De l’amnistie à l’impunité : autopsie d’un glissement démocratique

De 2021 à 2024, le peuple sénégalais a connu des soubresauts sans précédent dans son histoire. Une vaste entreprise de conspiration, orchestrée par des forces obscures et dangereuses, a pris l’État au dépourvu, compromettant la sécurité nationale et la paix publique. La guérilla, transposée au cœur des grands centres urbains, a surpris plus d’un — des services de renseignement aux forces de défense et de sécurité, en passant par les observateurs avertis. La République a vacillé, frôlant même son propre déclin.

Le Sénégal ne doit son salut qu’à la bravoure, au professionnalisme et au sens élevé des responsabilités de ses forces de l’ordre. Les pilleurs, les fauteurs de troubles et les fabricants de cocktails Molotov ont été neutralisés, avant que le président Macky Sall, dans un geste d’apaisement et de réconciliation nationale, ne fasse voter une loi d’amnistie. Ce texte visait à calmer le front social dans un pays profondément divisé et fragilisé.

Mais grande fut la surprise des juristes, des démocrates et des patriotes, lorsqu’un novice en droit tenta de faire passer une prétendue loi d’interprétation. Or, interpréter signifie soit qu’on n’a pas compris, soit qu’on veut déformer, en attribuant un sens unique, souvent partisan, à un texte censé être universel. Il n’était question que de cela.

Cette manœuvre a permis aux instigateurs des troubles d’être libérés, puis de solliciter les suffrages du peuple. Le régime actuel, qui promettait hier l’abrogation de cette loi, l’a aujourd’hui interprétée à sa manière, la remodelant selon ses intérêts. Profitant d’une majorité mécanique, dénuée de discernement et de foi républicaine, il a vidé la loi de toute portée pouvant, demain, lui être défavorable.

Jamais l’Assemblée nationale n’avait sombré dans un débat aussi indigne, centré sur des futilités dignes des caniveaux et des bornes-fontaines. Les champions autoproclamés des réseaux sociaux, promus parlementaires, ont défiguré la démocratie sénégalaise — autrefois si rayonnante qu’elle inspirait les nations sœurs du continent.

Ce tableau illustre à la fois le recul démocratique et la déliquescence généralisée des institutions sous le régime de Pastef. Le comble : même sur la forme, les auteurs de la proposition de loi n’ont pas su distinguer un verbe transitif direct d’un verbe transitif indirect. Comble de malheur.

Mme Ndeye Sow Leïla, Présidente UPR