Loi d’amnistie : Abrogation Totale vs Abrogation Partielle

Dans le contexte politique sénégalais marqué par le débat sur l’amnistie, deux propositions de loi émergent : l’abrogation totale proposée par le député Thierno Alassane Sall et une abrogation partielle associée à PASTEF, bien que l’attachement fourni soit une proposition d’interprétation par Amadou Ba 2. Cette analyse compare ces approches sur des bases technico-juridiques et objectives, en mettant en lumière pourquoi l’abrogation totale semble plus pertinente pour la vérité et la justice, tandis que l’abrogation partielle pourrait protéger certains et livrer d’autres à la justice.

Détails des Propositions
Proposition d’Abrogation Totale (Thierno Alassane Sall)

La proposition, soumise le 18 février 2025, vise à abroger la loi n° 2024-09, qui amnistie les infractions liées aux manifestations politiques entre février 2021 et février 2024. Ses arguments principaux incluent :
•La violation de l’état de droit : La loi actuelle permet aux responsables publics d’échapper à la responsabilité, notamment pour des actes graves comme la violence et la torture.
•La non-conformité avec le droit international : Elle viole plusieurs conventions et jurisprudences internationales, notamment :
o La convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984, en vigueur depuis 1987) :
 Article 2 : Tout État partie prend des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis. Aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier la torture.
 Article 4 : Tout État partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions pénales.
o Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981, en vigueur depuis 1986) :
 Article 5 : Toutes les formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme, notamment la torture, sont interdites.
 Article 7 : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue.
o Précédent de la Cour de justice de la CEDEAO – Affaire Sidi Amar Ibrahim et al. v. Niger (2011) :
 La Cour a statué que les amnisties ne peuvent couvrir des violations graves des droits humains.
• Réponse à la demande de justice : L’abrogation totale permettrait aux tribunaux de juger ces infractions sans barrières légales, offrant justice aux victimes et à leurs familles (près de 86 morts signalés).
• Impact budgétaire neutre : La proposition inclut une note sur l’inadmissibilité financière, affirmant que l’abrogation ne générera pas de coûts supplémentaires pour l’État.

Proposition d’Abrogation Partielle (PASTEF, via Interprétation d’Amadou Ba 2 )

L’attachement « Proposition de loi Amadou BA.pdf » présente une proposition de loi n° 05/2025 interprétant la loi d’amnistie n° 2024-09. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une abrogation explicite, elle peut être considérée comme une abrogation partielle en limitant la portée de l’amnistie. Ses points clés incluent :
• L’amnistie ne couvrirait que les délits à « motivation exclusivement politique », excluant les crimes du droit commun (violence, torture).
• Conformité aux conventions internationales (Convention contre la Torture, Statut de Rome) en interdisant les amnisties pour certains crimes graves.
• Protection des victimes à travers des indemnisations et limitations de la « contrainte par corps » contre les amnistiés.
• Attribution des litiges relatifs à l’amnistie à la cour d’appel de Dakar.
Toutefois, cette approche pourrait protéger certains et livrer d’autres à la justice.

Analyse de la Pertinence d’une Abrogation Totale

L’abrogation totale semble plus pertinente pour la vérité et la justice car elle garantit que tous les crimes, y compris ceux commis pendant les manifestations politiques, soient soumis à une investigation et à une poursuite. Elle aligne le Sénégal sur les normes internationales interdisant les amnisties pour violations graves des droits humains. Cette mesure répond aux appels des victimes et de leurs familles, notamment après les rapports d’Amnesty International signalant au moins 65 morts et 1 000 blessés entre 2021 et 2024.

En revanche, l’abrogation partielle, bien qu’excluant les crimes graves du droit commun, pourrait protéger certains acteurs politiques en amnistiant leurs actes si ceux-ci sont considérés comme politiques. Une ambiguïté persiste quant à la définition des « délits politiques » : par exemple, des actes de violence pendant une manifestation pourraient être requalifiés en délits politiques, permettant ainsi une amnistie et compromettant la justice.

De plus, malgré les intentions d’Amadou Ba 2 d’exclure les crimes graves, leur classification pourrait être sujette à interprétation, augmentant le risque que certains crimes graves soient amnistiés.

L’abrogation totale est préférable pour garantir la vérité et la justice, éliminant toute possibilité d’amnistie et permettant une investigation complète. En revanche, l’abrogation partielle risque de créer un déséquilibre dans la justice en protégeant certains acteurs politiques tout en livrant d’autres à la justice. Cette ambiguïté pourrait nuire à l’équité et à la transparence nécessaires pour une justice impartiale et efficace.

Mamoudou BA
RV / France