Avec cette pandémie venue de l’Empire du milieu nous avons du accepter la fermeture des restaurants et aussi des cafés, ces lieux de culture à la française, de convivialité gastronomique et œnologique, ce parlement du peuple pour paraphraser Balzac.
Ne dit-on pas que c’est là que trouvent naissance les brèves de comptoir, les rumeurs, mais aussi les ruptures et les retrouvailles, ou l’on fête des heureux événements mais aussi les jours sombres autour d’un vin d’honneur à la sortie du cimetière. C’est aux bistrots qu’on refait le monde sur le zinc, où pauvres et riches, jeunes et vieux se mélangent. Le café, qu’il soit « de la gare », « du bon coin », « du marché » ou « du port » représente un microcosme social incomparable dans notre société.
Déjà, avant la Covid 19, nos troquets déclinaient à la vitesse grand V et les avis d’obsèques étaient nombreux, passant de 45 000 à 38 000 entre 2011 et 2016. Avec les faillites annoncées combien en restera-t-il à la fin de la pandémie ? Un bistrot qui ferme c’est le moral des français un peu plus en berne. Adieu la belle ambiance de Vincent, François, Paul … et les autres de Claude Sautet avec Michel Piccoli et Serge Reggiani. C’était en 1974, une autre époque.
Plus d’apéro, de petit café, plus de plaisanteries graveleuses autour de la serveuse du patron, de clopes grillées en terrasse, nos assistons impuissants à un effondrement anthropologique, en plus d’une casse économique et sociale. Aujourd’hui les clients sont tristes et les quartiers en deuil de leurs bars.
A cette heure des fermetures administratives pour une guerre que l’on dit sanitaire il ne nous reste plus que l’humour pour les évoquer, comme cette phrase partagée sur les réseaux sociaux : «Rendez aux athées leur lieu de cuite ». Le plus tragique de l’histoire est qu’entre 1940 et 1944, en dépit des bombardements et de l’occupant nazi nos cafés étaient restés et ouverts et aujourd’hui c’est un misérable virus chinois qui les a cloués au pilori, or le bistrot n’est pas un lieu de consommation comme un autre, il est un lieu d’échanges humains, de socialisation, cela va bien au-delà d’une vie sans mousse, café-croissant, chocolat chaud ou d’un petit verre de blanc.
Oui chers bistrots vous nous manquez, et lorsque la crise sanitaire sera terminée je me demande dans quels état nous serons les uns et les autres. A la réflexion une vie sans vous ne mérite pas d’être vécue, alors rouvrez vite et en attendant ce moment béni je trinque à notre santé commune qui nous est chère !
Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono et rédacteur en chef pour la France de Diasporavision