Ce livre est politique. Le lecteur y trouvera des rappels historiques, des analyses économiques, des réflexions sur la société et sur la réalité internationale.
Mon regard porte sur la vie politique et ses forces, il s’élève vers le sommet de l’État où plus que jamais le pouvoir se concentre et il embrasse les craintes, les colères et les espérances des citoyens.
Membre du Conseil constitutionnel pendant quatre ans, j’ai scrupuleusement respecté la neutralité et la réserve de celui qui avait revêtu, symboliquement s’entend, la toge du juge constitutionnel. Quand j’ai retrouvé en 2019 ma tenue de citoyen et ma liberté de parole, j’ai entrepris d’écrire ce livre.
Le paysage politique de notre pays avait changé. J’ai voulu comprendre pourquoi et comment. J’ai aussi observé ce qui en résultait, non plus comme un acteur mais comme un témoin.
Que s’est-il passé en 2017 ? Où en sommes-nous en 2020 ? Quelles perspectives s’offrent pour 2022 ? La promesse chimérique d’un « nouveau monde » est restée lettre morte. Notre pays est loin d’adhérer à ce qu’on lui propose aujourd’hui : un néolibéralisme orné de progressisme. Nous vivons un temps troublé.
J’examine aussi trois confrontations mondiales à mes yeux décisives pour notre avenir commun : entre la démocratie et le despotisme, entre les migrations et les nations, entre l’expansion de l’homme et la sauvegarde de la vie sur terre.
La postface de ce livre est consacrée à la pandémie qui en cette année 2020 a bouleversé le monde.
Lionel Jospin effectue un parcours classique de politicien : IEP puis ENA. Comme son père, ancien militant SFIO, il est socialiste. Trotskiste même jusqu’à son adhésion au Parti Socialiste en 1971. Spécialiste en économie, il fait partie du renouveau de la gauche sous la conduite de François Mitterrand. Progressivement, Jospin grimpe dans le parti jusqu’à en devenir le numéro deux avant les présidentielles de 1981. Entre-temps, il est élu aux municipales et aux législatives à Paris.
En 1986, malgré la défaite des socialistes aux législatives, le premier secrétaire du PS conquiert la Haute-Garonne. Après la réélection de Mitterrand, il devient ministre de l’éducation et entame une réforme complète du secteur. Au sein d’un parti divisé, il parvient cependant à être choisi candidat aux présidentielles de 1995. Battu par Chirac, Jospin prend sa revanche en 1998 en devenant Premier ministre. Sous une image austère et rigide, il semble gagner la confiance des Français. Mais en 2002, Lionel Jospin est à nouveau battu aux présidentielles, dès le premier tour. Ce camouflet le pousse à se retirer de la vie politique.
(source Evene)
Lionel Jospin dresse l’inventaire des trois premières années du macronisme
Avec une sagesse teintée de mélancolie, l’ancien premier ministre socialiste analyse dans un livre, « Un temps troublé » (Seuil), la présidence d’Emmanuel Macron et les raisons de sa victoire en 2017.
Par Solenn de Royer
Livre. C’est une voix qui vient de loin. Près de vingt ans après avoir quitté la vie politique, Lionel Jospin – qui a retrouvé sa liberté de parole après avoir passé quatre années au Conseil constitutionnel – s’invite dans le débat public avec un livre, Un temps troublé (Seuil, 256 pages, 19 euros), publié le 3 septembre.
L’ancien premier ministre socialiste (1997-2002), qui a été sèchement battu dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 – ouvrant la voie à un second tour inédit et saisissant entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen – a voulu comprendre ce qui s’était passé en 2017 avec l’avènement surprise d’Emmanuel Macron, dans un paysage politique totalement bouleversé.
Dans ce livre court, net, précis, à l’écriture impeccable et fluide, celui qui a gardé une réserve quasi constante pendant dix-huit ans, refusant de se transformer en commentateur galvaudé de la vie politique, commence par dresser un inventaire implacable des vingt-cinq dernières années : depuis la trahison de Jacques Chirac, en 1995, qui a renoncé à réduire la fracture sociale comme il s’y était engagé, jusqu’aux désillusions de l’électorat socialiste pendant le quinquennat de François Hollande, en passant par les erreurs et les excès du sarkozysme.
Aux déceptions suscitées par trois présidents successifs se sont ajoutés le référendum perdu sur l’Europe en 2005 (suivi du déni de celui-ci) ainsi que la crise financière de 2008, ces deux événements ayant eu des conséquences économiques, sociales et politiques « rudes pour les peuples », observe l’auteur, contribuant à alimenter le scepticisme et les frustrations des Français.
Pour Lionel Jospin, âgé de 83 ans, l’avènement d’un quasi-inconnu de 40 ans est ainsi bien davantage le fruit des faillites du passé – et de circonstances particulières ayant entouré l’élection présidentielle de 2017 – que d’une véritable adhésion au projet de ce dernier. Faute de l’avoir compris, Emmanuel Macron et sa majorité feraient preuve, selon lui, d’une « confiance excessive », les conduisant à l’imprudence. « Le succès entraîne souvent une griserie et celle que procure la croyance d’avoir gagné seul est trompeuse », écrit M. Jospin.
« Le macronisme : le plus efficace des dégagismes »
L’ancien premier ministre n’hésite pas à se montrer sévère avec ce jeune président « énergique et talentueux », mais « sans attaches » ni expérience politique. Si Macron a prôné la « révolution », la rupture avec le passé et les forces politiques antérieures, c’était d’abord et avant tout par opportunisme, pour conquérir plus efficacement le pouvoir, relève Jospin. « Le macronisme est devenu le plus efficace des dégagismes », analyse-t-il.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/06/lionel-jospin-dresse-l-inventaire-des-trois-premieres-annees-du-macronisme_6051201_823448.html