Au « Kurdistan Syrien », la bannière étoilée honteusement repliée

Les Kurdes qui connaissent l’histoire européenne doivent ces jours-ci se dirent que le retrait américain de Syrie a des côtés munichois. Et si les boys de l’Oncle Sam n’ont pas (encore) perdu la guerre contre Daesh une chose est certaine  l’Amérique à perdu son honneur.

Ou plutôt, car il faut relativiser, son « commandant en chef », Donald Trump. Celui-ci, pour des raisons purement électoralistes à en effet lâchement abandonné les soldats et milices Kurdes face à une puissante armée turque d’un nouveau sultan auto-proclamé qui ne rêve que d’une chose, rétablir l’Empire Ottoman. Je veux bien sûr parler d’Erdogan.

Trump a fait preuve de lâcheté et de cynisme car les Kurdes ont été les plus fidèles alliés des Occidentaux, les plus courageux sans doute face à la barbarie de Daesh. Et aujourd’hui l’armée US opère un retrait piteux de Syrie comme elle le fit en d’autres temps au Sud-Vietnam laissant ses alliés de l’époque désarmée face à l’armée Nord-Vietnamienne. Hier les militaires américains fuyaient leur ambassade de Saïgon avec un ballet incessant d’hélicoptères, aujourd’hui leurs convois quittent la Syrie sous les huées et les jets de pierres de la population. L’histoire se répète, et ce n’est pas glorieux pour un pays qui se présente comme la première puissance du monde libre.

Malheureusement Trump se révèle un peu plus chaque jour comme un avatar de l’histoire, si ce n’est pour l’Amérique elle-même – qui depuis Obama joue l’isolationnisme – mais pour le reste du monde. Qu’a-t-il fait des valeurs de cette grande nation ? Il ne s’écoule pas de nouvelle journée sans qu’il les foulent aux pieds. Si l’on songe à la phrase « on a le président qu’on mérite » on peut imaginer dans quel état de délabrement moral se trouve aujourd’hui ce pays. A-t-on jamais imaginé qu’un président américain puisse dire, comme il vient de le faire : « Les Kurdes, mais ils n’étaient pas présents à nos côtés sur les plages de débarquement de Normandie« .

La procédure d’impeachment engagée contre lui serait beaucoup plus justifiée au regard de l’infamie qu’il vient de commettre, qu’en raison des motifs de politique intérieure invoqués jusque là, et nul doute qu’un jour il devra en répondre devant le tribunal de l’Histoire. Car en offrant à la Turquie, son alliée au sein de l’OTAN, le kurdistan Syrien non seulement il commet une forfaiture mais il prépare la renaissance de Daesh géographiquement vaincu mais toujours vivant idéologiquement. Les milices Kurdes qui gardaient les camps de milliers djihadistes sont en effet appelées, chaque jour un peu plus, sur le front et cela  au détriment de la surveillance des prisonniers.

Ainsi  verra-t-on sans doute très vite Daesh tel le Phénix  renaître de ses cendres et reprendre ses exactions de plus belle. L’hydre Avec le récent attentat dans le saint des saints de la préfecture de police de Paris les français ont pu vérifier que l’hydre de Daesh était loin d’être morte.

Nous avons, nous occidentaux une dette d’honneur envers les Kurdes et notre reconnaissance leur est acquise pour le prix qu’ils ont payé en vies humaines à Kobané, à Raqqa, à Qaraqosh ou Kirkouk.

Mais Trump a désormais envers eux une dette de sang ! Et de celle-là il aura beaucoup de mal à s’acquitter.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono, ancien auditeur au Centre D’études Diplomatiques et Stratégiques.