Pourquoi la Russie reprend pied en Afrique

Il est loin le temps ou la défunte Union Soviétique soutenait les guérillas en Afrique, comme en Angola, ou, ici et là, les régimes d’inspiration marxiste. C’était au temps de la guerre froide mais avec l’effondrement de l’URSS la patrie de Vladimir Poutine a perdu pied sur le continent au cours des années 1990. Pour autent le continent n’est pas pour elle terra incongnita et elle compte bien aujourd’hui rattraper le temps perdu.

La meilleure preuve est la tenue, mercredi et jeudi, dans la station balnéaire de Sotchi, sur les bords de la mer Noire, du premier sommet Russie-Afrique pour lequel le maître du Kremlin a d’ores et déjà annoncé la couleur : « Nous avons des projets d’investissement de plusieurs milliards de dollars ». Et ils seront une trentaine de dirigeants Africains à écouter la bonne parole du nouveau tsar ainsi que quelques 1500 hommes d’affaires ou entreprises, aussi bien russes qu’africains.

Et même si le marché des armes ne peut pas laisser indifférent la Russie dans le cadre du développement de la coopération militaire et sécuritaire par le biais d’accords de défense et du déploiement de sociétés militaires privées, (n’oublions pas que le célèbre fusil d’assaut kalachnikov figure sur le drapeau de l’Angola) c’est tout autre chose qu’espère Poutine en invitant l’Afrique à Sotchi.

Sotchi se veut une réplique aux forums de coopération sino-africains qui depuis 2000 ont fait de Pékin le premier partenaire de l’Afrique. En 2018 les échanges Russie-Afrique avec 20 milliards de dollars étaient dix fois moins importants que ceux contractés avec la Chine et même moitié moins qu’avec la France.

En vérité, comme la Chine, la Russie entend accéder aux immenses ressources naturelles dont regorgent le sol et le sous-sol africain (hydrocarbures, industries minières, etc.), en particulier au Mozambique, en Guinée, au Zimbabwe et au Burkina Faso, mais aussi en fournissant du nucléaire civil tout en redonnant de l’air aux entreprises russes  alors que l’économie est atone. A l’image du blé que la Russie fournit à l’Egypte à hauteur de la moitié de sa consommation. Evidemment cette nouvelle vision africaine du Kremlin ne plaît pas à tout le monde en particulier à la France qui voit notamment son influence diminuer en Centrafrique.

En résumé, accéder à de nouvelles ressources naturelles, trouver des nouveaux marchés et retrouver une influence politique perdue tels sont les objectifs du maître du Kremlin qui durant deux jours va dérouler le tapis rouge à ses invités africains sur le site de Sotchi traditionnellement réservé aux grands raouts diplomatiques. Pour la Russie l’heure du retour à sonné en Afrique.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono, ancien auditeur au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques.