En économie, le choix des indicateurs est en lui-même une indication… des idées de l’auteur. C’est d’ailleurs ce qu’entend prouver Guillaume Bazot. L’auteur dénonce le cherry picking. Rien à voir avec le ramassage des cerises : c’est le fait de picorer des données isolées pour choisir la part vérité qui nous arrange idéologiquement. Un vrai travers des sciences sociales !
Du coup, L’AntiÉditorial signale en contre-point la nouvelle étude de l’Observatoire des inégalités, une ONG indépendante fondée en 2003. Ce think tank fixe le « seuil de richesse » au double du niveau de vie médian. Soit, après impôts, 3 673 euros par mois pour une personne seule, 5 511 euros pour un couple, et 7 700 euros pour une famille avec deux enfants. Ce qui fait, pour la France, une population de 4,5 millions de personnes.
Or, son second « rapport sur les riches en France », tout juste publié, est catégorique. Certes, le nombre de personnes riches à baisse significativement en dix ans, puisque 745 000 personnes sont passés sous le « seuil de richesse ». Mais le niveau de vie moyen des 10 % de Français les plus aisés n’a cessé de progresser. Le salaire des 1 % les plus riches, en particulier, augmente spectaculairement.
Guillaume Bazot objecterait sans doute que comparer les salaires n’a pas beaucoup de sens. En effet, l’impôt d’un côté et les transferts sociaux de l’autre sont un puissant et efficace correctif. Il ajouterait que même si les 1 % les plus riches s’enrichissent, ça ne prouve pas forcément qu’ils le font aux dépens des pauvres ou des classes moyennes.
En outre, Bazot récuse que le capitalisme contemporain « soit davantage favorable aux plus aisés que le capitalisme d’État que connaît la France jusqu’au milieu des années 1980 ». On peut retenir ici deux idées.
1/ Si l’on compare les Français les plus riches et les 50 % les moins riches, entre 1990 et 2017, les inégalités se creusent davantage en faveur des nantis entre 1970 et 1990 que par la suite, entre 1990 et 2017. Autrement dit, à cette époque idéale, ou plutôt idéalisée, le système était moins redistributif.
2/ Si le système privilégie une catégorie sociale, c’est celle de la « classe moyenne basse ». Or, c’est celle-là même que plaignent aussi bien les tenants de « la France périphérique », comme Christophe Guilluy, que les protestataires de La France insoumise ou du Rassemblement national et les apôtres d’un souverainisme nostalgique de l’État-Providence. Le décalage entre la réalité et la perception est si fort que Bazot, pour qui les faits sont têtus, le qualifie « d’énigme »
Mais Guillaume Bazot et Louis Maurin, le fondateur de l’Observatoire de inégalités, se rejoignent sur un point fondamental : les inégalités de patrimoine se creusent. On s’éloigne de plus en plus de la promesse libérale, donner à chacun la liberté d’entreprendre. Et on oublie de plus en plus la promesse républicaine, celle de l’égalité des chances Ce creusement des inégalités de patrimoine est très connu depuis que Thomas Piketty, l’auteur du Capital au XXIe siècle, a popularisé ces recherches. Mais curieusement, comme le relève Bazot, si les Français s’indignent des inégalités de revenus, qui ne leur font pas forcément de tort, ils sont hostiles à la taxation des successions… |