Le 21 mars dernier les Congolais étaient appelés aux urnes pour élire leur président de la République. Je devrais plutôt dire « réélire » car Denis Sassou-Nguesso, déjà élu de 1979 à 1991, puis de nouveau à partir de 1997, vient d’être réélu en 2021 grâce à un subterfuge constitutionnel. Son mandat était normalement limité à deux mais un référendum en 2015, en a décidé autrement.
Un tour de passe-passe dont l’Afrique a le secret !
L’actuel président n’a, au demeurant, pas eu un grand mérite car son principal opposant, Guy Clarice Kolélas, est mort l’après-midi même du scrutin du Covid 19, dans l’avion médicalisé qui le conduisait vers la France. Voilà une mort qui tombait on ne peut plus opportunément.
Il est vrai qu’entre la France et Sassou-Nguessou c’est une longue histoire de « je t’aime, moi non plus ». Outre qu’il est sorti lieutenant de l’Ecole d’application de l’infanterie de Saint-Maixent-L’Ecole, il s’est vu contraint de s’exiler en 1995 dans sa villa du Vésinet, avant de repartir à Pointe-Noire en 1997.
Une courte traversée du désert aurait dit le général de Gaulle.
Dans la guerre civile qu’a connu le Congo à cette époque et où, selon les estimations, on a dénombré quelques 400 000 morts, la Françafrique a su faire preuve de loyauté à l’égard de son vieil allié Sassou Nguesso. Et ce, au besoin, par barbouzes et mercenaires interposés.
Les barbouzes justement, ils n’ont pas manqué autour de ce chef d’Etat figurant dans le top 10 des présidents à la plus forte longévité : pas moins de 33 ans de magistrature suprême !
Une histoire de barbouzes
Comme par exemple lorsque Daniel Forestier, un ex-agent du service action de la DGSE, a été abattu en Haute-Loire le 21 mars 2019, alors que la justice le suspectait d’avoir participé à un complot visant à éliminer le général Mbaou, un opposant à Denis Sassou Nguesso. Cet ex-chef de la garde présidentielle qui s’était réfugié en France, dans le Val-d’Oise, adversaire déclaré du président, avait déjà fait l’objet d’une précédente tentative d’assassinat, en 2015. Il a conservé depuis cette date une balle dans le dos, un souvenir pour le moins cuisant. Peut-être un jour connaîtra-t-on toutes les implications de cette ténébreuse affaire. Ou peut-être pas, car les hommes de l’ombre ont l’art d’effacer leurs traces et de noyer le poisson.
Rendez l’argent !
Quant à Sassou Nguesso rappelons que le Parquet de Paris a ouvert contre lui, en 2007, une enquête pour « recel de détournement de fonds publics ». Celui-ci posséderait en effet en région parisienne de nombreux biens immobiliers mal acquis, pas moins de 18 appartements et hôtels particuliers.
Ces barbouzeries et ces magouilles financières n’ont toutefois pas empêché la réélection, il y a quelques jours, du chef d’Etat congolais qui durant sa jeunesse se réclamait du marxisme-léninisme. En découvrant ce qu’il est devenu aujourd’hui, Marx doit se retourner dans sa tombe !
Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono, ancien auditeur au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques.