Au Canada, l’absence et le retrait du préservatif sans consentement deviennent un crime sexuel

« Ne confions pas notre avenir à l’ignorance, à l’incertain ou à l’indiscipline : faire un enfant est un projet» P B c

Une décision vient d’être rendue par la Cour suprême, faisant du Canada l’un des premiers pays à interdire cette pratique.

Par Mathieu Alfonsi

Le retrait ou l’absence de préservatif sans le consentement de l’autre sont désormais des crimes sexuels au Canada.

CONSENTEMENT – Le retrait du préservatif pendant l’acte ou simplement son absence sans le consentement de l’autre – le « stealthing », furtif en anglais – est désormais considéré comme un crime sexuel au Canada. La Cour suprême a tranché vendredi 29 juillet, à 5 voix contre 4. « Il s’agit d’une évolution importante pour les femmes et les autres personnes qui ont des relations sexuelles avec des hommes », a déclaré Isabel Grant, professeure de droit à l’Université de Colombie-Britannique, spécialisée dans les violences et les agressions sexuelles.

Pour le Washington Post, elle a ajouté : « Cette décision a une portée internationale. (…) Il y a maintenant une déclaration claire dans la loi canadienne que le stealthing constitue une agression sexuelle. » D’autant plus que le problème était en pleine expansion. Selon certaines études, un nombre important de femmes et d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes déclarent l’avoir vécu. La résistance à l’utilisation du préservatif s’est même généralisée au cours de la dernière décennie.

Le « stealthing » est suffisamment répandu pour que certaines universités canadiennes l’intègrent dans leurs politiques de prévention. Aujourd’hui, la pratique est intégrée à la liste des crimes sexuels par la plus haute instance juridique du pays.

Une législation basée sur un procès pour agression sexuelle

En 2017, un homme est accusé d’agression sexuelle pour avoir retiré le préservatif pendant l’acte sans le consentement de sa partenaire. Selon le témoignage de cette dernière, elle insiste pourtant pour en porter un et l’homme est d’accord. La victime est ensuite dans l’obligation de suivre un traitement préventif contre le VIH.

Mais le tribunal de première instance rejette l’accusation. Il accepte l’argument de l’accusé selon lequel la plaignante a consenti aux relations sexuelles, malgré le fait qu’il n’avait pas porté de préservatif. Mais la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ordonne un nouveau procès. L’accusé demande alors à la Cours suprême de trancher. Bien mal lui a pris puisqu’elle entend alors les arguments de la plaignante.

Sheilah L. Martin, l’une des 5 juges de la Court suprême à avoir voté pour la loi caractérisant le « stealthing » comme un crime sexuel, a déclaré qu’il « n’y a pas d’accord sur l’acte physique du rapport sans préservatif » lorsque son utilisation est une condition pour avoir des relations sexuelles. Il devient partie intégrante de l’activité sexuelle en question. « Puisque seul le oui signifie oui et que le non signifie non, il est impossible que le ’non, pas sans préservatif’ signifie ’oui, sans préservatif’. »

L’un des premiers pays au monde

Le tribunal a officiellement statué : « Les rapports sexuels sans préservatif sont un acte physique fondamentalement et qualitativement différent des rapports sexuels avec préservatif. (…) L’utilisation du préservatif ne peut être secondaire ou accessoire lorsque la plaignante y a formellement exprimé son consentement. »

Le Canada n’est pas le seul pays à bannir cette pratique. Depuis 2021, la loi californienne permet aux victimes de « stealthing » de poursuivre leurs agresseurs et d’obtenir réparation, selon le New York Times. Des tribunaux suisses et britanniques ont également condamné des personnes pour avoir retiré ces protections sans le consentement de l’autre.

En mai, une femme allemande a été reconnue coupable d’agression sexuelle pour avoir percé des trous dans les préservatifs de son partenaire. Le tribunal a assimilé ses actions à du « stealthing. » En France, un flou juridique règne autour de cette pratique et certaines associations et militantes réclament qu’elle soit considérée comme un viol.

Le Canada adopte des lois de plus en plus restrictives contre les violences sexuelles depuis 1983, date à laquelle il a élargi la définition du viol et de l’agression sexuelle pour inclure des actions autres que la pénétration non consensuelle.

(huffingtonpost.fr)