BILL GATES SOUTIENT LA « RÉVOLUTION DES TOILETTES », UN COMBAT QUI CONCERNE 900 MILLIONS DE PERSONNES DANS LE MONDE
UN APPEL PRES SANT À AMÉLI ORER L’AS SAI NI SSEMENT AU PROFI T DE L A SANTÉ, DE L’ ENVI RONNEMENT, DE L’ ÉCONOMI E ET DE L A SOCI ÉTÉ
ONU-« Nous appelons les États Membres à se montrer à la hauteur de ce défi – à intervenir en faveur de l’assainissement afin de recueillir les nombreux avantages de ce secteur pour la santé de leurs citoyens, l’économie et l’environnement. Nos organismes se sont engagés à soutenir les États Membres dans cette démarche et à fournir les systèmes d’assainissement solides, efficaces et durables que méritent l’ensemble des communautés. »
L’innovation permet de définir des approches plus efficaces et de surmonter les difficultés émergentes-
Les gouvernements ne doivent pas se limiter aux réseaux d’égouts conventionnels, qui sont onéreux et longs à installer, mais envisager d’autres solutions, telles que les systèmes d’assainissement décentralisés et non raccordés au réseau d’égouts. Les technologies et les systèmes d’assainissement novateurs peuvent limiter les risques posés par les changements climatiques, l’urbanisation et le manque de ressources, ou permettre de s’y adapter. Le choix des technologies et des systèmes d’assainissement dépend du contexte et des facteurs techniques, économiques et sociaux à l’échelle locale. ONU
Bill Gates, fondateur de Microsoft et philanthrope, est apparu mardi 6 novembre à Pékin à côté d’un récipient rempli d’excréments humains. L’objectif de cette image choc du richissime américain est à d’attirer l’attention sur le manque de toilettes dans les pays en développement.
À Pékin, lors d’un événement sur l’avenir des toilettes, Bill Gates a choqué en posant à côté du bocal rempli d’excréments humains.
@NicolasAsfouri/AFP
A Pékin, ce mardi 6 novembre, Bill Gates s’est illustré en posant à côté d’un bocal rempli d’excréments humains. Un moyen d’attirer l’attention du grand public sur un drame sanitaire : le manque de sanitaire dans de nombreux pays en développement ou émergents comme l’Inde et la Chine.
« Dans les endroits qui n’ont pas d’assainissement, il y en a beaucoup plus que là-dedans« , a-t-il déclaré, montrant le bocal posé à côté de lui alors qu’il s’adressait à un forum sur l’avenir des toilettes dans le monde. « Quand les enfants vont jouer dehors, ils sont exposés à ça tout le temps« , a martelé le milliardaire. « Ce n’est pas juste une question de qualité de vie, c’est lié aux maladies, à la mort et à la malnutrition« , a-t-il dit.
À la tête de sa fondation humanitaire, la Bill & Melinda Gates Foundation, le philanthrope a consacré une partie de sa fortune à la généralisation des toilettes dans le monde, en particulier des toilettes sèches utilisables dans les zones en manque d’eau.
900 millions de personnes privées de toilettes dans le monde
Selon l’Unicef, près de 900 millions de personnes n’ont pas d’autre choix que de faire leurs besoins en plein air. Dans un pays comme l’Inde, c’est encore le cas de 150 millions d’habitants contre 550 millions en 2014, selon New Delhi.
Bill Gates a rendu hommage aux efforts faits par la Chine pour améliorer l’hygiène de ses toilettes publiques, jadis repérables de loin par leur odeur. Le président Xi Jinping fait encore campagne lui-même pour une « révolution des toilettes » dans la deuxième économie mondiale. « La Chine a la possibilité de lancer un nouveau type de solutions d’assainissements innovantes qui ne seront pas connectées au réseau d’égouts« , a estimé Bill Gates.
Ce n’est pas la première fois que Bill Gates fait sensation dans son auditoire afin d’appuyer son message. Lors d’une conférence aux États-Unis en 2009, il avait lâché une armée de moustiques dans le public afin d’évoquer les dangers du paludisme… attendant une bonne minute avant d’expliquer que les insectes en question n’en étaient pas porteurs.
La rédaction avec AFP
L’Afrique du Sud, laboratoire vivant des toilettes de demain
Où l’on saisit l’invraisemblable cocktail politique, économique et climatique qui a fait de l’université du KwaZulu-Natal, à Durban, la Silicon Valley de l’assainissement. Ici, on veut bannir les chasses d’eau et installer les nouvelles générations de toilettes partout, des bidonvilles jusque dans la résidence de Bill Gates.
par Arnaud Robert
Il m’arrache des mains le gros cahier d’écolier américain où je prends mes notes – celui avec la couverture marbrée. Il choisit une page blanche et dessine un graphique, très vite, avale la moitié des mots perdus dans son accent sud-africain. En ordonnées, il indique l’impact environnemental. En abscisses, le revenu des foyers. Et il divise le tout en trois zones, sur lesquelles la courbe monte puis s’effondre. «L’idée est que les plus pauvres ne passent pas toutes les étapes du développement et que les toilettes qu’on leur fournit ne polluent pratiquement plus. Voilà mon job.»
Chris Buckley m’a donné rendez-vous au petit-déjeuner dan
Reportage
nos toilettes, un défi planétaire inspirant !
Alors que l’eau douce et propre se raréfie, l’équipe de La grande bataille des toilettes est allée à la rencontre des pionniers qui œuvrent pour une révolution mondiale de nos sanitaires.
La fondation de Bill Gates a lancé en 2011 le concours « Réinventer les toilettes ». | BILL & MELINDA GATES FOUNDATION
Dans le monde entier, nos toilettes vivent une révolution sans équivalent depuis le XIXe siècle. Bill Gates investit des centaines de millions de dollars pour développer de nouveaux types de sanitaires. L’Inde lance une campagne massive de construction de toilettes. Ce documentaire propose une réflexion sur le système de gestion des déchets dans nos pays riches, l’aberration de consommer 50 litres par jour d’eau potable pour évacuer nos déjections. Entretien avec Arnaud Robert, me réalisateur.
Comment en êtes-vous venu à réaliser ce film ?
Jusqu’à ce film, comme tout le monde, je préférais ne pas y penser. D’ailleurs, il n’y a pas de mots usuels pour parler de nos déchets « intimes » sans gêne. Puis, le sérieux site d’information suisse Heidi m’a demandé de faire le tour du monde de la question face aux nouveaux enjeux sanitaires et écologiques.
Où vous a mené cette enquête ?
De la Suisse, pays obsédé par la propreté, jusqu’à Paris, dans l’une des plus grandes stations d’assainissement du monde. De l’Organisation mondiale des toilettes de Singapour, jusque dans la ville pionnière de Durban, en Afrique du Sud, ou encore en Inde, où le Premier ministre et des stars de Bollywood ont rejoint le « Gandhi des toilettes ». Et enfin en Chine, où s’est clôturé le concours international « Réinventer les toilettes » lancé par la fondation Bill & Melinda Gates. Objectif de développement durable de l’ONU depuis 2015, la révolution des toilettes est en marche.
Ce sont les familles pauvres des bidonvilles de Durban qui testent vos futures toilettes
Où l’on comprend que les ingénieurs du monde entier ne peuvent analyser les matières fécales des Sud-Africains sans prendre certaines pincettes, eu égard à l’histoire politique du pays. Mais la pauvreté et la criminalité font aussi partie de l’équation scientifique.
De l’extérieur, ce sont des bouts de tôle, des rebuts de bois et de carton, qui ne tiennent ensemble que par la force de la gravité contrariée. Sur cette colline à pic, on trouve à peine l’espace de se faufiler entre les cabanes où vivent 200 voire 300 familles, comme suspendues au-dessus du vide. La chaleur est asphyxiante. Sur la butte opposée, on voit les larges demeures patriciennes, calfeutrées derrière des palissades de béton et de barbelés. Les inégalités ne sont pas nécessairement plus profondes à Durban qu’ailleurs; seulement, les proximités agissent ici de la même manière qu’un produit de contraste lors de rayons X. Tout se révèle: les tumeurs hurlent.
Nelson me conduit chez lui. Il vit dans une bicoque à côté de celle de sa sœur. Elle a collé deux autocollants sur sa porte, le premier indique le numéro d’une ligne d’urgence, le second les coordonnées d’une église avec un slogan à moitié déchiré: «Jesus is my strength» (Jésus est ma force). La chambre de Nelson est d’une propreté effarante. Le sol est recouvert de moquette comme on en trouve dans les bureaux d’assureur, il y a d’ailleurs une chaise à roulettes au fond. Juste devant la porte, il a posé un carré de linoléum plastifié avec effet carrelage, pour ne pas tremper le tapis par temps de pluie.
C’est aussi un enjeu majeur dans les pays riches ?
Consommer 50 litres d’eau potable par personne et par jour pour évacuer l’urine et les selles devient inadapté. Les réseaux d’assainissement de Londres, Paris ou New York ont été construits il y a plus de cent ans. Les stations d’assainissement ne parviennent pas à éliminer les micropolluants chimiques, pharmaceutiques. Et dans le même temps, la moitié du monde n’a pas accès à des toilettes ! Un problème qui engendre diarrhées, hépatite A, typhoïde, dysenterie, choléra, et cause la mort de 400 000 enfants par an. Enfin, 80 % des eaux usées ne sont pas traitées.
En Suisse, la solution des vers de terre semble idéale ?
L’exemple de cet immeuble en plein centre de Genève montre que cette solution, mise au point par un biologiste, fonctionne. Le principe est toujours de séparer l’urine, où se concentrent les nutriments recyclés en engrais, des matières fécales, où se concentrent bactéries, parasites, virus, nettoyées par les vers de terre. L’eau est purifiée et réutilisée pour les toilettes. Ce n’est pas la solution miracle, mais une des solutions à trouver pour chaque environnement.
Quel est l’objectif du concours international « Réinventer les toilettes » ?
Il visait à concevoir des toilettes autonomes, sans réseau d’assainissement, avec peu ou pas d’eau et d’électricité. Une dizaine de prototypes sont aujourd’hui testés dans la ville déjà pionnière de Durban, victime de la sécheresse et marquée par une épidémie de choléra en 2002.
En Inde, le « Gandhi de l’assainissement » lutte pour que le nettoyage des excréments ne soit plus laissé aux Intouchables ?
L’Inde envoie des satellites, mais 40 % de la population n’a pas accès à des toilettes… Les Intouchables, caste héréditaire la plus pauvre, étaient désignés pour nettoyer les excréments. En 2014, le premier ministre Narendra Modi a lancé une campagne de construction massive de toilettes, qui s’est terminée le 2 octobre 2019, jour du 150e anniversaire de Gandhi. Le Dr Pathak a rappelé que le Mahatma Gandhi avait fait de l’assainissement la priorité, avant même l’indépendance du pays.
Tribune de Genève
« Une firme genevoise combat l’insalubrité avec Bill Gates
Firmenich présente, jeudi à Londres, un projet, élaboré avec le cofondateur de Microsoft, visant à défendre le droit à des toilettes propres.
Philippe Rodrik
Gilbert Ghostine, président de la direction générale de Firmenich.
Steeve Iuncker-Gomez
Ne pas avoir droit à des toilettes décentes, dans quelques-uns des plus grands centres urbains du monde, ne constitue-t-il pas un stade aggravé de la misère? La réponse à cette question ne laisse aucun doute, sachant que 800’000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année dans le monde faute d’accès à des installations sanitaires salubres et à de l’eau potable. Dans ce contexte, la firme genevoise Firmenich SA, fondée en 1895, et la Fondation Bill et Melinda Gates partagent leurs convictions en matière d’investissements responsables et relèvent un tout grand défi: combattre les mauvaises odeurs favorisant l’insalubrité publique.
Le numéro deux mondial de la parfumerie et des arômes alimentaires, et le cofondateur de Microsoft, ont commencé l’élaboration de ce projet en 2012. Le président de la direction générale de Firmenich, Gilbert Ghostine, le présente jeudi à Londres, à l’occasion du 16ème Sommet européen du business responsable. Cette opération a nécessité un investissement à peu près équivalent des deux partenaires, à hauteur de 6,5 millions de dollars (environ 6,37 millions de francs) chacun.
Plusieurs facteurs ont favorisé l’émergence de ce projet. En premier lieu, évidemment, l’urgence tragique d’une solution à ce problème. Puis le fait que ces gigantesques difficultés de salubrité publique sont aggravées par une donnée au premier abord ridicule. «Il est démontré que la malodeur dissuade l’utilisation des toilettes, même lorsque celles-ci existent», indique Nollaig Forrest, porte-parole de Firmenich. Cette entreprise familiale a en outre convaincu la fondation Bill et Melinda Gates, du fait de son savoir-faire et de connaissances qu’elle développe depuis plus d’un siècle.
Firmenich se trouve en effet à l’origine de quelques-uns des plus grands produits de l’histoire de la parfumerie. La société a ensuite commencé, dans les années quatre-vingt, à concevoir pour certains clients des articles bien connus des ménages, d’abord occidentaux, puis du monde entier. Ils se présentent encore souvent comme des vaporisateurs et sont voués au combat contre les mauvaises odeurs. Forte de ces expériences, l’entreprise emploie quelques-uns des plus grands experts pour comprendre les propriétés biologiques des récepteurs olfactifs. Ceux-ci n’ont cependant pas pu, à l’occasion du partenariat avec la fondation Bill et Melinda Gates, se contenter de poursuivre leurs travaux de recherche en laboratoire. Le défi conjoint, de la firme genevoise et de la fondation Bill et Melinda Gates, leur ont imposé des missions d’études sur des terrains divers.
Recherches en latrines
«Nos spécialistes ont commencé leur travail à la source. Ils ont analysé les odeurs fécales dans des latrines d’Inde (à Ahamadabad, Pune et Warangal) et d’Afrique (à Nairobi, Kampala et Durban). L’objectif consistait à comprendre leur composition et à déterminer s’il y avait une odeur fécale universelle. A travers ces recherches, les quatre molécules les plus représentatives des mauvaises odeurs des toilettes ont pu être décelées. Leur dosage variable permet de reproduire en laboratoire les différentes odeurs observées dans les différents pays où nous avons échantillonné les matières fécales», explique Nollaig Forrest.
Indol, p-cresol, dimethyl trisulfide et acide butyrique sont les quatre molécules tant redoutées et démasquées par les experts de Firmenich. Après les avoir isolées, ils ont recherché les moyens les plus efficaces pour les neutraliser. Il a fallu ensuite identifier les récepteurs olfactifs activés par ces quatre molécules, sachant que le nez de chaque individu est pourvu de 350 récepteurs olfactifs. Gilbert Ghostine reconnaît que cette expérience a parfois progressé par tâtonnements. «Mais, vu que les odeurs se trouvent tellement au centre de toute solution à ce problème de santé publique, nous savions que nous pouvions contribuer à cette recherche», se félicite Geneviève Berger, directrice de la recherche chez Firmenich.
Bill Gates exprime lui-même sa gratitude: «Firmenich a envoyé ses scientifiques sur divers sites afin d’étudier les toilettes dans les pays en développement. Ils ont ensuite effectué une découverte capitale. Celle-ci permettra d’éliminer les odeurs fétides, associées aux toilettes. Toute leur bonne volonté pour aider au financement du projet avec nous, en prenant des risques, s’est en outre avérée fort précieuse. Les experts de Firmenich sont sur le point d’apporter un produit innovant. Celui-ci contribuera à l’amélioration de la qualité de la vie dans le monde.»
Structure imaginée par Unilever
L’entreprise meyrinoise insiste toutefois davantage sur ses atouts stratégiques qu’elle ne cède à l’autosatisfaction. «Nous savons que nous n’aurions pas pu relever un défi aussi ambitieux tout seul. C’est pourquoi, en plus de notre partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates, nous sommes un des membres fondateurs du Toilet Board Coalition», relève Bérengère Magarinos-Ruchat, vice-présidente du développement durable chez Firmenich.
Cette structure, initialement imaginée par Unilever, est basée à Genève. Elle rassemble plus de 200 partenaires. L’objectif du Toilet Board consiste à réinventer le marché de l’assainissement. «Il ne serait en effet pas possible de construire des systèmes de canalisation et d’épuration dans certaines villes, comme Mumbaï et Delhi, et beaucoup d’autres en Afrique. Des entreprises, soutenues par le Toilet Board, travaillent sur le modèle d’affaires des toilettes publiques. D’autres gèrent des déchets et leur valorisation en fertilisant ou en énergie», précise Bérengère Magarinos-Ruchat.
Le Toilet Board Coalition a en outre organisé, l’automne dernier, son premier Global Toilet Business Innovation and Investment Summit à Mumbai. A cette occasion les membres du World Toilet Board se sont engagés à investir 15 millions de dollars (14,7 millions de francs) ces prochaines années. «Cette décision s’avère cruciale. Notre collaboration avec le Toilet Board est en effet fondamentale pour rendre notre technologie de contrôle de la «malodeur» accessible aux populations les plus exposées», indique la responsable du développement durable chez Firmenich.
Christian Starkemann, docteur en biochimie chez Firmenich devant l’une des cabines où ont été recréées les conditions d’odeur, de température, et d’humidité rencontrées dans des latrines de plusieurs villes indiennes et africaines. Ces techniques permettent de réaliser les développements de parfums appropriés pour combattre les mauvaises odeurs. (Photo: Steeve Iuncker-Gomez)