Face à une guerre sainte  Sylviane Agacinski –ed seuil

« Un ouvrage de pensée, un ouvrage sulfureux qui bouscule les idées reçues et convoque l’histoire ante islamique et la théologie chrétienne. Toute personne qui voudrait lire cet ouvrage avec des clichés, ne comprendras Rien. Lire pour s’éclairer et mesurer sa capaciter a entendre l’autre le différent » P B CISSOKO

 

Avec ce livre sur une guerre sainte qui a durement frappé la France, Sylviane Agacinski inscrit sa réflexion dans le temps long de l’histoire des religions et des relations entre le religieux et le politique.
La France d’aujourd’hui, dit-elle, n’a pas un problème avec l’islam ni avec les musulmans mais bien avec le jihad armé et la montée des islamismes qui placent une « loi divine » intangible à l’abri des interprétations et au-dessus des lois humaines. La philosophe met ainsi en cause le concept politique d’islamophobie…

Sylviane Agacinski : une philosophe face à l’islamisme28 Minutes (29/10/2022)

Sylviane Agacinski : «Le voilement n’est rien d’autre qu’une pratique sexiste»

Compilations

 

Philosophe, élève de Gilles Deleuze et Jacques Derrida, Sylviane Agacinski s’attaque au prosélytisme islamiste dans “Face à une guerre Sainte”, publié aux éditions du Seuil. À travers une rétrospective des courants religieux, elle aborde de nombreuses questions épineuses, dont celle du port du voile, auquel elle est fermement opposée.

Sylviane Agacinski, philosophe et auteure de « Face à une guerre sainte » aux éditions du Seuil, répond aux questions de Sonia Mabrouk.

Invité(s) : Sylviane Agacinski, philosophe et auteure de « Face à une guerre sainte » aux éditions du Seuil


SONIA MABROUK
L’entretien

 «Le voile est le drapeau des islamistes», observe la philosophe Sylviane Agacinski

Laura Laplaud 08h40, le 24 novembre 2022, modifié à 10h01, le 24 novembre 2022

La philosophe Sylviane Agacinski publie aux éditions du Seuil, « Face à une guerre sainte ». À travers une rétrospective des courants religieux, elle aborde de nombreuses questions sociétales comme celle du port du voile, auquel elle est fermement opposée. L’auteure est revenue sur le sujet au micro de Sonia Mabrouk ce jeudi.

« Ce sont les hommes qui voilent les femmes, ce ne sont pas les femmes qui veulent se voiler », a déclaré la philosophe Sylviane Agacinski, invitée d’Europe Matin jeudi. Dans son livre Face à une guerre sainte publié aux éditions du Seuil, Sylviane Agacinski interroge sur l’histoire du religieux et du rapport des religions entre elles. La « guerre sainte » est une guerre tournée contre le monde occidental mais aussi contre les musulmans, affirme-t-elle, dont elle rappelle qu’ils sont dans le monde les premières victimes.

La culture du rideau

La philosophe insiste sur un point : il ne faut pas seulement analyser l’islamisme via la tenue vestimentaire ou le port du foulard, mais comme une culture de l’exclusion, de l’inégalité et de la discrimination des femmes. « Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’un vêtement mais d’une pratique sociale du voilement », a-t-elle observé.

« J’ai travaillé très longtemps sur la question du rapport homme-femme, dans la philosophie, dans la théologie et je connais bien le voile chrétien romain, le voile chrétien Tertullien, le voile qui était en Arabie, le voile islamique et le voile indo-pakistanais que j’appelle la culture du rideau parce que ‘hijab’, ça veut aussi dire rideau », a détaillé l’auteure au micro d’Europe 1 avant de définir la « culture du rideau ». « C’est la culture de séparation des hommes et des femmes. Les femmes étant considérées comme dangereuses pour les hommes, source de désir, de concupiscence. Les hommes ne doivent donc pas voir les femmes, elles doivent être séparées. »

Le voile, « un emblème politico-religieux »

Dans son livre, Sylviane Agacinski constate que le thème de la liberté individuelle a été lancé par les islamistes eux-mêmes. Les islamistes affirment qu’il faut arrêter de dire que les femmes portent le voile pour des raisons religieuses mais qu’il faut dire qu’elles le portent par choix, souligne-t-elle dans son livre Face à une guerre sainte. « Évidemment, un certain nombre de gens sont tombés dans le panneau mais le sujet est assez mal vu parce qu’on a trop traité le sujet du voile du point de vue de la simple laïcité, c’est-à-dire d’un signe religieux. Ce que j’essaye d’expliquer dans ce livre c’est que c’est un emblème politico-religieux, l’emblème d’une doctrine qui veut prôner le slogan des Frères musulmans [qui est] « le Coran est notre constitution », a-t-elle relaté.

« Il s’agit au fond de réislamiser les sociétés et cela passe par le voile. Disons-le pour résumer, le voile est le drapeau des islamistes et pas autre chose, si bien qu’il doit être traité comme un signe politico-religieux et pas simplement religieux », a-t-elle exposé.

La philosophe Sylviane Agacinski dévoile ses griefs contre l’islamisme

Dans son dernier ouvrage, « Face à une guerre sainte », la philosophe apporte son expertise sur cette question brûlante. Sans éviter les questions qui fâchent – notamment à gauche.

 

Vous citez l’écrivain Samuel Huntington, auteur du « Choc des civilisations » – l’un des livres de chevet d’Éric Zemmour – qui estime que les conflits à venir opposeront des peuples de culture différente. Vous partagez son analyse?

Huntington a souvent été caricaturé. Mais il a vu juste, dès les années quatre-vingt-dix, en soulignant l’ampleur de la résurgence du fait religieux dans le monde. Au demeurant, le jihad traverse avant tout la civilisation islamique de l’intérieur. Les conflits armés restent d’ordre territorial et national, comme la guerre en Ukraine ou même, à l’origine, le conflit israélo-palestinien. On peut néanmoins être frappé par l’alliance des nationalismes avec les courants…

In lacroix

Alors que le ministère de l’éducation a annoncé, mercredi 9 novembre, 720 signalements pour des atteintes à la laïcité recensés au mois d’octobre – plus du double par rapport à septembre – la philosophe Sylviane Agacinski aborde, dans son livre Face à une guerre sainte (éditions Le Seuil), les défis de l’intégration de l’islam dans le cadre européen.

« La Croix : Comment justifier l’emploi de l’expression guerre sainte dans le titre de votre livre?

Sylviane Agacinski : J’ai cherché le terme exact pour sortir des euphémismes : certes, la formule guerre sainte désigne d’abord les anciennes croisades pour délivrer le Saint-Sépulcre – mais elle traduit aussi le mot arabe djihad. Ce combat se présente aujourd’hui comme une contre-croisade menée contre les chrétiens, les juifs, les mécréants et les musulmans apostats.

Celui qui meurt ou tue au nom d’Allah se revendique comme le soldat d’une guerre sainte. Je me suis mise à l’école des spécialistes pour esquisser une description des islamismes fondamentalistes, politiques ou guerriers. Tous ces derniers rejettent l’histoire de l’islam et le rôle de l’interprétation pour imposer un retour à un islam « originaire » et ultra-intégriste.

Pensez-vous comme certains que la non-séparation entre politique et religion est consubstantielle à l’islam ?

Je ne tranche pas cette question-là. Il n’existe pas un islam mais des islams qui ont évolué avec les contextes historiques régionaux et nationaux. C’est pourquoi une forme d’islam européen est possible. Observons aussi que, dans l’histoire du monde islamique, l’exercice du pouvoir politique souverain ne coïncide pas complètement avec le pouvoir religieux, sauf du temps du Prophète lui-même. En revanche, le pouvoir de légiférer, surtout en droit civil et familial, est toujours tributaire des principes religieux tels que les érudits les tirent du Coran et de la Sunna.

Vous croyez une intégration possible de l’islam mais vous êtes en revanche très critique sur le terme de société multiculturelle. Pourquoi ?

Tout dépend de ce que l’on entend par culture. Au sens courant mais faible, elle désigne le monde de « la vie culturelle », celui des arts et des littératures. Il est alors facile d’admettre l’interaction fructueuse et mondiale des formes culturelles. Au sens fort, la culture d’un peuple ou d’une vaste « aire culturelle » désigne un ensemble de traits plus profonds, par exemple des représentations du monde et de l’homme, des croyances, des mœurs, des principes éthiques, juridiques et politiques.

La culture est proche alors de l’idée de civilisation (comme le mot allemand Kultur). En ce sens, dans une société, les principes fondateurs de sa culture ne sont pas toujours compatibles avec d’autres cultures : on respecte ou non la démocratie ; on respecte ou non la personne humaine et son corps – ce qui exclut par exemple l’excision des petites filles ou encore l’achat de la maternité ou du sang humain. Eh bien, une culture religieuse qui instaure une inégalité entre hommes et femmes n’est pas compatible avec notre culture juridique.

Pourquoi le voile pose-t-il selon vous un défi à notre civilisation européenne ?

Parce qu’il ne s’agit pas d’un simple fichu mais d’une très ancienne pratique sociale, à savoir le voilement des femmes, toujours lié à l’autorité masculine et à la mise sous tutelle des femmes. Ce voilement existait bien avant l’islam, en Arabie et en Perse. En Inde, il se rattachait à une culture du « rideau », le purdah, selon laquelle les hommes ne doivent pas voir les femmes afin qu’elles ne provoquent pas chez eux de désirs illicites.

Alors que les féministes arabes commençaient à lutter pour leur liberté et contre le voile, il est devenu dans les années 1950 un symbole de la culture musulmane pour des peuples colonisés, en particulier en Algérie. À partir de la fin des années 1980 (l’affaire des foulards de Creil, dans l’Oise, date de 1989, NDLR), le port du voile s’est répandu en France en tant que drapeau des mouvances islamistes : hijab des Frères musulmans, ou niqab des salafistes…

Certaines féministes défendent pourtant les femmes voilées au nom de leur liberté…

Ce sont les islamistes eux-mêmes qui ont recommandé de traiter désormais la question du voile non plus comme une obligation religieuse mais du point de vue du « droit des femmes à choisir ». C’est une stratégie juridique. En réalité, le voilement n’est rien d’autre qu’une pratique sexiste, discriminatoire et solidaire d’un regain du Patriarcat porté par les islamismes.

La loi de 2004 contre le voile à l’école et celle de 2010, qui interdit de cacher le visage, rappellent à tous que les hommes et les femmes ont les mêmes droits. Aucune culture religieuse, en France, ne peut imposer une mise sous tutelle des femmes. Ce sexisme est inadmissible, comme le racisme.Que diriez-vous du mouvement #MeToo ?S. A. : Ce mouvement fait partie des fortes vagues qui forment la grande marée féministe. Mais il est illusoire de croire qu’on viendra à bout des violences sexuelles et sexistes si l’on ne s’attaque pas à l’industrie de la pornographie qui prend aujourd’hui des formes immondes et qui véhicule sur le Net une véritable culture du viol.

Que vous inspire l’actualité iranienne ?

Cette actualité me donne l’occasion de rendre hommage à ces pionnières du féminisme arabe qui se dévoilèrent publiquement, comme l’Égyptienne Huda Sharawi, dès 1923. Mais surtout, cette révolte formidablement courageuse des femmes iraniennes face à la brutalité meurtrière de la répression policière pourrait bien changer l’avenir de l’Iran, et déjà changer le regard des musulmanes vivant en Europe sur les mouvances islamistes.

Le livre La philosophe est l’autrice d’une réflexion érudite sur le corps et la sexualité qui l’ont notamment fait remonter aux sources du christianisme. « Face à une guerre sainte » (Le Seuil, 182 p., 18 €) est un projet bien différent, un rigoureux effort de synthèse et de pédagogie pour dresser un tableau de la nébuleuse islamiste et envisager les défis de l’intégration de l’islam dans le cadre européen.

Le contexte Sylviane Agacinski, féministe et universaliste, aborde de front des sujets d’actualité qu’il s’agisse du port du voile, des caricatures de Mohammed ou de la société multiculturelle. Le ton n’est jamais polémique mais les positions de l’autrice sont claires et tranchées, pour nourrir les débats de fond.

Source la-croix