Le monde post-américain Poche – 14 avril 2011 de Fareed ZAKARIA (Auteur), Hubert VEDRINE (Préface)

A l’avenir, les Etats-Unis joueront moins un rôle de leader mondial que d’arbitre. C’est la thèse à contre-courant de bien des analyses occidentales que défend ici Fareed Zakaria, l’un des meilleurs spécialistes de politique internationale actuels.

Dans cet essai percutant préfacé par Hubert Védrine, Fareed Zakaria bouscule la pensée dominante dans le domaine de la politique internationale : loin d’annoncer le déclin de l’Occident, et donc des Etats-Unis, il privilégie la montée des pays émergents, notamment de la Chine (le challenger) et de l’Inde (l’allié) –  » conséquence ironique de soixante ans d’action américaine pour ouvrir et américaniser le monde  »

Selon lui, les Etats-Unis doivent désormais se concevoir comme le pivot d’un nouveau système international, non plus en dominant les autres pays, mais en les consultant et en formant des coalitions.

Ces réflexions stimulantes portées par un style limpide dépassent la seule perspective américaine, pour penser et définir le monde de demain.

Fareed Rafiq Zakaria, né le 20 janvier 1964 à Bombay1, est un auteur et journaliste américain d’origine indienne. Il est spécialisé dans les relations internationales, le commerce international et la politique étrangère des États-Unis.

Biographie

Né à Bombay, d’un père membre du parti du Congrès et d’une mère éditrice du Sunday Times of India. Il est diplômé de l’université Yale où il a été président de la « Yale Political Union » et membre du Berkeley College. Il est aussi diplômé docteur de l’université Harvard en 1993, où il a été l’élève de Samuel P. Huntington et de Stanley Hoffmann.

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Directeur de « Newsweek International », l’auteur sait de quoi il parle : il est né en Inde, il vit aux Etats-Unis. Il s’interroge sur la capacité de l’Amérique à s’adapter à la nouvelle carte de la puissance.

Par Alain Frachon

La diplomatie française a gagné. Elle redoutait que la disparition de l’Union soviétique, à la fin des années 1980, n’installe durablement les Etats-Unis dans le rôle de l’hyperpuissance arrogante et dominatrice. Elle dénonçait les tentations unilatéralistes d’une Amérique qui affichait une prépondérance multiforme : économique, militaire, idéologique, culturelle. Elle appelait à l’avènement d’un monde multipolaire. Sous ce vocable, masquant parfois un vieux fonds d’antiaméricanisme, elle disait souhaiter une planète où plusieurs pôles de puissance exerceraient leur influence à parts égales. Voeu exaucé. La diplomatie française n’y est pas pour grand-chose, pas plus qu’une autre, mais le résultat est là : le monde d’aujourd’hui est bel et bien multipolaire. L’Amérique n’a plus le monopole de la puissance : elle doit partager. Les Etats-Unis et l’Europe n’ont plus le monopole de la richesse économique : ils ont des concurrents. La mondialisation des échanges et la révolution technologique ont favorisé la montée de ceux qu’on appelle aujourd’hui les puissances émergentes : la Chine, l’Inde, le Brésil, parmi quelques autres.

C’est ce monde-là que décrit Fareed Zakaria, un monde d’après-Amérique, un monde marqué, dit-il, par « l’ascension des autres ». Un monde où même la pression exercée par Barack Obama en faveur de Chicago n’empêche pas la ville de Rio d’empocher les Jeux olympiques de 2016.

En 2009, l’essentiel de la croissance mondiale est venu des pays émergents. Une demi-douzaine d’entre eux représentent quelque 40 % du PIB planétaire. Leur poids économique trouvera son pendant politique. Le vieux club occidental – les Etats-Unis et l’Europe – va devoir composer. Au fil de sa belle synthèse géopolitique, l’auteur n’évite pas les questions difficiles : le monde sera-t-il antioccidental ? ; l’universalité des valeurs que l’Occident entend incarner va-t-elle être de plus en plus contestée ?

Directeur de Newsweek International, Fareed Zakaria sait de quoi il parle : il est né en Inde, il vit aux Etats-Unis. Il s’interroge sur la capacité de l’Amérique à s’adapter à la nouvelle carte de la puissance. Il ne décrit pas une Amérique sur le déclin. Il la voit en mal de rôle politique : comment apprendre à décider avec les autres ? Obama est un – bon – début de réponse.

L’EMPIRE AMÉRICAIN : L’HEURE DU PARTAGE de Fareed Zakaria. Préface d’Hubert Védrine. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj. Saint-Simon, 260 p., 23 €.

Alain Frachon