De Bamako à Budapest, en passant par Paris, Tokyo et Sao Paulo, ce populisme qui ronge nos sociétés

Est-ce l’un des effets collatéraux de l’épidémie de Covid 19 ? Du confinement des populations ? Du réchauffement de notre planète et des catastrophes naturelles, multiples et en tous genres ? Allez savoir, on se perd en conjectures. Toujours est-il que la planète Terre a la fièvre, et ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la température.

Depuis quelques temps, il  n’y a pas de jours où l’actualité ne nous rapporte des émeutes urbaines ici et là, des cortèges protestataires « antivaccins », « anti-passe sanitaire », dans lesquels les manifestants crient au « liberticide », à la dictature. On l’a encore constaté, ce week-end à Paris, et dans plusieurs grandes villes françaises. Jusqu’au Japon, où des manifestants ont protesté, non contre la présence de public aux JO – il n’y en a pas, pour cause de circulation du virus – mais celle des athlètes !!! On aura tout vu, et tout entendu. Un vrai ramassis de bêtises, pour ne pas dire autre chose, amplifié par les réseaux sociaux, à la mode Facebook, Instagram ou Twitter.

Pour illustrer mon propos, je m’en tiendrai à ce qui s’est passé en début de semaine au Mali, à Lafiabougou, un quartier de Bamako, lors d’un banal contrôle de sécurité de la BAC, (Brigade Anti Criminalité). L’incident s’est produit lorsqu’un conducteur, au comportement suspect a refusé de s’arrêter, d’obtempérer aux injonctions des policiers suite à leur demande, légale et légitime. Au lieu de cela, celui-ci a préféré s’enfuir, et dans sa fuite son véhicule à fauché plusieurs jeunes, causant des blessés.

Sur place, les policiers ont tenté de l’appréhender, mais c’était sans compter sur l’attitude belliqueuse d’une foule prenant le parti de l’auteur de l’accident. Première question : Que font ces gens-là du civisme, savent-ils même ce que c’est ? A l’évidence c’est le cadet de leurs soucis. Deuxième question : Où est le respect que l’on doit aux représentants de l’ordre ? Clairement, selon une expression familière, ils « s’en tamponnent le coquillard ». Troisième question : Cet incident dramatique de Lafiabougou, est survenu seulement quelques jours après une tentative d’assassinat du chef de l’Etat, Assimi Goïta, dans la Grande mosquée de Bamako, et vingt-quatre heures après la fête musulmane de Tabaski. Comment peut-on prier à la mosquée la veille, et se comporter de façon aussi condamnable, aussi répréhensible, le lendemain ? La vie en société suppose l’adhésion à certaines règles communes, celles-ci ont été précisément édictées et codifiées pour le bien vivre ensemble. Faute de quoi on sombre dans l’anarchie et le chaos.

Il est vrai que, depuis plusieurs années, beaucoup de parents ont abdiqué dans leur rôle d’éducateurs, et que les enseignants ont perdu, au fil des années, l’autorité naturelle qu’ils avaient sur leurs élèves.

Comme disait un « vieux sage » qui se lamentait de cette triste évolution : « Que voulez-vous y faire, c’est soi-disant le progrès, et on n’arrête pas le progrès ! »

Face à des énergumènes menaçants, les policiers, à Lafiabougou, n’ont eu d’autre solution, sauf à être lynchés, que d’effectuer des tirs de sommation. Malheureusement une balle perdue à atteint mortellement un des individus présents.

Voilà un exemple typique, que l’on constate également dans certaines banlieues françaises, où de plus en plus souvent, des habitants prennent le parti des délinquants, dealers de drogue, etc. au détriment des représentants de l’ordre. Lors de contrôles policiers, que ce soit à Lyon, Grenoble, Villeurbanne, etc. il n’est pas rare de voir des CRS, des policiers de la BAC, recevoir des projectiles divers, parfois des réfrigérateurs, balancés du haut des étages d’immeubles, essuyer des tirs de fusées de détresse, de mortiers, quand ce ne sont pas des tirs d’armes de guerre, armes de poing, ou Kalachnikov.

Nous assistons là, à une dérive maffieuse, au contrôle des quartiers par des trafiquants de drogue, à des règlements de compte entre bandes rivales, etc. qui ne supportent pas qu’on vienne déranger leurs petits trafics. Ou alors, à un rejet de tout ce qui représente l’autorité de l’Etat, et les institutions républicaines, incarné par l’uniforme. A chaque instant les policiers redoutent une bavure, comme la mort accidentelle d’un délinquant, d’un petit caïd de banlieue, sachant qu’une partie de l’opinion publique s’en servirait pour les accuser de procédés liberticides.

Résultat, on arrive à ce paradoxe, que la police vit davantage dans la crainte des tribunaux, des sanctions disciplinaires et du désaveu de leur hiérarchie, que les malfrats, qui malgré des casiers judiciaires aussi épais que le Bottin du téléphone, se moquent de la justice, comme de leur première chemise. Ce comportement irresponsable, « populiste », voire anarchique, a pour conséquence de « désarmer », purement et simplement, autant au sens moral que physique, les forces de sécurité, qui n’osent plus faire leur devoir.

C’est la police qu’on menotte, qu’on entrave dans son action, et non les malfrats ! Le Code pénal n’impressionne plus personne, et un séjour en prison est souvent exhibé comme une médaille, comme un brevet pour truand.

Ce n’est plus la loi de l’Etat qui triomphe, c’est la loi de la rue ! Qu’on prenne garde, qu’à ce rythme-là, à Bamako, comme dans certaines communes de la banlieue parisienne, où d’ailleurs, nos villes ne ressemblent demain à des champs de foire où on se livre à une foire d’empoigne, où au Chicago d’Al Capone, où encore au Far-West, du temps de Buffalo Bill, lorsque chacun se faisait justice soi-même, et où la loi du plus fort l’emportait sur celle du plus faible. Ce serait une terrible régression de nos sociétés. Et un risque, que beaucoup ne semblent pas mesurer.

N’oublions jamais, que la sécurité représente une de nos libertés fondamentales. Sans elle, rien n’est possible et notamment de circuler tranquillement, de jour comme de nuit. La police et la justice sont garantes de cette liberté. A attaquer ces institutions régaliennes, à remettre en cause constamment leur action, à dénigrer de façon permanente le rôle des policiers, qui sont, ne l’oublions pas des « gardiens de la paix », le risque est grand qu’un Etat ne devienne impuissant et ne finisse par abdiquer ses responsabilités, que ce soit au Mali, en France, où ailleurs.

Et avec lui, la démocratie.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono