Le philosophe ghanéen Kwame Gyekye milite pour l’émergence d’une philosophie africaine à part entière, qui puiserait ses sources dans la pensée de sages africains anonymes.
Il existe, dans la philosophie africaine, un débat autour de l‘ “ethnophilosophie”. De quoi s’agit-il ?
KWAME GYEKYE Un certain nombre de savants et de philosophes qualifient d‘ “ethnophilosophie” les réflexions philosophiques issues du milieu africain traditionnel, suggérant que cette pensée est née d’une collectivité. Pour ma part, je considère que la pensée est toujours une entreprise individuelle. S’il a existé une pensée philosophique africaine dans le passé, elle est le fruit d’individus. Mais, faute de témoignages écrits, il est impossible de déterminer la part issue d’un travail intellectuel individuel ; les idées ont donc l’air de surgir d’un pot commun. Mais on imagine mal un chef de tribu convoquer ses ouailles et leur tenir ces propos : Décidons maintenant quel sera notre concept d’âme.
A quoi sert l’écrit en philosophie ?
L’absence de sources écrites est l’une des raisons principales qui incitent à nier l’existence d’une philosophie en Afrique. Si je parle de la philosophie de l’ethnie akan, en Afrique de l’Ouest, on me rétorque : où sont les textes ? Mais, que je sache, personne ne conteste à Socrate le rang de philosophe même s’il n’a pas légué une seule ligne à la postérité. Cela dit, bien que ce ne soit pas une condition préalable à l’activité philosophique, je considère quand même qu’il vaut mieux pouvoir coucher son produit par écrit.
Vous déclarez faire de la “philosophie akan”. Qu’est-ce que cela signifie ?
Le concept de “philosophie akan” ne prétend pas au rassemblement des suite dans courrier international
- LA PHILOSOPHIE DE L’ÉDUCATION DE NKRUMAH
Toute la politique africaine de l’éducation formelle et informelle de Nkrumah est fondée sur sa philosophie africaine de 8 9 l’éducation. Il est très difficile de comprendre sa politique dans 10 ce domaine sans passer par sa philosophie de l’éducation résumée Nkrumah, Kwame (1963). Africa Must Unite. Frederick A. Praegger, Publisher, 7 New York « La fin de l’administration coloniale au Ghana nous a laissé, en outre, un faible niveau d’éducation parmi la majeure partie de notre peuple, et aucun système d’éducation universelle.
Un tel public est une proie facile pour des politiciens peu scrupuleux. » p. 72.
Selon Nkrumah, un peuple avec un faible niveau d’éducation est une proie facile pour des politiciens démagogues. Cette assertion s’applique aussi face aux exploitants étrangers qui viennent piller les richesses d’un peuple ignorant. Elever le niveau de l’éducation dans toute l’Afrique est une priorité pour le développement des États africains. FrehiwotAdeze’
PHILOSOPHIQUE BANTU, Septembre 2020, n° 03 dans deux articles publiées aux USA. Il suffit d’étudier ses deux articles édités en 1941 et 1942 , pour réaliser la pertinence des analyses de Nkrumah et de ses critiques constructives de la pratique de l’éducation dans les sociétés africaines pré-coloniales et coloniales.
Ses analyses pointent vers une recherche objective et rigoureuse des principes d’élaboration des programmes d’une éducation appropriée à chaque contexte socioculturel. Il posa ainsi les bases d’une véritable prospective africaine de l’éducation, visant par une approche holistique, à préparer le futur de l’être humain apprenant pour être utile à sa société et contribuer à l’humanisation effective du monde.
- LA PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE DE L’ÉDUCATION EN AFRIQUE Le premier texte est un article de six pages publiés au mois de janvier en 1941 dans le numéro 2 du volume XV de la revue Educational Outlook de l’École de l’Éducation de l’Université de Pennsylvanie, dans l’État de Philadelphie, sous le titre de: PRIMITIVE EDUCATION IN WEST AFRICA. Dans sa brève introduction, Nkrumah commence par préciser que le but de l’Éducation, selon le Professeur Arthur J. Jones dans son livre intitulé Principles of Guidance
- , « est de préparer l’individu à une participation efficace aux activités de la vie.
- En d’autres Nkrumah N., Francis (1941).. La problématique des révisions constitutionnelles en Afrique 15 mots, l’éducation doit conduire l’individu vers la relation la plus élevée, la plus complète et la plus fructueuse avec la culture et les idéaux dans la société dans laquelle il se trouve lui-même, le préparant ainsi au combat de la vie. » Tel est le principe téléologique qui détermine la valeur de tout système d’éducation.
Partant de ce but universel de l’éducation, Nkrumah examine ce qu’il appelle « The Philosophy of Primitive West African Education », pour dégager sa perspective, son processus, ses programmes non-formels et formels, ainsi que sa prospective l’orientant vers le futur. Selon Nkrumah, la philosophie de l’éducation primitive west africaine pointait vers une seule chose : la tentative des adultes de guider la génération future dans les pratiques, les habitudes et les idéaux qu’ils ont eux-mêmes appris.
Il s’agissait d’adapter l’individu aux mœurs et aux lois de la société.
L’éducation pour l’enfant africain ne consistait pas d’abord à la réception de la connaissance, mais plutôt à un processus d’intégration continuelle à l’environnement.
Ce qui impliquait l’initiation morale, à la loyauté au clan, à la tribu, à la famille, et aux esprits des ancêtres. En Afrique traditionnelle, l’éducation commençait dès la naissance de l’enfant par la cérémonie de consécration de tout nouveau-né .
Puis elle se poursuivait dans la petite enfance par 14 l’acquisition des réflexes conditionnés et des habitudes sociales pour l’intégration harmonieuse dans le système social.
« Selon les investigations et les expériences des chercheurs tels que Mobius, Thorndike, Yerkes, Sackett, et Keeler, dans le domaine de la psychologie d’apprentissage, nous connaissons que l’apprentissage est un processus lent et graduel. L’esprit primitif westafricain avait compris ce fait il y a longtemps –
c’est pourquoi l’éducation de l’enfant commence très tôt dans sa vie . »
Du berceau à cinq 15 ans, l’enfant ne recevait pas une éducation formelle. Cependant, la méthode de nursing et de prise en charge de l’enfant reposait sur certaines philosophies primitives fondamentales de l’éducation , pour poser une fondation morale et spirituelle solide, indis 16 – pensable pour la formation d’un individu utile à la société.
L’éducation d’un enfant était largement un processus d’acquisition des réflexes conditionnés, ainsi que des réflexes d’associations et de systèmes conditionnés que nous appelons habitudes17
. L’enfant grandissait en apprenant. Il était soigneusement observé par les adultes qui veillaient à ce qu’il ne contracte pas de mauvaises habitudes. Il apprenait à bien marcher et à bien parler en utilisant les mots qu’il faut. Aucune injure ni blasphème ne pouvait sortir de sa bouche. Il devait garder sa langue dans sa bouche, au lieu de la tirer à l’extérieur, ce qui était considéré comme un signe d’imbécilité ou d’idiotie18.
Quand il devenait capable de sortir de la maison et d’aller jouer à l’extérieur, sa mère devait se charger de lui trouver de bons amis de jeu avec qui il poursuivait son apprentissage en pratiquant des jeux éducatifs, en écoutant des comptes du village et en observant la nature.
La petite fille commençait à apprendre très tôt l’art de prendre soin de la famille. Elle restait souvent avec sa mère à la maison et allait aux champs travailler à ses côtés. Même ses jeux d’enfance l’orientaient vers la responsabilité familiale. De six ans à l’adolescence, l’enfant apprenait par l’observation à travailler, à mieux s’organiser et à vivre en relation avec les autres.
Le jeune garçon accompagnait son père au champ, à la ferme ou à l’atelier où il apprenait progressivement un métier.
La problématique des révisions constitutionnelles en Afrique 17 Tandis que la jeune fille apprenait les travaux ménagers auprès de sa mère. Le père enseignait à son fils les différents noms des herbes. Certains s’initiaient ainsi à la phytothérapie et finissait à maîtriser l’art de soigner les malades avec des plantes. Les sociétés traditionnelles africaines donnaient une formation complète et équilibrée aux jeunes.
Cette formation était à la fois morale, intellectuelle et pratique. Voici la synthèse des différents domaines d’enseignement dans le système d’éducation traditionnelle, selon KwameNkrumah:« L’entraînement moral comprenait la punition physique pour la méchanceté. Un enfant était battu pour avoir menti ou volé.
Les mères aimaient que les enfants versent des larmes lorsqu’on leur faisait des reproches. Cela était considéré comme un signe de sensibilité. La mère assurait l’entraînement mental de la fille Nzima(la tribu de Nkrumah).
L’arithmétique était enseignée par des jeux de comptage, souvent d’une complexité considérable. L’enfant n’utilisait pas les nombres sans les représenter avec des objets concrets. Il utilisait des fruits ou des graines pour compter, et appeler ces fruits et graines ses enfants.
Les tribus primitives n’avaient pas de système approprié de lecture et d’écriture, mais elles faisaient des tatouages ou des motifs magiques sur des objets culturels, ou faisaient des encoches sur les écorces des arbres.
Cela leur permettait de lire les marques tribales et d’enregistrer les transactions de ferme et de pâturage.
De nombreuses leçons étaient enseignées à travers des contes populaires récités autour des feux de hutte la nuit, ou à travers des proverbes, des maximes ou des énigmes.
La plupart des filles recevait une formation musicale dès leur enfance. On leur apprenait à chanter et à apprécier la musique19. » Filles et garçons suivaient l’éducation à la vie au sein de la famille, de la tribu et du clan.
Chez les Nzima, toutes les filles pratiquaient l’artisanat avec des poupées faites des bois sculptés.
Ces poupées étaient appelées des enfants par les filles qui les sur leurs dos comme des vrais bébés. Il y avait même une cérémonie pour nommer les poupées et quand une fille brisait la poupée d’une autre fille, c’était grave. Les jeunes filles s’initiaient ainsi à la maternité.
Leurs tâches quotidiennes étaient de laver et d’habiller les bébés, et de les garder propres et tranquilles. En plus d’apprendre à être un jour des mères des familles, les filles se donnaient à l’étude de la nature. La fille devait nommer chaque oiseau et animal de la forêt, et étudier l’histoire des plantes comestibles et des insectes qui empêchaient leur croissance.
À l’âge de quatre ou cinq ans, on lui apprenait à décortiquer les arachides, à piler le maïs et à porter de l’eau en ébullition. Plus tard, elle apprenait la poterie et la vannerie en réalisant de très petites éditions des articles fabriqués par sa mère. Ainsi, la fille africaine suivait inconsciemment la méthode d’apprentissage par la vie . 20 À l’adolescence, le jeune garçon entrait à l’école d’initiation aux secrets de la vie. On y pratiquait la circoncision avant que le candidat ne s’initie aux mystères de la tribu, du clan et de la famille.
Le PORO, école d’initiation, était dirigé par les chefs de famille, de clan et de la tribu. Ces initiateurs agissaient comme des parents pour les jeunes. La période d’initiation variait de deux mois à une année ou plus selon les capacités du garçon à absorber les enseignements de la société initiatique. Les sociétés secrètes avaient leurs quartiers généraux dans la campagne où une portion de la forêt était mise à part pour leur enseignement et d’autres activités. Parfois, les chefs inauguraient et faisaient les écoles d’initiation.
Chaque jeune homme était confié à un tuteur après son admission avec des sacrifices aux esprits des ancêtres. En plus des arts et techniques que le jeune apprenait, on l’initiait aux mystères de la nature, de la vie tribale, de l’histoire humaine, de la tradition, Ibidem, p. 92. 20
La problématique des révisions constitutionnelles en Afrique 19 de la guerre, de l’astronomie . Il apprenait aussi les arts militaire 21 et musical, ainsi que les techniques de construction des maisons. Il graduait de cette école de la vie après une période d’entrainement rigoureux.
La dernière phase de cette formation consistait à démontrer devant les adultes la maîtrise de tout ce qu’on avait appris par expérience et par cœur. La réussite à l’examen de passage faisait du jeune un leader et un responsable dans la tribu, capable d’aller combattre victorieusement dans le monde . 22 Les filles adolescentes Nzima, de l’Afrique de l’Ouest, devaient passer leur initiation dans le BUNDU. Elles y apprenaient des mystères qu’elles ne pouvaient révéler.
La société initiatique BUNDU existe encore aujourd’hui au Ghana, en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone et au Liberia.
« Les femmes sont assurées du respect en tant qu’épouses, procréatrices et éleveuses d’enfants par les lois traditionnelles de Bundu, ces lois étant contraignantes pour tous les adultes, hommes et femmes, initiés et non-initiés.23 »
« Les femmes BUNDU ont le droit d’infliger des amendes aux hommes ou aux femmes qui enfreignent alors les lois de la société secrète, et de traiter les délinquants pour toute maladie qui pourrait résulter de leurs transgressions. Le manque de respect envers les femmes offense non seulement les vivants, mais aussi les ancêtres, qui sont la source ultime de toutes les lois de la société secrète et de toutes les bénédictions.
Pendant l’initiation, les jeunes filles BUNDU apprenaient tout ce qui était nécessaire pour l’économie tribale et la vie d’une femme. Elles prenaient un nouveau nom et étaient initiées aux secrets qu’elles devaient garder pendant toute leur existence.
Car aucun de ces mystères ne devaient être dévoilé aux noninitiés24
Jadis société très secrète, le BUNDU semble se transformer en une société féministe enracinée dans les traditions africaines, abandonnant progressivement la pratique de l’excision. C’est pendant l’initiation de BUNDU que les femmes prennent conscience de leur propre identité et de leur valeur au sein de la société. L’initiation BUNDU leur apprend comment résister à la violence masculine et vivre dignement dans la famille, le clan et le monde.
Les femmes Bundu étaient très engagées dans le parti politique de Nkrumah, avant, pendant et après l’indépendance du Ghana.
L’analyse de ces deux écoles traditionnelles, le PORO pour les garçons et le BUNDU pour les filles, conduit Nkrumah à conclure que l’éducation dans la société traditionnelle donnait une préparation efficiente pour les activités de la vie.
Elle réalisait ainsi son but en préparant les individus, hommes et femmes, à participer efficacement à la vie de leur société. Mais selon Nkrumah, la faiblesse de l’éducation traditionnelle réside dans le fait qu’elle est, dans une certaine mesure, enveloppée de superstition.