afrique partent du Cameroun,  de la RCA, du Nigeria via la Libye jusqu’en Sicile; de cette même Afrique profonde via le Niger, l’Algérie, le Maroc jusqu’à Melilla, en face Ceuta, ville espagnole. Longues pirogues de mer, bien incertaines, parties des côtes sénégalaises, mauritaniennes et guinéennes (Guinée-Bissau), abordent péniblement les rivages de Tenerife, chaque jour ou presque, depuis des semaines, des mois. La loi de ces rivages solitaires est expresse : la mort. » , P. 12
Passant outre les conventions, comme un appel à la subversion, le Pr Obenga dénonce l’attitude des dirigeants africains qui consiste à ankyloser l’énergie juvénile: « L’étonnant, c’est que la politique des présidents-à-vie, quoique élus au suffrage universel, démocratiquement, ne s’étonne de rien. Notre vie collective, publique, est vécue normalement, passivement, sans éveil critique, sans étonnement, sans questionnement (ce serait « subversif », et les capitaux étrangers n’aiment pas le« bruit », sic !). L’Afrique paralyse sa propre Jeunesse dans la non-pensée. C’est notre héritage culturel, ce genre de leadership, rassure-t-on. » , P. 20

Il poursuit: « L’Occident ne perçoit jamais l’Afrique que comme simple réservoir des matières premières stratégiques  (…) Aucun amour de l’Occident pour l’Afrique. Aucun. C’est encore le moindre mal. Mais le non-amour des africains pour l’Afrique frôle la folie criminelle. On ne peut pas se battre pour le développement d’une Afrique que l’on n’aime que du bout des lèvres. Des multimilliardaires politiciens Africains ont sombré dans la non-reconnaissance africaine : c’est une leçon » , P 54.

Loin, d’un catalogue de lamentations, toute une série de propositions pour mettre fin à la souffrance de la Jeunesse émaillent cet ouvrage. Sans enfermer la Jeunesse, non plus, dans l’homme révolté d’Albert Camus dont le succès importe peu, tant s’en faut, c’est véritablement d’une conscience victorieuse sous le  vigoureux slogan « Africa must unite » de  Kwame Nkrumah qu’il souhaite susciter chez la Jeunesse Africaine.  Ainsi  des « Symboles irréductibles » de M. Garvey  à  Th.  Sankara  en passant par B. Boganda, P.  Lumumba, A. Cabral, S. Biko… dont le sang preux a été versé pour la dignité de l’Afrique sont rappelés à la mémoire de la Jeunesse Africaine.

En conclusion, avec une pédagogie soignée, le Pr Obenga a écrit un chapitre spécial ressemblant à un hymne à la Jeunesse, intitulé: « Appel à la jeunesse africaine », nous n’avons pu nous empêcher de produire quelques extraits ci-dessous :

(…) D’autres, parmi nous, n’entendent  pas avec leurs oreilles  et ne voient pas avec leurs yeux. L’imagination elle-même est en dysfonctionnement. L’aliénation, profonde, persiste. Heureusement ceux  qui  entendent et voient, imaginent et espèrent, doutent  mais  luttent, sont nombreux, et ardemment panafricains : Africa must unite.

Vaste cri de ralliement. Immense clameur continentale. La Jeunesse Africaine  réalise de plus en plus,  et nettement, que vivre dans l’histoire, en tant que sujets  historiques, c’est imprimer sa marque aux temps historiques qui passent.
Les êtres humains en effet vivent dans un monde éthique, c’est-à-dire un monde de réflexion et de responsabilité : il est salutaire que la Jeunesse Africaine se fasse à l’idée de Renaissance Africaine, d’Etat fédéral panafricain continental, ce qui est une idée de Grandeur Historique pour l’Afrique et pour la civilisation  humaine qui s’en vient. La Grandeur est l’autre face du Bien, son immense signe dans l’Histoire.

Certaines notions empiriques et positivistes doivent être abandonnées, afin que la Jeunesse Africaine se dresse et s’engage résolument dans le monde éthique de l’histoire humaine. Jeunesse Africaine, fière, brave, debout ! Le moment historique approche opportunément !

Regarde ! Le soleil ardent du continent est à son horizon oriental, juste levé, t’apportant vie et santé, énergie et intelligence, amour et contentement plénier. Tu espères, par ton travail, donner le meilleur de toi-même au continent.

Il se raconte beaucoup de choses à ton sujet. La politique des programmes d’ajustement structurel, neufs et vieux, t’est suicidaire. L’immigration, même agréée, est choisie. Il n’est pas certain que ton bonheur puisse définitivement  en  dériver. Coriace, le  virus du  sida t’a été inoculé par la méchanceté occidentale. C’est la logique constante des pays du Nord depuis les codes noirs du Siècle des  Lumières : atteindre,  paralyser,  au mieux éliminer les forces vives et juvéniles du continent pour le pomper en toute tranquillité. Les « pères fondateurs » et les « présidents-à-vie » ferment les yeux et croient servir l’Afrique.

Jeunesse Africaine, fière, courageuse, debout ! Les circonstances te sont plus que jamais favorables.

Sache, tu le sais : la paix dans le monde n’est pas encore au rendez-vous avec elle-même, en dépit des efforts de Albert Luthuli, Martin Luther King,  Nelson Mandela, Desmond Tutu et Wangari Maathai, tous Prix Nobel de la Paix. Il est à remarquer que l’ANC est le seul parti politique à avoir reçu trois fois le Prix Nobel de la Paix au 20e siècle.

Tu le sais tout autant : l’énergie (pétrole,  gaz  naturel) divise profondément les nations, la communauté internationale (ce qu’il en est de ce mythe du 20ème siècle).

Ainsi aussi de la science et de son application : la maîtrise et la pleine possession  du nucléaire sont cause de conflits éventuellement  tragiques pour l’humanité. Mais cela n’exclut pas de penser sérieusement au Programme du Nucléaire civil africain. En se globalisant, le commerce engendre des puissances géopolitiques et géostratégiques  diamétralement opposées.  Ainsi va la mondialisation.  Outre l’amère ironie, la remise des dettes des pays très pauvres n’a rien qui vaille. La corruption ? Son royaume de prédilection est tout l’Occident, constant donneur de leçons. C’est son eurocentrisme  tyrannique. Le paradigme Afrique-Asie  paraît plus négociable, sans les vieilles couches psychologiques datant de l’ère coloniale.

Sache,  tu  ne  l’ignores  pas,  Jeunesse  Africaine : tu  possèdes  des  symboles,  nombreux,  pour résister, lutter, réfléchir, imaginer, méditer, créer et gagner : de la reine Nzinga à Christiane Taubira en passant par Mary McLeod Bethune, Anna Julia Cooper, Sojourner Truth, Ida B. Wells, et Winnie Mandela et Miriam Makeba. Et aussi de Nat Turner à Lumumba, de Lumumba à Tom Mboya, de Tom Mboya à Cabral, de Cabral à Steve Biko. Telle est la chaîne panafricaine, solide.

Faut-il te rassurer en t’indiquant le chemin que tu connais déjà ? Ce long chemin qui va de Marcus Garvey à Thabo Mbeki en passant par Kwame Nkrumah et Cheikh Anta Diop et qui a pour nom : Panafricanisme, Etat fédéral panafricain continental, Renaissance Africaine. Et Bob Marley et Pierre Akendengué ont vivement célébré ce chemin d’espoir.

Suis ce chemin de gloire, d’honneur, de fidélité et de sacrifice. Suis-le. Elargis-le selon tes outils de travail, ton corps, ton esprit, ton intelligence, ta foi, ton amour patriotique.

En effet, la quête du destin africain et son accomplissement, à l’échelle humaine, n’est que ce chemin d’unité, de solidarité, de partage, de concertation panafricaine, de grande vision continentale, transcendant lignages, clans, villages, tribus, ethnies, Etats-nations, plaies  des guerres civiles, précarités sociales, vulnérabilités psychologiques, fragmentations et fragilités politiques au plan mondial, international, planétaire. Dure et longue est par conséquent la tâche. Dans le système solaire qui est le nôtre, l’être humain a ses origines paléontologiques, culturelles, sexuelles, spirituelles et réflexives en Afrique, berceau de l’humanité actuelle. Le savoir implique que l’Afrique sera toujours là, présente, active, dans la fabrication du futur de l’humanité. Il faut y préparer sa jeunesse. Jeunesse Africaine, sois éveillée, plus que jamais ! Il s’agit de toi, de ton avenir. De l’Afrique, de son futur. De l’humanité, de son ouverture à elle-même, de ses grands idéaux de civilisation.

L’Afrique n’a que trop subi le descriptif des autres : « l’Afrique noire est mal partie », « l’Année de l’Afrique » (qu’une  pauvre  année !), « l’Afrique  des  colonels », « l’Afrique  fantôme », « l’Afrique ambiguë », « l’Afrique des tribus », « l’Afrique  bloquée », « l’Afrique  marginalisée », « l’Afrique pauvre, très pauvre, très endettée dans le sous-développement  durable »…

C’est le découragement, source de pessimisme, que l’on veut théoriser pour mieux paralyser l’Afrique et, de la sorte, la piller systématiquement, sans le moindre  scrupule. Parfois, souvent, avec des complicités politiques africaines.

Il y a un déficit théorique à combler. La Jeunesse Africaine, rurale, urbaine, intellectuelle, politique, artistique… doit produire ses propres paramètres et paradigmes : sur l’Afrique, ses nombreux problèmes d’éducation, d’emploi, de santé, d’économie, de solidarité, de législation, de coopération continentale, de nucléaire africain, d’ouverture mondiale, de science, de technologie, d’environnement…

Doit-on douter de la capacité de la Jeunesse Africaine à penser, à réfléchir sur la traite négrière, l’esclavage, la colonisation, le racisme, l’exploitation néocoloniale, la francophonie, le commonwealth, le sous-développement, les cultures de rente, les programmes d’ajustement structurel ?

Doit-on minimiser la capacité de la Jeunesse Africaine à produire des idées, des cas de figure, des programmes, des activités à la suite de la lecture de Marcus Garvey, W.E.B. Du Bois, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Steve Biko ?

Les idées comptent, plus qu’avant, dans le monde contemporain : idées de démocratie, d’économie mondiale, de recherches scientifiques, d’identité et diversité culturelle, de philosophie, de violence ou de non-violence, de fondamentalisme théologique ou non, de sexualité humaine ou animale, de spiritualité, de gnose, de la vie dans l’univers. Quelles sont les idées des africains, de façon originale et profonde, sur toutes ces immenses problématiques contemporaines qui engagent déjà le futur de l’humanité?

Consommer les efforts réflexifs des autres, être pillé par les stratégies politiques et économiques des autres,  jouer et chanter en marge de l’essentiel de « la marche du  monde »: est-ce véritablement vivre en assumant sa part de responsabilité humaine ?

Les masques africains parlent à qui sait entendre et comprendre. Ils disent la vie, dans  une affirmation presque dramatique. C’est qu’ils savent aller au fond d’eux-mêmes et des choses. Ils ont ainsi développé un grandiose et majestueux dialogue avec la nature. Retenons au moins cette capacité de tenir conversation entre nous-mêmes, avec nous-mêmes, avec le monde, avec les autres peuples, les autres civilisations de notre humanité.

Par Théophile Obenga