Voici quelques temps, précisément en 2013, à la demande des autorités sénégalaises un groupe d’universitaires a entrepris de réaliser une encyclopédie en vingt-cinq volumes sous le titre « Une histoire générale du Sénégal ». Il s’agit là d’un travail colossal qui prévoit de relater le récit « authentique », distancié des archives laissées par les colonisateurs au moment de l’indépendance.
Les cinq premiers tomes ont été présentés au chef de l’Etat le 17 juillet dernier et vont servir de base, comme les suivants, à une refonte des manuels scolaires dans lesquels Faidherbe n’aura plus nécessairement la place qui est la sienne jusque-là. Les premiers volumes de ce vaste projet culturel placé sous la direction du professeur Iba Der Thiam concernent les périodes de la préhistoire et de l’antiquité et les suivants seront publiés d’ici 2024 à raison de cinq volumes annuels.
Revisiter l’histoire du Sénégal est ambitieux mais indispensable car celle-ci ne se limite pas, comme on la présente trop souvent, à la colonisation arabe et occidentale. Elle est aussi le fruit de l’islam et du catholicisme et du rôle joué dans notre pays par les confréries et les marabouts. Il faut cependant, comme toute recherche historique, veiller scrupuleusement à rapporter des faits établis et pas seulement se reporter à la mémoire ou à la tradition orale. L’histoire contribue en effet à la construction de la citoyenneté et est l’objet d’enjeux à la fois politiques, économiques et mémoriels. C’est dire l’attente qui est très grande du travail effectué actuellement par ce groupe d’historiens.
C’est pourquoi on ne peut que déplorer les premières polémiques qui sont apparues ces dernières semaines à l’occasion de la publication des premiers volumes de cette encyclopédie. Elles sont venues en particulier des familles Niassène et N’diéguène qui contestent la présentation historique consacrée à leurs ancêtres, au nom, disent-elles « de l’honneur et de la dignité ».
Leurs revendications sont peut-être légitimes et auquel cas, après vérifications, le coordonnateur du projet, le professeur Ibar Der Thiam, s’est d’ores et déjà engagé à rectifier d’éventuelles erreurs ou omissions dans une prochaine édition. C’est là une procédure scientifique normale que l’on doit à la rigueur historique et certaines confréries auraient tort d’accabler les auteurs de cette Histoire générale du Sénégal. Jusqu’à présent en effet aucune d’entre elles n’a cru bon de faire l’effort intellectuel d’une telle démarche qui encore une fois doit être saluée et encouragée même si personne n’est infaillible ainsi que le rappelle la citation latine errare humanum est, ce qui signifie qu’il est dans la nature de l’homme de se tromper. Ce qui serait grave serait de persévérer : Perseverare diabolicum, ce qui ne correspond pas à l’engagement du professeur Ibar Der Thiam de tenir compte des observations que ces familles lui ont adressées.
Pour autant il va de soi que ce travail gigantesque ne sera pour ainsi dire jamais terminé car chaque historien pourra toujours apporter sa contribution sur un point ou un autre et contribuer à une amélioration des ouvrages en question. L’histoire est en effet une science sociale et humaine qui peut être remise en cause à tout moment sur la foi de nouvelles découvertes.
Pour ma part je veux féliciter et remercier l’équipe qui entoure le professeur Iba Der Thiam qui à travers ce projet rendent leur fierté à l’homme et au peuple sénégalais en valorisant notre patrimoine historique et humain. Et je suis inquiet de voir que dans notre pays l’intolérance grandit chaque jour et qu’il devient de plus en plus difficile de s’exprimer ce qui appauvrit le débat intellectuel.
Ibrahima Thiam
Président du mouvement « Un Autre Avenir »