UN PAYS SANS TÊTE : Le Président à Luanda, le voyage «secret» du Pm prive l’Exécutif de chef

Le chef de l’Etat est en voyage, et son Premier ministre vaque à ses affaires, sans que l’on sache qui tient les gouvernails de la barque Sénégal en leur absence. Cela, alors que la situation financière est préoccupante et que la frontière orientale ne cesse d’inquiéter. Et personne ne sait comment se déroule l’intérim en ce moment.

C’est un tweet du «fugitif le plus recherché du Sénégal», Madiambal Diagne, qui a informé, vendredi dernier, le Sénégal abasourdi, que le Premier ministre Ousmane Sonko a décollé à bord d’un jet privé -dont on ne sait toujours pas les conditions de son affrètement- pour se rendre à Abu Dhabi. Et ce déplacement se fait au moment où le chef de l’Etat, le Président Bassirou Diomaye Faye, devait se rendre à Luanda, en Angola, dans le cadre d’un Sommet Europe-Afrique, qui avait été préalablement annoncé en Conseil des ministres.

Les Sénégalais commencent à s’accoutumer de ces façons de faire on ne peut plus cavalières de notre chef de gouvernement. Le mercredi 5 novembre dernier, il avait annoncé qu’il prenait des congés jusqu’au 21 du mois. Cela ne l’a pas empêché d’animer un «Tera meeting» aux alentours du Stade Léopold Senghor, qui a rassemblé des milliers de ses partisans. Le bruit fait autour de ce meeting politique laissait croire que le leader de Pastef avait d’importantes décisions à annoncer, tenant surtout compte de l’état de déliquescence de l’économie nationale dont il avait la charge.

A l’arrivée, ce fut surtout une diatribe à l’encontre de tout ce qui le contrariait dans le pays, et surtout des invectives et menaces envers tout ce qui ne rencontrait pas son agrément. Des membres du gouvernement dont il était le chef, qui ont été accusés de mauvaise gestion, ainsi qu’une alliée du chef de l’Etat, ancienne Première ministre, nommée à des responsabilités de confiance par Bassirou Diomaye, ont été désignés coupables de toutes les vilénies. Bref, le congé du Premier ministre lui avait juste servi à préparer un règlement de comptes à sens unique avec des personnes qu’il ne voulait pas voir dans l’entourage du chef de l’Etat.

El Malick Ndiaye confirme Madiambal

D’ailleurs, la fin de ces «congés» ne semble avoir rien changé dans les relations entre les deux hommes. Les Sénégalais retiennent tous leur souffle, en se demandant quand la crise ne sera plus latente, pour finir par éclater au grand jour. La seule question qui vaille est de savoir si le Premier ministre Ousmane Sonko va démissionner, ou qu’il attendra tranquillement de se faire pousser dehors. Sur ce point, on devrait se rappeler son autre monologue du «King Fahd», où il avait assuré ne pas être disposé à «bouger d’un centimètre»…

Ce qui nous ramène à son voyage. Ce voyage préparé en secret, et dévoilé par «l’ennemi public n°1» de Pastef et de son chef, n’a à ce jour pas été démenti. Tout au contraire, El Malick Ndiaye, qui a voulu tourner en dérision l’information de Madiambal, a pensé la minimiser en déclarant que son leader était «parti chercher de l’argent». Réponse qui soulève encore plus de questions.

Est-ce au chef du gouvernement d’aller signer des accords de dons ou de prêts à l’étranger ? A quoi alors servent les ministres de l’Economie et de la coopération Abdourahmane Sarr, et des Finances et du budget Cheikh Diba ? N’est-ce pas à eux que revient le soin de veiller à l’état de nos finances et à la crédibilité de nos engagements financiers ? De plus, le Premier ministre s’était rendu en tournée en Chine, en Turquie et dans les pays du Golfe, tournée qui nous avait été vendue à grand bruit par ses services de communication, qui l’ont présentée comme très fructueuse, même si on en attend encore les retombées. Quel besoin y a-t-il alors d’y retourner en moins de 4 mois, et de manière presque incognito ?

Faudrait-il croire les cassandres qui, sur les réseaux sociaux, chantent que le secret du voyage se justifierait par le fait que le chef du gouvernement serait à la recherche d’une cagnotte pour préparer un éventuel clash avec son binôme, et que les fonds devraient servir à l’affrontement à venir ? On ne s’engagera pas sur cette voie.

L’Exécutif en voyage, qui commande ?

Par contre, l’information livrée par Madiambal Diagne, et non démentie par aucun segment de l’Etat et de Pastef, ne manque pas d’inquiéter. Aujourd’hui, le Sénégal ressemble à un coq étêté. Les deux têtes de l’Exécutif sont hors du pays, et on ne sait qui dirige. Il n’y a pas officiellement de vacance de pouvoir, et le président de l’Assemblée ne peut donc exercer aucune fonction. Et la Garde des sceaux, Mme Yassine Fall, 2ème dans l’ordre protocolaire, semble plus occupée à trouver de la place pour caser des détenus dans les prisons. Serait-elle capable de prendre en charge les affaires du pays en cas de nécessité ? La question se pose au regard de ses prouesses aux Affaires étrangères. Son suivant, Birame Soulèye Diop, semble aussi préoccupé, comme ses «frères» de parti, par ce qui oppose les deux têtes de Pastef.

Tout cela se passe alors que la situation à la frontière malienne ne rassure personne, que les finances du pays sont déjà dans le rouge, et que les sinistrés de l’hivernage passé attendent toujours des secours.