En lisant Philippe de Villiers, «Mémoricide » et en attendant de découvrir « Populicide », puis en découvrant le parallèle qu’il fait à propos de la France avec des communautés humaines « qui ont connu la gloire, la fortune, puis l’extinction » je n’ai pu m’empêcher de penser à la fable de la grenouille plongée dans l’eau bouillante.
Chaque peuple, écrit P. de Villiers, « choisit les voies originales de son ascension, puis son épreuve de vérité, enfin sa manière de glisser vers l’agonie puis la mort ». Et pour le vendéen, fondateur du Puy du Fou, les français collectionnent « par une accumulation terrifiante, l’ensemble des traits communs du populicide » vécu par tous les peuples avant nous, phéniciens, grecs, romains, etc. Ce qui lui fait dire que « les peuples meurent mais sans se voir mourir ». L’ancien ministre est-il visionnaire, clairvoyant ? Le futur sera juge.
Ce qui me ramène à l’histoire de la grenouille et une expérience de physique élémentaire. Si on plonge celle-ci dans l’eau bouillante, elle s’échappera d’un bond, mais si on la plonge dans l’eau froide et qu’on porte progressivement cette eau à ébullition alors le batracien s’engourdira et s’habituera à la température, pour finir ébouillantée. Je trouve le parallèle avec la France saisissant. Notre pays s’effondre en effet par petites étapes depuis quelques décennies, en s’adaptant passivement à un environnement qui se détériore un peu plus chaque jour.
La France est comparable à ce patient qui ne va pas mourir d’un choc brutal, d’une crise cardiaque, mais d’une lente inertie, ravagée par un cancer, une « longue maladie ». Au final, le résultat est le même, seules la souffrance et la douleur sont différentes. La métaphore de la grenouille plongée dans l’eau bouillante est évocatrice, comme cela a été le cas, rapportée à l’échelle humaine, en 1940 où l’agression allemande nous a conduit à la résistance afin de sortir du piège dans lequel les nazis nous avaient enfermé. Alors qu’aujourd’hui nous sommes incapables de nous extirper de nos difficultés industrielles, économiques, financières et fiscales, budgétaires, identitaires, migratoires, sécuritaires et bien sûr politiques. Jamais légende urbaine n’a été aussi vraie depuis qu’Olivier Clark un philosophe a rapproché l’histoire de la grenouille ébouillantée avec la psychologie humaine.
Finalement, Jean de la Fontaine avait mille fois raison de se servir des animaux dans ses fables pour instruire les hommes. La seule interrogation qui vaille, et pas seulement d’ordre métaphysique, est la suivante : Serons-nous capables d’en tirer les leçons avant qu’il ne soit trop tard, assez intelligents, volontaires et déterminés afin d’éviter la décadence promise ? Sommes-nous capables d’un sursaut comme au lendemain du désastre de 1940 ? That is the question, comme diraient les anglais. L’avenir nous le dira.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain

