La contraception (le planning familial) et la liberté-La démographie n’est pas un jeu-une histoire à comprendre pour sauver la femme-

« La femme soumise, elle ne devait que s’occuper du foyer et faire des enfants. A 30 une jeune française avait 8 enfants et quand on lui demande si elle en voulait encore elle répond non. Et on lui conseilla de se négliger pour éloigner son mari et ça a marché, quelle honte. Alors que les USA et l’Angleterre utilisaient les pilules la France et d’autres pays pensaient que cette introduction dans la vie allait dévergonder les mœurs. Beaucoup de souffrances à l’époque en France, une jeune fille il y 60 ans arrive chez ses parents et devant la porte leur annonce je suis enceinte, et le père qui lui dit alors prends la porte, cette dernière va se jeter à l’eau et disparait. Ce fait social a plongé les politiques et les religieux dans un profond émoi. Dans les pays africains la démographie n’est pas un enjeu alors qu’elle doit l’être pour gérer le présent et l’avenir. Nos femmes souffrent trop de maternités sans couverture médicale appropriée, absence de consultations prénatales, etc. Il faut savoir que les grossesses tuent beaucoup nos femmes en Afrique, surtout celles liées au mariages précoces. La religion dit des choses mais elle n’est pas responsable de nos actes chaque couple doit gérer sa sexualité et assumer ses conséquences : faire des enfants est un projet ». P B CISSOKO

Invention de la pilule contraceptive

En 1951, aux États-Unis, le Dr Gregory Pincus ouvre un centre de recherche en biologie pour travailler sur les hormones sexuelles. Cinq ans plus tard il met au point, avec son équipe, une combinaison de progestérone et d’œstrogène de synthèse (hormones féminines) : c’est la première pilule, baptisée Enovid. Il s’agit d’un médicament hormonal qui bloque l’ovulation. Testée à Porto Rico elle se révèle parfaitement efficace.

Cette découverte a été rendue possible grâce à ce chercheur, bien sûr, mais aussi à deux femmes : Katherine McCormick qui a consacré sa fortune à cette recherche, et Margaret Sanger, infirmière New Yorkaise, fondatrice du Planning Familial.

La pilule est commercialisée pour la première fois en Allemagne Fédérale dès 1956, avant même que la vente ne soit autorisée (en 1960) dans le pays de son invention, les États-Unis. Elle ne sera autorisée en France qu’en 1967.

En attendant les Françaises se débrouillent comme elles peuvent : abstinence, méthode Ogino, contrôle des températures, coït interrompu, et en cas d’échec… avortement clandestin. Les femmes qui avortent risquent non seulement la prison (loi de 1920, toujours en vigueur), mais également la stérilité, l’infirmité ou la mort suite aux conditions non hygiéniques dans lesquelles l’avortement a lieu.

http://8mars.info/invention-de-la-pilule-contraceptive

DE LA MATERNITÉ HEUREUSE AU PLANNING FAMILIAL

Vendredi, 17 Mars, 2006

L’organisation féministe a marqué cinquante ans de luttes pour la libération des femmes… et des hommes.

Grenoble, 8 mars 1956. Les statuts de l’association la Maternité heureuse, présidée par Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, sont déposés. Sous couvert de promouvoir la santé des femmes, cette association pratique une propagande totalement interdite : revendiquer le droit de contrôler les naissances. La France est alors sous le joug de la loi de 1920 qui « réprime la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle ». Le décalage entre cette législation et les pratiques privées est évident. La limitation des naissances existe depuis fort longtemps : coït interrompu, Ogino… Des méthodes précaires qui assurent le travail des faiseuses d’anges.

En 1960, la Maternité heureuse devient le Mouvement français pour le planning familial (MFPF). Plus qu’un changement de nom, c’est le signe d’une mutation profonde : le féminisme devient son projet politique. Un an plus tard, à Grenoble d’abord, puis à Paris, des centres d’accueil sont créés. Préservatifs, diaphragmes féminins, gelées spermicides et pilules contraceptives sont importés en contrebande. La loi de 1920 est ouvertement bafouée, mais le gouvernement laisse faire, dépassé par un mouvement bénéficiant d’un fort courant de sympathie. L’existence illégale du Planning permet de poser sur la place publique le débat de la légalisation du contrôle des naissances, qui suscite de fortes oppositions. Car parler de contrôle des naissances conduit très vite à parler du rôle des femmes dans la société. Avec la contraception, elles accèdent à un autre statut que celui de mère ou d’épouse. Plus révolutionnaire encore, dissocier la sexualité de la procréation conduit à parler du plaisir féminin, sujet tabou s’il en est.

Enfin, le 28 décembre 1967, après avoir repoussé onze propositions de loi successives en dix ans, l’Assemblée adopte la loi Neuwirth qui autorise la contraception. Le docteur Lagroua Weill-Hallé estime sa mission accomplie et démissionne du mouvement. Le MFPF se politise et devient « mouvement d’éducation populaire ». La lutte n’est pas terminée : l’avortement reste illégal. C’est la naissance du Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception (MLAC). Dans les centres d’orthogénie du Planning, on pratique les avortements clandestins. Enfin, après un débat houleux au Parlement, la loi Veil légalisant l’avortement est votée le 20 décembre 1974.

Marie Barbier

https://www.humanite.fr/node/346721

Pierre Simon, co-fondateur du planning familial et de l’ADMD

-Par Charles Vaugirard,

En ces temps où le législateur supprime la notion de détresse dans la loi sur l’IVG de 1975, il peut être pertinent de réfléchir aux origines de cette loi.

En effet, on présente souvent la loi Veil, dans le texte de 1975, comme une loi dépénalisant l’avortement dans le but d’éviter que les femmes en détresse n’aient recours aux faiseuses d’anges et autres avortoirs clandestins. Ce n’est pas faux, car le compromis qui a permis le vote du texte s’est construit sur cette notion. Mais il est bon de se pencher vers les écrits de ceux qui ont été la cheville ouvrière de cette loi. Or, une personnalité apparaît comme essentielle : le docteur Pierre Simon, médecin gynécologue très brillant, qui a fondé le mouvement français du Planning familial en 1960 et co-fondé l’association pour le droit de mourir dans la dignité en 1980. Engagé en politique au Parti Radical Valoisien 1, il a été membre de nombreux cabinets ministériels, dont celui de Simone Veil en 1975.

Pierre Simon relate son histoire dans son livre autobiographique “De la vie avant toute chose” publiée chez Mazarine en 1979.

Pierre Simon dans le texte

C’est ce livre que nous allons découvrir maintenant. Ce document est très intéressant car il nous éclaire sur les convictions et la démarche de son auteur. Mieux, il nous présente sa conception de la vie et ce qui a motivé ses travaux politiques pour la légalisation de la contraception, de l’avortement et de l’euthanasie. Et, surprise, nous voyons que la lutte contre les avortements clandestins n’est pas le seul argument qu’il avance pour justifier la loi sur l’IVG. Pierre Simon mentionne aussi… la lutte contre la prolifération des “tares génétiques”. Autrement dit l’eugénisme.

“De fait, longtemps, et dans les pays latins plus qu’ailleurs, la vie fut un don de Dieu dont elle procédait. La médecine officielle en arrivait à confondre déontologie et théologie, comme en France, où l’Ordre des médecins sert de porte-voix à l’Église. Un respect “absolu” -ou plutôt aveugle- de la vie se retourne contre lui-même et, ruiné par les moyens qu’il emploie, dévore ce qu’il entend préserver : la qualité de la vie, l’avenir de l’espèce. La prolifération des tares héréditaires et les avortements clandestins sont les fruits amers de ce fétichisme.” 2

Le raisonnement de Pierre Simon s’appuie sur une anthropologie originale, une conception de la vie entièrement nouvelle. Selon lui, la vie n’est pas quelque chose de reçu par une entité supérieure (Dieu ou la Nature), elle n’existe pas par elle-même… Son “concept de vie” est que celle-ci est un “matériau” dont les hommes ont la charge. Et quand il dit “les hommes” il entend par là la “société” au sens de corps social, de collectif.

“La vie est ce que les vivants en font : la culture la détermine. Sa trame n’est autre que le réseau des relations humaines. Le fil des jours la tisse. La culture n’est donc pas ce qui s’ajoute à la vie : le concept de vie mûrit en elle. Ainsi -mais ce n’est qu’un exemple- la façon dont les sociétés successives, à l’échelle de l’histoire, abordent des affaires aussi graves que l’avortement, suffit à rappeler la prééminence de la société sur l’individu. Ce n’est pas la mère seule, c’est la collectivité toute entière qui porte l’enfant en son sein. C’est elle qui décide s’il doit être engendré, s’il doit vivre ou mourir, quel est son rôle et son devenir.” 3

Et il précise :

“Cette vie qui nous vint si longtemps d’un souffle de Dieu posé sur notre argile, c’est comme un matériau qu’il faut la considérer désormais. Loin de l’idolâtrer, il faut la gérer comme un patrimoine que nous avons longuement, patiemment, rassemblé, un héritage venu du fond des millénaires, dont nous avons, un instant, la garde. Telle est à mes yeux la seule façon d’aimer vraiment la vie et de la partager avec les hommes, mes frères. Une richesse, cette vie, confiée à la garde de l’espèce, comme les forêts, les océans, les rivières, mais avec ceci de singulier que chacun d’entre nous en est le véhicule : cette charge de vie a son corollaire ; veiller à ce que le matériau ne se dégrade pas. Ce serait nous dégrader nous-mêmes et ruiner l’espèce. 4

 

Veiller à ce que le “matériau” ne se dégrade pas afin de ne pas ruiner l’espèce… Pour y parvenir, il faut donc éviter la “prolifération des tares héréditaires”, comme il le dit. Mais comment ? Pierre Simon est le défenseur du contrôle des naissances, afin de maîtriser pleinement la vie. Selon lui, le contrôle de naissance comprend, en un seul paquet, l’éducation sexuelle dès l’école, la contraception, l’avortement, l’insémination artificielle 5, et la fin de la perception négative de l’avortement (qui selon lui culpabilise les femmes). Bref il appelle à poursuivre le changement de société initié par le progrès technique et la “pilule”.

La conséquence du contrôle des naissances est donc une maîtrise totale du vivant qui permet une hausse de la qualité de vie, sans personnes handicapées, sans maladies génétiques et avec une sexualité totalement libérée et coupée de la procréation. Et bien sûr, le bébé viendrait au bon moment, c’est-à-dire dès qu’il est désiré.

“La contraception a donc un triple rôle à jouer. En premier lieu, la préservation du patrimoine génétique, propriété de tous les humains, Français, Européens, ou citoyens du monde, et dont nous sommes comptables pour le présent, responsables pour l’avenir. Bloquer la transmission des tares héréditaires transmissibles connues, c’est un devoir d’espèce. Le second rôle est la gestion qualitative de la vie ; la santé est devenue propriété collective. Nous cotisons à la Sécurité sociale pour la qualité de la vie et la santé de la collectivité. Chacun est solidaire de tous. Le troisième rôle de la contraception est la modulation du nouveau schéma de la famille.” 6

Mais ce “Meilleur des mondes” 7 est au prix de la mort des foetus et des nourrissons handicapés dont le caractère humain est nié :

“Bien accoucher, c’était un progrès ; mettre au monde des enfants non handicapés, c’est cela donner la vie.” 8

Il a ces propos très inquiétants : sa négation de la qualité d’être humain du bébé handicapé va jusqu’à le pousser à justifier l’infanticide, qu’il nomme “euthanasie” du nourrisson.

“Si les manipulations de la molécule d’A.D.N. et l’insémination peuvent concourir à un résultat bénéfique pour la société, et pourront permettre entre autres l’élimination systématique des défauts congénitaux, quelle peut être notre attitude en face d’un désastre de la nature au moment de son irruption dans la vie ? J’ai participé à nombre de colloques sur le choix de l’heure de la mort mais, qui dispose du choix de laisser entamer un processus vital à un être lourdement handicapé au départ ?

 

Quand on fait profession d’accoucher les femmes, d’être ainsi aux sources mêmes de l’aventure humaine, c’est un moment de dramatique interrogation que celui où l’on a saisi dans ses mains le fruit erroné d’une conception qui respire cependant et dont le coeur bat. Qu’est-ce alors gérer la vie, ces mots ont-ils encore un sens ?” 9

 

Il poursuit son questionnement sur le fait de laisser vivre un bébé handicapé :

“Tout comme l’avortement, c’est vers la définition de la vie, évoquée au début de cet ouvrage, qu’il faut se tourner. Cette définition repose en définitive, sur la possibilité de faire franchir les limites du monde primitif au biologique pour parvenir au plein épanouissement de ses possibilités. Regardons les choses en face : un mongolien entre-t-il dans ce cadre ? 10

Question qui fait froid dans le dos : sa définition de la vie le pousse à s’interroger sur la nature d’être pleinement vivant d’un trisomique. Il continue en enfonçant un peu plus, mais très insinueusement, le clou :

L’euthanasie procède d’une démarche qui ne s’admet pas sans heurts. Les solutions que nous fournit la morale traditionnelle ne peuvent pourtant plus nous contenter. Elles reposent sur une sacralisation du principe de vie, dont l’essence est superstitieuse et la démarche fétichiste.” 11

Et si la “sacralisation du principe de vie” n’était pas plutôt une démarche de prudence et aussi d’amour envers l’enfant et non un fétichisme ? Pierre Simon poursuit plus loin en justifiant l’euthanasie par un désir de la mère :

“L’euthanasie est souvent l’objet d’une demande très profonde des parents, des mères surtout. Certaines, angoissées devant leur grossesse, n’ont de cesse qu’elles ne nous arrachent cette promesse : ne pas laisser vivre un enfant qui soit anormal sans remède possible. Paradoxe de notre fonction d’obstétricien, dans ce cas précis : laisser mourir n’est-ce pas préserver la vie ? 12

Mais la vie se limite-t-elle à la qualité de vie des biens portants ? N’est-elle pas un don reçu, et dans le cas d’une personne handicapée, un appel à aimer cette personne ?

Et surtout, qui peut juger qu’un enfant doit vivre ou mourir ? Qui peut prendre cette décision irréversible aux conséquences gravissimes ? Donner à “la société” un tel pouvoir revient à donner à cette société, et donc à l’Etat, un pouvoir sans limite sur les personnes. Peut-on ainsi juger d’une vie ? 13

Peut-on défendre un projet de société totalitaire qui ne serait qu’au service des plus forts, des biens portants et qui nierait la qualité d’être vivant aux plus fragiles ? Mais aussi, peut-on construire une société sur une succession de mensonges : négation du caractère humain des plus faibles, déni de la souffrance de la femme qui avorte… L’avortement “de confort” n’existe pas, car une IVG est toujours une souffrance, a fortiori quand celle-ci est forcée par l’entourage (souvent le compagnon). Mais aussi quand la société nie cette souffrance en faisant de cet acte un “soin” ordinaire et une liberté fondamentale de la femme.

Le monde rêvé par Pierre Simon est une société de plaisir et d’opulence bâti sur l’extermination des plus faibles. Une société eugénique où la science, la technique ne servent pas à guérir les malades mais à protéger les biens portants des plus fragiles. 14 En 1980 15, Pierre Simon cofonde, avec Michel Lee Landa, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui milite pour l’euthanasie et le suicide assisté. L’ADMD défend surtout l’euthanasie des personnes adultes. Elle ne parle pas de l’euthanasie des nourrissons, sans doute trop choquante pour l’opinion publique. Néanmoins, sa succursale belge défend l’euthanasie des mineurs, qui est actuellement à l’étude au Parlement belge. Ce qui démontre bien que les idées de Pierre Simon sont toujours bien présentes dans les organisations qu’il a fondé.

L’idéologie de Pierre Simon : eugénisme et tentation prométhéenne

A travers ce livre autobiographique nous observons la genèse des lois sur la contraception et l’avortement, nous voyons l’origine du planning familial et de l’ADMD. Ce document nous présente bien que ce qui a motivé la loi Veil n’est pas seulement le problème des avortements clandestins et la détresse des femmes enceintes livrées à elle-même : c’est surtout une idéologie eugéniste. Sachant cela, de telles lois peuvent-elles encore être défendues ? Connaissant les idées et le but de leur fondateur, des structures comme le planning familial et l’ADMD peuvent-elles encore avoir des missions de services publics et des agréments pour représenter les usagers de santé auprès des instances hospitalières ? L’Etat peut-il ainsi considérer comme des partenaires des organisations construites sur une telle vision de la vie ?

L’étude de l’idéologie à l’origine du drame de l’avortement, et bientôt de l’euthanasie, démontre que défendre la vie, face à ces lois, n’est pas anodin. Choisir de défendre la vie humaine, de protéger le plus faible, est un choix de société. Quelle société voulons-nous ? C’est la question qui nous est posée devant la multiplication, et l’extension, de ces lois morbides.

Pierre Simon conclu son livre par ces phrases terrifiantes :

“Prométhée est ainsi revenu, mais il ne s’est plus contenté de nous apporter le feu : c’est de tous ses pouvoirs qu’il a dépossédé Zeus, et fait cadeau aux hommes. Il s’agit donc pour nous d’une liberté à conquérir. La nécessité pour l’homme de véhiculer un matériel héréditaire ne suffit pas à entraver le cours ultérieur de la Vie, et donc la conquête rationnelle de son autonomie.” 16

Pierre Simon voit dans la science une manière pour l’homme de devenir Dieu et ainsi de conquérir une nouvelle liberté, l’autonomie. Dégagé de l’entrave de son “matériel héréditaire” par l’eugénisme et les manipulations génétiques, l’homme nouveau sera un nouveau Dieu grâce au cadeau offert par la technique Prométhéenne.

L’histoire nous a enseigné que toutes les idéologies construisant des hommes nouveaux par des moyens humains ont conduit à des carnages. Les tentations Prométhéennes, le désir de se croire comme des dieux, ne mènent qu’à la mort. L’idéologie eugéniste de Pierre Simon ne fait pas exception et les morts sont déjà là.

Charles Vaugirard