On a trop tendance à l’oublier mais la décision de Donald Trump de cesser les livraisons d’armes à l’Ukraine n’est que le dernier épisode d’une longue liste d’abandons et de retournements d’alliances.
Doit-on être surpris quand on sait que ce pays a toujours privilégié ses propres intérêts au détriment d’autrui. Le Vietnam, l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan en sont les meilleurs exemples, bien que voulant être le gendarme du monde et imposer à tous les habitants de la planète sa vision des choses. Aujourd’hui je comprends mieux le sentiment des Hongrois quand, en 1956, ils ont vu déferler dans les rues de Budapest, un millier de chars russes avec l’étoile rouge, sur les ordres de Kroutchev bien décidé avec le politburo à mater dans le sang un mouvement contestataire qui risquait de faire tache d’huile parmi les pays satellites de l’URSS.
L’Union soviétique, que les hongrois voyaient jusque là comme un grand frère, les traitait soudainement comme un ennemi. Quelle déception pour eux, et quelle humiliation ! Albert Camus avait alors décrit » les rites sanglants et monotones de la religion totalitaire «
La même humiliation a été infligée par Donald Trump à Volodimir Zelensky il y a quelques jours, après trois années de guerre en Ukraine, des centaines de milliers de morts et des blessés et un pays dévasté par les bombardements. En pure perte ! Une fois de plus le bourreau, en l’occurrence Poutine qui au mépris de toutes les lois internationales a envahi un pays souverain et violé ses frontières, va triompher de sa victime, le peuple ukrainien. L’histoire est un perpétuel recommencement ! On n’est jamais trahi que par ses amis et c’est pour cela que c’est tellement douloureux et que cela ajoute à la tragédie actuelle.
Aujourd’hui, Donald Trump vient de signer l’arrêt de mort d’une certaine idée de l’Occident et plus grave encore, de son message porteur de paix et de démocratie. Le fameux « monde libre » est parti en fumée un certain vendredi 28 février 2025 à la Maison Blanche à Washington, et avec lui les illusions, les espoirs de millions de personnes à travers le monde qui ont voulu croire en l’Oncle Sam et au contre-feu qu’il représentait face à tous les totalitarismes. Les européens se souviendront longtemps de cette funeste date, où ils ont été abandonnés lâchement en rase campagne par leurs alliés historiques, comme les américains ne sont pas prêts d’oublier un certain 11 septembre 2001.
Et comme les occupants successifs de la Maison Blanche sont toujours prompts à se moquer de la « vieille » Europe, je leur rappellerai une des pages les plus sombres de leur histoire, avec le génocide des peuples autochtones autrement dit le massacre des indiens, au XIXème siècle, le meurtre des grands chefs Sitting Bull et Big Foot, l’anéantissement de leurs tribus, femmes et enfants compris, l’éradication de l’Empire sioux et la « rééducation » accélérée des survivants pour les convertir à l’American way of life. Pour ceux que le sujet intéresse je conseille vivement l’ouvrage de Laurent Olivier « Ce qui est arrivé à Wounded Knee » ou encore « Génocide des Amériques » par Marcel Grondin et Moema Viezzer. Le poète américain John Trudelle a écrit très justement : « La vérité est une arme plus puissante qu’un fusil ou une bombe« , voilà bien une vérité que Trump, Vance et Cie s’efforcent de dissimuler sous le tapis dans leur réécriture de l’histoire actuelle et leurs remontrances arrogantes.
Le 28 février 2025, retenez bien cette date, figurera peut-être demain dans les manuels comme une nouvelle page sombre de l’histoire des Etats-Unis.
Désormais plus rien ne s’oppose en effet à la voracité des dictatures, des empires renaissants et de leurs dirigeants autocrates qui vont pouvoir dépecer tout à loisir le cadavre d’un monde dont les valeurs de liberté, d’altruisme et d’émancipation des peuples, sont mortes, calcinées dans la cheminée du bureau ovale. Il aura suffi à son locataire de faire craquer une allumette dans l’âtre pour que tout s’embrase et que nos espoirs pour un monde meilleur s’envolent.
Au siècle des Lumières a succédé celui des ténèbres, la nuit a enveloppé de son linceul le monde libre et un froid polaire s’est abattu sur l’Europe, d’Est en Ouest !
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain