« Inconnue des sénégalais alors qu’elle est une pionnière en IA UNE FEMME DE SCIENCE UNE MARIE CURIE Noire appréciée des cercles savants. Le 8 mars 2024 , il fallait l’exhumer pour informer ceux qui ne la connaissaient pas et faire sa connaissance malgré sa rapide disparution à la fleur de l’âge..
Son héritage doit continuer
J’ai ici volontairement cherché à compiler des coupures de presses et des témoignages sur elle pour vous la soumettre.
A Paris, une association est entrain de travailler sur elle pour retrouver trace de ses découvertes et inventions.
Des rues des écoles au Sénégal, des places en France portent son Nom.
Conseil des ministres Sénégal mercredi 6/03/2024 Le projet de décret portant dénomination du « Campus franco-sénégalais » en « Université Rose Dieng France-Sénégal Mieux vaut tard que jamais.
Rose Dieng-Kuntz (1956-2008) Pionnière du web « intelligent » née le 27 mars 1956 à Dakar et morte le 30 juin 2008 à Nice
Son frère président de L’UNCS sénégal Jean pierre Dieng
La première polytechnicienne d’Afrique, par ailleurs « Scientifique de l’année 2005 » n’est plus. C’est par un avis de décès de l’Union nationale des consommateurs du Sénégal que nous avons appris cette nouvelle macabre. Selon les responsables de l’Uncs, Mme Rose Dieng-Kuntz, « petite sœur de notre Président Jean Pierre DIENG, décès survenu le lundi 30 Juin 2008 à Nice en France ». Le jour et l’heure de son enterrement seront communiqués ultérieurement.
Conseil des ministres du 06/03/2024 Dakar Sénégal
« le projet de décret portant dénomination du « Campus franco-sénégalais » en « Université Rose Dieng France-Sénégal »
Lycéenne à Dakar, Rose Dieng arrive en France après le bac pour étudier dans les classes préparatoires du lycée Fénelon à Paris1. Elle intègre ainsi l’École polytechnique en 19762,3.
Parallèlement à sa spécialisation à l’École nationale supérieure des télécommunications (aujourd’hui Télécom Paris), elle fait un DEA en informatique, puis soutient une thèse de doctorat à l’université Paris-Sud en informatique sur la spécification du parallélisme dans les programmes informatiques4.
Elle travaille de 1985 à 2008 à l’INRIA sur le partage de connaissances sur le web, notamment dans les débuts du web sémantique5. Elle y est la deuxième femme à piloter un programme de recherche6,7.
Elle meurt en juin 2008 des suites d’une longue maladie. Son décès est largement médiatisé en France et au Sénégal. Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, exprime sa tristesse dans un communiqué, précisant que « la France et la science viennent de perdre un esprit visionnaire et un talent immense8. »
Elle reçoit le prix Irène-Joliot-Curie en 20055,1 et elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur en 20066.
Son nom est donné à une rue dans le parc d’innovation de la Chantrerie, au nord-est de Nantes, et à une place sur le campus de Paris-Saclay en 20179. En 2019, son nom est attribué à l’un des amphithéâtres des nouveaux locaux de Télécom Paris (où elle a poursuivi ses études après Polytechnique). Une annexe du lycée d’excellence Birago Diop au Golf Sud (Sénégal) porte son nom. Sur le campus de l’Université Paul Sabatier à Toulouse, le cours où se situe l’institut de recherche en informatique de Toulouse porte désormais son nom10.
Le 7 juin 2023, le Conseil de Paris donne son nom à une voie nouvelle du 19e arrondissement de Paris : l’allée Rose-Dieng-Kuntz11.
Journal le monde 11/01/2006
Rose Dieng, un cerveau sans frontières
Par Pierre Le Hir
Publié le 11 janvier 2006 à 13h45, modifié le 11 janvier 2006 à 13h45
Elle porte un bien joli prénom, Rose Dieng. De ceux qui éclairent une vie, la font s’épanouir. La vie, c’est vrai, a souri à la gamine de Dakar, première Africaine reçue à l’X, chef de projet à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), lauréate 2005 du prix Irène Joliot-Curie décerné par le ministère de la recherche et la Fondation EADS à « la scientifique de l’année ».
Des épreuves, elle en a sans doute connu. Des blessures, que l’on devine à un regard parfois rêveur, une question éludée. Elle qui a grandi au Sénégal au milieu de sept frères et soeurs n’a pas d’enfants à qui communiquer son optimisme. De ce qui fait que la vie n’est pas toujours rose, elle préfère ne pas parler. Pudeur, ou coquetterie, comme son hésitation à avouer ses 49 ans, dissimulés derrière un rire et un froncement de nez de petite fille sous une savante coiffure de tresses cuivrées et de mèches permanentées. Elle veut voir, Rose, le bon côté des choses.
« Je crois, dit-elle d’une voix douce, à la force des symboles. » Si elle raconte son histoire, c’est pour « témoigner qu’une femme noire peut s’épanouir dans la recherche scientifique, dans une France terre d’accueil, y assurer des responsabilités et transmettre sa passion à des jeunes, en particulier à des jeunes filles ».
Son parcours, elle le sait, n’est pas commun. Peu d’Africains s’y reconnaîtront. Beaucoup d’immigrés le trouveront décalé. Rose n’a pas la prétention d’être un exemple. Elle pense, simplement, que son itinéraire est porteur de « valeurs qui dépassent la couleur de la peau, la religion ou l’origine sociale », comme « le partage des connaissances, le goût de la découverte, l’ouverture à d’autres cultures, la tolérance ».
Ces valeurs, ce sont celles que lui a inculquées son père, auquel elle dédie le prix Irène Joliot-Curie. « Il venait d’une famille très pauvre, explique-t-elle. Sa mère, analphabète, élevait seule ses deux enfants. L’école était la seule façon de s’en sortir. Il n’a jamais oublié cette leçon. » Il lui enseigne, comme à chacun de ses frères et soeurs, « le sens du travail et de l’effort, l’honnêteté, la loyauté ». Une éducation « sévère » dont elle lui sait gré. Elle se souvient, aussi, de cette pique d’une institutrice à l’école primaire : « Vous, les Africains, êtes moins intelligents que les Blancs. Vous feriez mieux d’écouter ! » Et de sa réaction : « Avec tous mes camarades sénégalais, nous avons travaillé encore plus dur. »
Au lycée Van-Vollenhoven, l’un des plus cotés de Dakar, elle collectionne les prix d’excellence, rafle le 1er prix au concours général en mathématiques, français et latin et le 2e prix en grec, décroche la mention très bien avec félicitations du jury au baccalauréat. Dans un pays dont le président, Léopold Sédar Senghor, fait de la lutte contre l’analphabétisme la clé du développement, elle devient une star.
Lettres, sciences ? Elle n’a que l’embarras du choix. Elle rêve d’être écrivain, mais « un professeur de physique extraordinaire » et une bourse de coopération décident de son orientation. Ce sera maths sup et maths spé au lycée Fénelon de Paris. Puis, à 20 ans, Polytechnique, où elle est la première représentante du continent africain. Suit une thèse en informatique sur « la spécification du parallélisme ». Sa voie est trouvée : la recherche, à l’Inria de Sophia-Antipolis, pôle technologique de la région niçoise. Elle y est la première femme à monter et à piloter un programme, Acacia, exotique acronyme pour « acquisition des connaissances pour l’assistance à la conception par interaction entre agents ». L’objectif est de mettre au point des méthodes et des outils logiciels permettant à une communauté, entreprise ou institution, de « capitaliser et partager des savoirs » fondateurs d’une « mémoire » collective.
Savoir, mémoire, partage… Les vertus cardinales pour cette idéaliste, qui imagine « un Web de connaissances reliant individus, organisations, pays et continents ». A la fin de ses études, confesse-t-elle, s’est posé « un dilemme difficile » : retourner en Afrique où la recherche en informatique était inexistante, ou rester en France pour mener une carrière scientifique au meilleur niveau. Elle a choisi la France et conservé la nationalité sénégalaise, comme « une attache symbolique très forte ».
« Femme, noire, spécialiste d’intelligence artificielle : je me suis retrouvée au carrefour de beaucoup de minorités. On m’a traitée de masochiste, sourit-elle. Mais je n’en ai pas souffert dans mon travail. » Même si elle s’est « très vite aperçue que, pour les responsabilités confiées aux hommes et aux femmes, la France n’est pas encore la patrie de l’égalité ».
Privilégiée – elle le reconnaît volontiers -, elle a échappé aux discriminations sociales, raciales, économiques, qui sont à ses yeux au coeur de la récente flambée des banlieues. « Je n’ai pas vécu en cité. Et j’ai eu la chance d’avoir un père qui incarnait pour moi un modèle. Mais je comprends le désespoir de ces jeunes qui ne se voient aucun avenir », reconnaît-elle.
Elle déplore pourtant « le basculement dans la violence » à laquelle, admiratrice depuis son plus jeune âge de Gandhi et de Martin Luther King, elle est « viscéralement opposée ». Son combat à elle, son « message », comme elle préfère le nommer, c’est « celui de l’éducation, des études, de la science ».
Face à la polémique sur le passé colonial de la France, elle adopte la même posture. « C’est une histoire faite de beaucoup de souffrances, pense-t-elle. Ma génération, qui n’a pas connu la colonisation, doit en garder la mémoire. C’est quelque chose d’essentiel, dans la vie d’une nation et dans la vie d’un homme. Ce qui blesse, ce qui détruit, c’est l’absence de mémoire. Je le sais aussi pour travailler sur la mémoire des entreprises. » Rose Dieng, qui n’a pas oublié ses rêves d’écriture, caresse aujourd’hui le projet de rédiger ses propres Mémoires. Un roman autobiographique. Ce serait celui d’une petite Sénégalaise au nom de fleur, éprise de l’« humanisme » et de la « civilisation de l’universel » chantés, avec la « négritude », par Senghor, et devenue, grâce à la science, « citoyenne du monde ».
Pierre Le Hir
Rose Dieng-Kuntz (1956 – 2008), pionnière du Web sémantique et de l’intelligence artificielle
08/03/2022
https://ax.polytechnique.org/fr/article/rose-dieng-kuntz
Ancienne élève de la promotion 75, Rose Dieng-Kuntz est la première femme africaine diplômée de l’École polytechnique.
Les années à Polytechnique et à Télécom
Rose est née au Sénégal. Après passer son bac à Dakar, elle arrive en France en septembre 1973 pour étudier dans les classes préparatoires du lycée Fénelon, à Paris.
Elle est admise à l’X en 1976. Le concours n’est ouvert aux femmes que depuis cinq ans. Élève de nationalité étrangère, elle ne fait pas de service militaire et intègre directement la promotion précédente, la 75.
Ses camarades se souviennent de son éclectisme et notamment de sa passion pour le théâtre et l’opéra. Elle fait partie du club de théâtre de l’École, interprète un rôle d’actrice et de chanteuse dans la pièce que monte les élèves en 1979.
Première femme africaine admise à l’École polytechnique, Rose devient un symbole pour son pays natal. C’est ainsi qu’elle est invitée à participer à un voyage officiel du Président de la République française en avril 1977, pour le sommet franco-africain qui se tenait, cette année-là, à Dakar. Il faut dire que le président de l’époque est Valéry Giscard d’Estaing (X44). La présence de Rose dans son ancienne école ne lui a pas échappée !
Rose choisit l’École des Télécom, comme école d’application, à la grande surprise de ses proches qui l’imaginaient s’orienter vers des domaines plus balisés. À Télécom, Rose se familiarise avec les sciences de l’information, domaine foisonnant en pleine évolution. Elle termine son brillant cursus universitaire par un DEA en informatique et une thèse sur la spécification du parallélisme à l’Université Paris-Sud d’Orsay.
La découverte d’une passion : la recherche
Dans la décennie des années 80, on se pose la question du support que l’informatique peut apporter au raisonnement humain. On parle alors de « systèmes experts ». De plus, l’évolution technologique fait chuter le coût de la mémoire informatique de façon vertigineuse. Le monde de la connaissance s’y engouffre : on enregistre de l’information, on emmagasine, on stocke, on crée de l’archive encore et toujours. Face à cette avalanche, qui ne fait que commencer, les chercheurs comme Rose prennent du recul.
Comment procéder pour retrouver les informations qui nous sont pertinentes ? Ne serait-ce pas chercher une aiguille dans une botte de foin ? C’est à ce défi inédit que Rose va se mesurer.
Appelée par Pierre Haren (X73), fondateur d’Ilog, Rose rejoint l’INRIA en 1985 pour participer à des projets d’intelligence artificielle.
Quelques années plus tard, en 1992, Rose prend la direction de l’équipe ACACIA à l’INRIA de Sophia Antipolis. Elle est la deuxième femme à y diriger un programme de recherche.
Elle comprend immédiatement que la connaissance est un patrimoine qu’il faut préserver et participe, avec l’équipe ACACIA, à la création du concept de mémoire d’entreprise. Elle affirme : « La connaissance, si tu ne la sauves pas, tu la perds ». Ses travaux ont été précurseurs des ontologies informatiques, outils pour représenter précisément un corpus de connaissances sous une forme utilisable par une machine. Elle a participé à l’élaboration de méthodes symboliques du traitement du langage naturel pour extraire les informations sémantiques et les représenter sous forme de graphes de connaissance. Prenons un exemple pour illustrer le questionnement : saurions-nous retrouver de façon pertinente et structurée l’ensemble des problèmes rencontrés sur les chaînes de montage des voitures Renault. Aujourd’hui, des travaux similaires sont menés à l’INRIA pour retracer le harcèlement sur Twitter en s’appuyant sur une combinaison de méthodes symboliques et de réseaux de neurones.
Son approche humaniste et son intuition lui ont également permis d’orienter très tôt l’équipe ACACIA vers le web sémantique qui a pour objectif de proposer une représentation de la connaissance sous la forme de standards qui permettraient l’échange de connaissances et qui seraient reconnus internationalement.
Le web social collaboratif, idée émergente dans les années 90, retient l’attention de l’équipe. La collaboration est l’idée que tout un chacun peut contribuer à l’enregistrement de la connaissance. Wikipédia, largement présent sur le Web au XXIe siècle, est une belle illustration des idées de ces années où l’intelligence artificielle est en devenir.
Rose a pris le risque de choisir des sujets multidisciplinaires et complexes, qui nécessitent de mobiliser des domaines scientifiques jusqu’ici assez éloignés. C’est ainsi qu’elle regroupe dans son équipe à la fois des compétences en informatique et en psychologie. Cette démarche a permis de positionner l’équipe ACACIA en pionniers, en France et dans le monde.
Son rire communicatif, sa positivité, son excellence académique et son affabilité l’amènent à collaborer avec de multiples équipes externes, réaliser de la médiation pour les jeunes et présider des groupes de travail avec des académiques et des industriels tels que Renault ou Dassault.
Avec Olivier Corby, Fabien Gandon et Alain Giboin, elle publie en 2005 : Knowledge management – Méthodes et outils pour la gestion des connaissances. Ses travaux sont récompensés : en 2005 elle reçoit le prix Irène Joliot-Curie ; l’année suivante, elle est nommée chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur.
Le souvenir de Rose
Rose s’éteint le 30 juin 2008 des suites d’une maladie. Elle a 52 ans. Dans un communiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche dira « La France et la science viennent de perdre un esprit visionnaire et un talent immense ».
Son souvenir perdure. Elle est un symbole et un exemple pour les nouvelles générations, en particulier pour les jeunes filles au Sénégal.
Article écrit par Diane Dessalles-Martin (X1976) et Anne-Flore Baron (X2016). L’intégralité est à retrouver dans l’annuaire 2022 envoyé aux membres de l’AX.
Rose Dieng-Kuntz (1956-2008) Pionnière du web « intelligent »
Publié par Marie-Claude Gaudel | N° 198 – L’intelligence artificielle l’âge de l’industrialisation et L’égalité entre les hommes et les femmes
« Je crois, dit-elle d’une voix douce, à la force des symboles…Témoigner qu’une femme noire peut s’épanouir dans la recherche scientifique, dans une France terre d’accueil, y assurer des responsabilités et transmettre sa passion à des jeunes, en particulier à de jeunes filles »[1]
Informaticienne spécialiste de l’intelligence artificielle, première femme africaine diplômée de l’École Polytechnique et de Télécom Paris (1980) Rose Dieng était directrice de recherche à l’INRIA. À l’origine des premiers algorithmes « intelligents » d’acquisition et de recherche de connaissances sur le web, elle a participé à l’émergence de ce qu’on appelle maintenant le web sémantique. Elle a reçu le Prix Irène Joliot-Curie de la scientifique de l’année en 2005 et la Légion d’honneur en 2006.
Née au Sénégal dans un milieu très modeste, Rose Dieng fait des études secondaires brillantes au Lycée Van Vollenhoven à Dakar, devenu depuis lycée Lamine Guèye. Elle y obtient le 1er prix au Concours Général en Mathématiques, Français et Latin, le 2e prix en Grec et la mention « très bien avec félicitations du jury » au baccalauréat.
Grâce à une bourse, elle suit les classes préparatoires au lycée Fénelon à Paris et elle est reçue à l’école Polytechnique en 1976. Elle est la première femme africaine à intégrer cette école prestigieuse. Elle entre ensuite à Télécom Paris (à l’époque, École Nationale Supérieure des Télécommunications), et poursuit par un doctorat en Informatique à l’université Paris-Saclay (à ce moment là Paris-Sud) à Orsay.
Un passage chez Digital Equipment Corporation (DEC) lui fait découvrir, et se passionner pour, l’intelligence artificielle et les systèmes experts. Elle rencontre alors Pierre Haren et, en 1985, elle rejoint l’équipe de recherche sur ces sujets qu’il est en train de constituer au centre de Sophia-Antipolis de l’INRIA. Elle y fera carrière jusqu’à son décès prématuré en 2008, et sera une des premières femmes chef de projet à l’INRIA.
DES TRAVAUX PRÉCURSEURS
À son arrivée à l’INRIA elle travaille sur des systèmes experts qui exploitent plusieurs bases de connaissances, et, car cela lui paraît fondamental, elle étudie comment de tels systèmes peuvent produire des explications, c’est-à-dire décrire le raisonnement qui a mené à la réponse qu’ils produisent.
Elle se convainc que, pour obtenir de bonnes explications, il faut les préparer dès la phase d’acquisition des connaissances. Elle comprend que, pour exploiter des sources multiples de connaissances et pouvoir les réutiliser, il est essentiel de les factoriser et de les normaliser.
Pour cela, elle va utiliser des graphes conceptuels. Ces graphes décrivent l’ontologie du domaine concerné, c’est-à-dire les concepts manipulés dans ce domaine et des relations de spécialisation et de généralisation entre ces concepts : une voiture ou un vélo sont des véhicules, une collision est une sorte d’accident. Ils peuvent être enrichis par des règles et des contraintes relatives à ces concepts. En annotant les connaissances d’une base d’information par ces concepts et en utilisant les possibilités de raisonnement apportées par les règles et les contraintes de l’ontologie, on améliore la précision des recherches par rapport à ce qui peut être fait sur la base de mots-clés ou d’un simple vocabulaire.
Les travaux de Rose Dieng sont précurseurs : les systèmes qu’elle développe exploitent des ontologies avant que cette notion se popularise dans le monde de l’informatique. La notion d’ontologie informatique apparait explicitement au début des années 1990. Elle va permettre de développer des systèmes d’information collectifs qui partagent des concepts, des relations et de rendre explicites les connaissances implicites de bases d’un domaine, celles qui sont toujours vraies, et ainsi de les réutiliser et de les partager.
En 1992 elle prend la tête d’un projet de recherche sur ces sujets. Tout en poursuivant ses travaux sur les bases de connaissance « intelligentes », son groupe va développer des d’outils d’extraction de graphes conceptuels à partir de documents. Leur approche « documents + bases de connaissance + ontologies » trouve alors des applications remarquables et remarquées, car elle permet à une communauté, une entreprise ou une institution de capitaliser et partager des savoirs. Leur système CORESE sera utilisé dans le cadre de collaborations avec l’INRETS, Dassault Aviation, Dassault Systèmes, dans des domaines d’application variés (accidentologie, géographie, biologie et médecine…). Ces succès démontrent l’importance des mémoires d’entreprise et la possibilité de les exploiter efficacement. Le passage des notations basées sur XML (le format des données du web) permet la mise en œuvre des premiers sites web d’entreprise.
C’était la bonne découverte au bon moment. Rose Dieng a fait partie des premiers chercheurs qui ont compris l’importance du web comme moyen privilégié de diffusion et de partage des connaissances et des ontologies. En 1999, les travaux de son équipe prennent une grande visibilité quand l’inventeur du web, Tim Berners-Lee, lance l’idée du web sémantique, c’est-à-dire une extension du web où les informations sont annotées, et les ontologies partagées, de manière à améliorer l’expression des recherches dans cette masse d’informations et la pertinence des réponses obtenues.
Rose Dieng et son équipe seront parmi les acteurs majeurs de l’enrichissement sémantique du « World Wide Web (www) ».
Honorée par le Prix Irène Joliot-Curie de la Femme Scientifique de l’année en 2005 et la Légion d’honneur en 2006, elle est décédée prématurément au début de l’été 2008.
Une rue de Nantes, une place à Palaiseau, un « FabLab » à Dakar et depuis peu un amphi à Télécom Paris portent son nom (voir encadré en page 69).
[1] http://www.lemonde.fr/planete/article/2006/01/11
Rose Dieng-Kuntz : Savoir, mémoire et partage, 2006, interview https://interstices.info/jcms/c_16376/rose-dieng-kuntz-savoir-memoire-et-partage
Fabien Gandon : Ontologies informatiques, 2006, https://interstices.info/ontologies-informatiques/
Dieng R. (2002) Corporate Semantic Webs. In: Lecture Notes in Computer Science, vol 2425. Springer, https://doi.org/10.1007/3-540-46102-7_1
Marie-Claude GAUDEL
est informaticienne. Sa carrière s’est déroulée à Nancy, à l’INRIA, à Alcaltel-Alsthom, et à la Faculté des Sciences d’Orsay où elle a dirigé le LRI. Lauréate de la médaille d’argent du CNRS pour ses recherches sur le test et la fiabilité des logiciels, elle est membre d’honneur de la SIF, docteure Honoris Causa de l’EPFL et de l’Université de York.
Elle a présidé le conseil scientifique de l’INRIA, le conseil d’administration de RENATER.
Elle est membre du bureau de l’association Femmes & Sciences.
Auteur
Rose Dieng-Kuntz : savoir, mémoire et partage
DONNÉES INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Première femme africaine admise à l’École Polytechnique, deuxième femme responsable d’une équipe de recherche à l’Inria… Rose Dieng-Kuntz était avant tout une scientifique passionnée par son domaine de recherche : les systèmes d’acquisition, de gestion et de partage des connaissances.
De son père, Henri Dieng, elle a appris « le sens du travail et de l’effort ». Naturellement, Rose est une élève brillante. Après un parcours sans faute au lycée Van Vollenhoven, l’un des mieux cotés de Dakar, elle obtient en 1972 le premier prix au Concours général sénégalais en mathématiques, en français, en latin, et le deuxième en grec.
L’année suivante, elle décroche sans surprise la mention très bien avec félicitations du jury au baccalauréat scientifique. Sur les conseils de ses professeurs, et grâce à une bourse de coopération, elle qui aurait aimé devenir écrivain ou médecin atterrit en « maths sup », en France. En 1976, âgée de vingt ans, elle devient la première femme africaine admise à l’École polytechnique. Suit un diplôme d’ingénieur de l’École nationale supérieure des télécommunications, puis une thèse en informatique à l’université Paris Sud. Études qui la mèneront rapidement à l’Inria, où elle est aujourd’hui directrice de recherche et responsable depuis 1992 du projet ACACIA. Elle vient de gagner en 2005 le Prix Irène Joliot-Curie, décerné par le ministère de la Recherche et la fondation EADS à « la scientifique de l’année ».
Entretien avec Rose Dieng-Kuntz mené par Anne Lefèvre-Balleydier.
Vous avez commencé votre carrière dans le privé. Qu’y faisiez-vous ?
J’ai rejoint Digital Equipment Corporation (DEC) pour travailler sur l’intelligence artificielle. Cela n’avait pas grand rapport avec ma thèse (j’y étudiais la spécification du parallélisme dans les programmes informatiques), mais c’était un domaine qui m’attirait vraiment. Je l’avais découvert en lisant les ouvrages de Marvin Minsky, d’Elaine Rich, d’Edward Feigenbaum, de Bruce Buchanan ou de Jean-Louis Laurière, etc. Qu’une machine puisse raisonner comme un homme – c’était le cas du fameux système expert médical Mycin –, qu’elle soit capable d’apprendre, de comprendre la langue naturelle, cela me fascinait car c’était un véritable défi. L’expertise étant ce qu’il y a de plus difficile pour l’Homme, c’est dans les systèmes experts que le challenge était d’après moi le plus grand.
J’étais alors partagée entre l’envie de rentrer au Sénégal et celle de rester en France. Mais à l’époque, dans mon pays, la recherche en informatique était inexistante et je n’aurais pas pu mettre à profit toutes les connaissances que j’avais acquises. Or chez DEC, je pouvais travailler sur les systèmes experts – pour résoudre par exemple des problèmes de configuration. Et puis j’ai rencontré Pierre Haren. Il souhaitait constituer une équipe de recherche à l’Inria Sophia Antipolis sur les systèmes experts. Son projet me semblait passionnant, et Pierre Haren était très intéressé par mon profil – nous avions d’ailleurs fréquenté le même lycée, le lycée Van Vollenhoven au Sénégal, où chacun de nous avait entendu parler des prix d’excellence continuels de l’autre… En 1985, j’ai donc quitté DEC pour l’Inria.
Quel était le projet de Pierre Haren ?
Il s’agissait de développer des générateurs de systèmes experts. En règle générale, un système expert est constitué d’une base de connaissances – par exemple, en médecine, des connaissances médicales issues des études et de la pratique du médecin – et d’un moteur d’inférences capable d’exploiter cette base de connaissances pour mener des raisonnements et résoudre des problèmes – par exemple, mener un raisonnement pour trouver un diagnostic à partir des symptômes décrits par un patient et des résultats de ses analyses.
Ici, avec le projet SMECI, l’objectif n’était pas de développer une application particulière, mais un outil générique permettant ensuite de construire toute une gamme d’applications : un système expert en conception de digues, ou un système expert en conception de bâtiment. Ce qui était intéressant, c’est qu’éventuellement, on pouvait ensuite travailler sur plusieurs bases de connaissances, en reposant sur les connaissances de plusieurs experts : j’ai toujours été séduite par l’aspect « multi »…
Quelle était votre contribution dans SMECI ?
J’étais chargée des explications : on souhaitait en effet un système expert capable d’expliquer son raisonnement à l’utilisateur. Pour moi, c’était quelque chose de fondamental. Car, plus que la « boîte noire » d’un système expert, ce qui me motivait et me motive toujours, c’est de pouvoir transmettre, partager des connaissances : c’est d’ailleurs avec cette idée que je suis venue en France au départ, en espérant faire profiter tous les Sénégalais de mon expérience.
SMECI avait pour originalité d’offrir un langage de représentation hybride permettant à la fois de décrire des objets et des règles, mais aussi de fonctionner suivant un arbre de raisonnement avec des mécanismes de contrôle pour gérer des solutions alternatives. J’ai alors proposé deux approches. La première était de construire un second système expert (appelé système explicateur) capable, grâce à ses règles explicatives, d’analyser l’arbre de raisonnement du premier système expert. La seconde approche était de générer des formules temporelles pour étiqueter l’arbre de raisonnement et résumer ainsi les principaux points du raisonnement du système expert.
En 1988, Pierre Haren a finalement quitté l’Inria pour lancer ILOG, une startup aux activités basées sur SMECI. Pourquoi ne l’avez-vous pas suivi ?
Je préférais la recherche… Après son départ, le projet a évolué : c’est devenu le projet SECOIA dirigé par Bertrand Neveu. L’idée sur laquelle je travaillais personnellement, c’était de généraliser l’approche du système explicateur de SMECI, en faisant coopérer plusieurs systèmes experts. Il m’est alors apparu que pour obtenir de bonnes explications, mieux valait les préparer dès la phase d’acquisition des connaissances : si cette étape ne tient pas compte des explications ultérieures, on acquiert des connaissances opérationnelles pour raisonner et résoudre un problème, mais on n’acquiert pas forcément les connaissances de fond qui permettront au système d’expliquer pourquoi il a fait tel choix plutôt que tel autre. Je me suis donc intéressée aux systèmes d’aide à l’acquisition des connaissances. Et dans ce cadre, nous avons travaillé sur un outil d’acquisition s’appuyant sur des connaissances qualitatives et permettant de simuler le raisonnement du futur système expert.
C’est de cette évolution vers l’acquisition des connaissances qu’est né en 1992 le projet ACACIA ?
ACACIA doit énormément à Gilles Kahn et à Pierre Bernhard, alors respectivement président du comité des projets et directeur de l’unité de recherche Inria Sophia Antipolis, qui nous ont soutenus à une époque où l’intelligence artificielle n’était pas très en vogue à l’Inria. Ce projet est né de la rencontre avec Alain Giboin, un psychologue ergonome qui travaillait sur les systèmes didactiques. Ensemble, avec Olivier Corby, nous avons eu l’idée d’un projet visant à mettre au point des outils qui aideraient la phase d’acquisition des connaissances lors de la construction d’un système expert. Un projet que je voulais réussir à tout prix, en hommage à mon père qui venait de décéder. Grâce à son souvenir, même dans les moments les plus difficiles, je n’ai jamais perdu confiance.
L’objectif était d’une part d’acquérir des connaissances provenant de plusieurs experts, et de l’autre d’acquérir des connaissances utiles pour préparer les futures explications que devrait fournir le futur système expert.
Outil de comparaison multiexpert.
Cet outil permet de comparer automatiquement les connaissances de plusieurs experts, par la comparaison des graphes. Il permet ainsi d’aider à la construction de connaissances communes à plusieurs experts (Image : Projet ACACIA).
Pour la prise en compte de multiples experts, il fallait proposer des protocoles de recueil collectif des connaissances, savoir comment détecter les incohérences et déterminer les connaissances communes et les connaissances spécifiques aux différents experts… Nous avons alors proposé un modèle d’agents cognitifs pour guider l’acquisition de connaissances de plusieurs experts (c’était le travail de thèse de Sofiane Labidi), et pour représenter leurs connaissances, nous avons choisi le formalisme des graphes conceptuels. Les graphes conceptuels permettent de décrire des relations entre des objets, des entités, etc. et peuvent être visualisés sous une forme graphique conviviale pour l’utilisateur. On peut par exemple décrire et visualiser sous forme de graphe conceptuel un accident de la route intervenu entre un camion et un vélo sur une route départementale. En comparant les graphes décrivant les connaissances de plusieurs experts, il est possible de déterminer ce qu’il y a de commun et ce qu’il y a de différent, d’élaborer des stratégies pour résoudre les conflits et intégrer les différentes connaissances : on peut par exemple privilégier les connaissances les plus générales, ou au contraire les connaissances les plus spécialisées.
Ces connaissances pouvaient-elles aussi provenir de documents ?
Nous avons cherché le meilleur moyen d’intégrer documents et bases de connaissances, dans le cadre de la thèse de Philippe Martin, avec l’outil CGKAT (Conceptual Graph Knowledge Acquisition Tool). Dans les entreprises, il existe en effet beaucoup de documents pouvant servir de sources pour construire une base de connaissances. L’idée a été d’associer à ces documents des graphes conceptuels, permettant de décrire leur contenu sémantique. Ces graphes reposent sur l’ontologie du domaine concerné, c’est-à-dire la description des concepts manipulés dans ce domaine et des relations entre ces concepts.
Nous avons alors choisi de développer une extension de WordNet, un dictionnaire développé par des linguistes du laboratoire des sciences cognitives de l’université de Princeton et pouvant être considéré comme une sorte d’ontologie de la langue anglaise. Nous avons pu appliquer CGKAT à l’accidentologie, en collaboration avec l’INRETS. Et cela m’a permis de retourner vers les langues, qui m’ont toujours attirée.
Votre approche reposait-elle nécessairement sur les graphes conceptuels ?
À l’époque, la méthode CommonKADS constituait une sorte de standard dans l’acquisition des connaissances. Nous l’avions d’ailleurs utilisée pour modéliser les connaissances des experts de l’INRETS en accidentologie. D’un autre côté, à l’Inria, l’équipe CROAP avait développé un logiciel, Centaur, capable de générer automatiquement un environnement de programmation dédié au langage dont on lui fournit une spécification.
Nous avons donc choisi le langage de CommonKADS, CML, permettant de décrire de manière formelle des bases de connaissances. Puis nous avons spécifié ce langage dans Centaur de manière à générer un environnement pour CommonKADS, et en particulier un éditeur structuré dédié à CommonKADS. Enfin, nous avons adopté la même démarche qu’avec CGKAT, en partant cette fois des documents accessibles sur le Web auxquels on associe des modèles d’expertise CommonKADS sur la base d’une ontologie décrivant le domaine : c’est le système WebCokace, développé par Olivier Corby et appliqué au développement d’un serveur de connaissances sur le pronostic et la thérapie du cancer du sein. Nada Matta l’a également appliqué à un serveur de connaissances sur la gestion de conflits en ingénierie concourante.
Nous avons donc approfondi notre approche « documents base de connaissances ontologies » à la fois dans le monde des graphes conceptuels et dans le monde de CommonKADS.
Cette époque est aussi celle où vous vous êtes tournée vers la mémoire d’entreprise…
Notre équipe travaillait beaucoup avec des entreprises (Dassault-Aviation, Dassault électronique…) ou avec des centres de recherche tels que l’INRETS. Or nous avons constaté que ce qui les intéressait, ce n’était pas de construire un système expert qui pourrait raisonner et être consulté au même titre qu’un expert humain, mais plutôt de capitaliser les connaissances de l’entreprise et les mettre à disposition des employés. Il s’agissait donc toujours d’acquisition des connaissances, seule la finalité changeait. De ce fait, la mémoire d’entreprise est devenue le fil conducteur de nos recherches.
Désormais, l’équipe ACACIA visait à offrir des méthodes et des outils qui permettraient à une communauté, une entreprise ou une institution de capitaliser et partager des savoirs. La mémoire, c’est d’ailleurs quelque chose d’essentiel dans la vie d’un homme, d’une communauté, d’une nation : ce qui blesse, ce qui détruit, c’est l’absence de mémoire.
Au sein d’une entreprise, le web s’avère un fabuleux outil de partage de connaissances…
C’est effectivement un formidable outil, grâce auquel le savoir peut aussi être transmis aux écoles et aux universités, même des pays les plus pauvres. Nous avions déjà pris en compte l’importance du Web dans WebCokace. Mais en 1999, nos travaux ont pris un tournant important grâce à une notion lancée par Tim Berners-Lee : le Web sémantique. Sur le Web, vous trouvez en effet tout un tas de documents, d’images, autrement dit de ressources. Mais pour le moment, seuls les humains sont capables de comprendre le sens de ces documents : comprendre par exemple qu’un camion est un véhicule, une collision un accident, etc. L’idée du Web sémantique, c’est donc de rendre explicite la sémantique des ressources du Web, pour que des programmes informatiques puissent l’exploiter. Ce qui nous a conduit, en faisant l’analogie entre les ressources du Web et celles d’une entreprise, à proposer ce qu’on appelle le Web sémantique d’entreprise : c’est l’approche du système Samovar, développé dans le cadre de la thèse de Joanna Golebiowska avec Renault.
Cette entreprise voulait capitaliser les connaissances accumulées lors de la conception de véhicules, et en particulier les problèmes qui avaient été rencontrés. Elle avait commencé à le faire sous la forme d’une base de données. Mais l’essentiel des informations de cette base de données se présentait sous forme textuelle, et si cette base représentait une mine d’informations, elle était très difficile à exploiter. L’idée a donc été d’utiliser des outils linguistiques pour analyser tous les champs textuels et construire de manière semi-automatique une ontologie décrivant tous les problèmes pouvant intervenir dans un projet véhicule. On pouvait ensuite utiliser cette ontologie pour indexer automatiquement les descriptions de problèmes figurant dans la base de données. Et l’on peut faire la même chose à partir de documents techniques, d’interviews d’experts, etc.
Une fois l’ontologie construite, il faut encore pouvoir faire des requêtes…
C’est ce que fait Corese, un moteur de recherche développé par mon collègue Olivier Corby, en exploitant l’ontologie et les annotations sémantiques (représentées au niveau interne sous forme de graphes conceptuels) pour retrouver des ressources plus pertinentes qu’avec des moteurs de recherche classiques. Exemple : avec un moteur de recherche classique, si vous cherchez des documents sur des accidents de véhicules, vous ne trouverez que ceux où les mots accident et véhicule apparaissent. Corese, lui, met à profit l’ontologie qui décrit les différents types d’accidents et de véhicules, ce qui lui permet de juger pertinent un document décrivant une collision (un type d’accident) entre un camion et un bus (deux types de véhicules).
Le projet européen CoMMA a permis d’étendre Corese et de l’exploiter dans le cadre d‘une mémoire distribuée dans plusieurs bases d’annotations gérées par plusieurs agents logiciels coopérant : c’était le travail de thèse de Fabien Gandon. L’équipe ACACIA a pu appliquer Corese dans des domaines très variés (médecine, biologie, télécommunications, bâtiment, automobile…), que ce soit pour construire une mémoire de projets, pour la cartographie des compétences ou pour la veille technologique, etc. Et la startup e-Core est en cours de création pour développer des solutions de gestion des compétences basées sur Corese.
Structurer le dossier patient pour aider la coopération médicale entre acteurs d’un réseau de soins, c’est le but du staff virtuel basé sur Corese et développé dans le cadre du projet Ligne de Vie. Ce staff virtuel repose sur une ontologie pour décrire les symptômes, les analyses, les maladies pouvant être diagnostiquées et les traitements possibles. Il aide les différents médecins à raisonner de manière coopérative pour établir un diagnostic complexe sur le cas du patient et à prendre des décisions entre plusieurs choix thérapeutiques possibles, en argumentant sur ces choix (Image : Projet ACACIA).
Le Web sémantique d’entreprise est-il encore au cœur de vos recherches ?
Nos recherches actuelles sont un peu une extension de ce Web sémantique d’entreprise. Nous exploitons les ontologies pour améliorer des algorithmes de recherche sur le Web, par exemple à des fins de veille technologique. Nous cherchons également à prendre en compte la manière dont évoluent au cours du temps une ontologie et des annotations. Nous essayons d’automatiser, au moins partiellement, la construction et l’enrichissement des ontologies ou des annotations sémantiques, par exemple à partir de sources textuelles ou à partir de bases de données. Nous étudions la gestion de multiples ontologies et de multiples contextes d’annotation. Le e-learning est pour nous un scénario très intéressant de gestion des connaissances. Nous commençons également à étudier l’apport des ontologies pour les services web. Nous essayons d’impliquer les utilisateurs finaux lors de la conception et de l’évaluation de nos systèmes et d’offrir des interfaces ergonomiques.
De manière plus générale, nous visons à améliorer la coopération entre entreprises et communautés via la constitution de « Web de connaissances ». Et c’est en phase avec l’objectif visé par l’Europe d’évoluer d’une « société de l’information » vers une « société de la connaissance ».
Télécom Paris, grâce à Jean-Louis Dessalles, a reçu le 31 mars 2022 la visite émouvante et chaleureuse de la famille de Rose Dieng-Kuntz : Georges Dieng, frère de Rose ; Françoise Dieng, soeur de Rose ; Sonia Dieng, nièce de Rose.
Rose m’a enseigné (avec mille autres choses) qu’en toute circonstance on pouvait se comporter avec humanité, faire preuve de justice et d’équité, être fidèle à ses valeurs. Elle m’a également appris qu’il ne fallait jamais se décourager, même si parfois c’est bien difficile. Travailler avec Rose a été un immense bonheur intellectuel et humain.
Elle a instauré une ambiance de travail exceptionnelle basée sur le respect, la confiance, l’amitié, le partage, qui font de l’équipe Edelweiss (ex Acacia) une communauté scientifique à visage humain. Rose est une grande scientifique, visionnaire, dotée d’une volonté de fer et d’une capacité de travail absolument sans limite. La seule chose avec laquelle Rose était (un peu) fachée, c’était la pendule et un jour où je le lui faisais remarquer, elle me répondit : « C’est vrai, mais tu comprends, c’est parce que je n’ai pas de montre ». Au delà de la science, ce que nous retiendrons surtout c’est sa bonne humeur, son amitié et son humanité.
Olivier Corby, Edelweiss, INRIA
C’était un jour de l’été 2007. Il était quinze heures à l’horloge de Vaugrenier, ta résidence. Je venais te rendre visite. Une visite à la fois professionnelle et amicale, comme nous t’en rendions régulièrement, Olivier, Fabien et moi, les « permanents » de l’équipe Edelweiss. Tu étais convalescente. On te voulait convalescente !
Je sonne à ta porte. Pas de réponse. Les minutes passent. Minutes d’inquiétude.
La porte s’ouvre enfin. C’est une très jeune femme qui m’accueille, aux yeux pétillants de vie. Une jeune femme à l’allure asiatique, longs cheveux raides et longue robe colorée. Aux premiers mots que prononce cette jeune femme, je m’aperçois qu’elle n’est autre que toi, Rose. Une Rose transformée. Une Rose à l’énergie retrouvée.
Cette après-midi-là, je souhaitais discuter avec toi du livre que tu voulais écrire, le livre de ta vie. Nous en avons parlé, mais si peu ! Tu m’as juste appris que tu allais t’y remettre. Très vite nous en sommes venus à l’équipe Edelweiss. C’est de la vie de l’équipe dont on a a parlé le plus: « What else! » aurais-tu pu dire. On s’est attaqué aux urgences du moment : les projets en cours, les « deliverables » à rendre, les articles à terminer.
Tu aimais rédiger des articles, Rose. Cela restait encore un de tes plaisirs les plus grands : combien de fois nous l’as-tu-répété ces mois derniers, avec « gourmandise ». J’aurais aimé que tu éprouves aussi le plaisir de terminer la rédaction de ton livre de vie. Ce jour d’été 2007, je pensais que cela allait être possible…
Rose, le coeur, le courage, tu nous l’a insufflé toutes ces années Acacia et Edelweiss. Tu as beaucoup donné à ces deux équipes que tu as « orchestrées » avec tellement de tact : tu as beaucoup donné à Acacia et beaucoup donné à Edelweiss. Avec Edelweiss, tu nous a légué une « petite fleur des montagnes » naissante. C’est à nous maintenant de la faire s’épanouir. C’est le défi qu’il nous faut relever, pour toi.
Alain Giboin (Edelweiss, Acacia – INRIA Sophia Antipolis)
Rose, j’ai eu le privilège et le plaisir de passer dix ans à tes côtés ; c’est-à-dire toute ma jeune carrière en recherche. Je te dois entièrement ces dix ans. J’ai appris tellement de choses entre un sourire, un tintement de bracelets, un rire aux éclats et un morceau de chocolat.
Je dois mon éducation scientifique à une femme de symboles qui en parallèle m’a aussi enseigné par l’exemple…
… que l’on pouvait diriger avec conviction tout en étant d’une infinie gentillesse,
… que l’humanisme et la générosité forment le meilleur ciment d’une équipe,
… que la volonté n’a pas de limites autres que celles qu’on lui imagine,
… que la passion et la joie de vivre sont des énergies renouvelables,
… qu’un sourire peut-être inné et une réponse à tant de questions,
… que la petite voix douce et posée d’une enfant de Dakar peut traverser des murailles,
… qu’il existait au moins une personne dont la capacité de travail était illimitée,
… que l’on peut être d’une intelligence reconnue mondialement et le cacher derrière une insondable humilité,
… que l’on peut toujours ajouter quelque chose dans une valise pleine, mais ce dernier point reste entre toi et moi.
Dix ans de tes enseignements, Rose, c’était trop court. J’aurais tellement voulu redoubler.
Ta force a ouvert tant de portes, Rose, que ce soir assis là sans toi, je ne sais plus où aller.
Fabien Gandon (Edelweiss, Acacia, INRIA).
Dans cet ouvrage
B DIAGNE parle d’elle Dans son ouvrage Le fagot de ma mémoire.
ROSE DIENG, UNE SCIENTIFIQUE D’EXCEPTION
AMADOU BATOR DIENG1 JUILLET 2020
Le 30 Juin 2008, décédait à Nice en France la Sénégalaise Rose Dieng, première femme africaine à intégrer l’École polytechnique de Paris en 1976. Son souvenir doit rester vivace pour les jeunes générations en quête de repères.
Déjà 12 ans que Rose Dieng-Kuntz nous a quitté. Spécialiste en intelligence artificielle, la sénégalaise est l’une des plus brillantes scientifiques africaine.
Née à Dakar en 1956, dans une famille de 7 enfants, Rose Dieng commence dés ses études primaires a montré une précocité exceptionnelle. Au collège, elle fréquente le lycée Van Vollenhoven pour y faire un parcours sans faute. Son nom raisonne encore dans les travées du fameux lycée. Avec un élève du nom de Souleymane Bachir Diagne, ils sont les stars de l’établissement grâce à leurs performances.
« Une dame super intelligente, gentille, affable, brillante. On a fait la terminale C, mais on se partageait tous les prix même en Latin et Grec au Concours général. Je n’ai pas toujours été premier. Parfois et le plus souvent d’ailleurs, c’est elle qui était première de la classe » se souvient celui qui est devenu l’un des plus réputés philosophe du continent.
Rose Dieng obtint en 1972, le premier prix au Concours général en mathématiques, en français, en latin, et le deuxième en grec. En 1973, elle décrocha le baccalauréat scientifique avec la mention Très bien et les félicitations du jury.
Sur les conseils de ses professeurs et grâce à une bourse de coopération, Rose Dieng, qui voulait devenir écrivain ou médecin, finit par suivre la classe préparatoire de mathématiques supérieures (Maths sup) en France. En 1976, alors qu’elle venait d’avoir vingt ans, elle devint la première femme africaine admise à l’École Polytechnique (France). Rose Dieng obtiendra également un diplôme d’ingénieur de l’École Nationale Supérieure des Télécommunications avant de présenter une thèse en informatique à l’université Paris-Sud. Ces études la menèrent à l’Institut National de Recherche en Intelligence Artificielle (INRIA) en 1985.
En ce qui concerne son travail, Rose Dieng-Kuntz scientifique passionnée, se consacra aux systèmes d’acquisition, de gestion et de partage des connaissances. Elle sera la deuxième femme chef de projet à l’INRIA. À partir de 1992, Rose Dieng est directrice de recherche et responsable scientifique du projet: Acquisition des Connaissances pour l’Assistance à la Conception par Interaction entre Agents (ACACIA) à l’INRIA Sophia Antipolis.
En 2005, Rose Dieng fut récipiendaire du Prix Irène Joliot-Curie, décerné par le Ministère de la Recherche et la Fondation EADS à « la scientifique de l’année », distinguant ainsi une femme qui s’est affirmée par son parcours et sa contribution à la Science.
Pour Michel Cosnard, Directeur de l’INRIA Sophia Antipolis Rose Dieng était d’une perspicacité et d’un audace remarquable.
« Au-delà sa personnalité exceptionnelle, de l’exemplarité de son parcours académique et professionnel, nous louons les qualités de visionnaire de Rose Dieng-Kuntz, une scientifique qui a su s’attaquer très tôt au problème de la modélisation des connaissances et de leur acquisition. Au lendemain de l’invention du web et bien avant sa diffusion planétaire, quelle perspicacité pour entrevoir ses applications, comprendre ses limitations et déchiffrer son évolution ! C’est faire preuve non seulement d’une remarquable audace scientifique et d’une grande confiance en soi, mais aussi d’un rare esprit d’indépendance que de sortir de la voie royale de l’académisme pour se lancer seule sur le sentier difficile et risqué de l’inconnu et de la découverte » a souligné Michel Cosnard.
Rose Dieng a fait sa carrière en France, mais conserva fièrement tout au long de sa vie sa nationalité sénégalaise. Son pays d’origine doit davantage la célébrer même si une annexe du lycée d’excellence Birago Diop au Golf Sud (Sénégal) porte son nom. Dans la ville de Nantes en France par contre, son nom est donné à une rue dans le parc d’innovation et à une place sur le campus de Paris-Saclay en 2017. En 2019, son nom est attribué à l’un des amphithéâtres des nouveaux locaux de Télécom Paris (où elle a poursuivi ses études après Polytechnique).
QUELQUES PUBLICATIONS
Müller, Heinz J. et Dieng, Rose (2000), Computational conflicts: conflict modeling for distributed intelligent systems, Berlin, Springer, 242 p.
Dieng, Rose et al. (2000), Designing Cooperative Systems: the Use of Theories and Models, Amsterdam, IOS, 426 p.
Dieng-Kuntz Rose et Matta Nada (2002), Knowledge Management and Organizational Memories, Springer, 216 p.
Ghodus, Parisa, Dieng-Kuntz Rose et Loureiro Geilson (2006), Leading the Web in Concurrent Engineering: Next Generation Concurrent Engineering, Amsterdam, IOS, 908 p.
[BIOGRAPHIE]
Rose Dieng-Kuntz, un cerveau sans frontière.
Ce nom est peut-être inconnu du grand public mais cette grande dame du monde scientifique et informatique a porté si loin les couleurs du continent qu’il serait injuste de ne pas lui rendre hommage. De plus, son expérience de vie ne peut qu’inspirer la jeunesse africaine.
Première femme africaine à être admise à l’école polytechnique en 1976, Rose Dieng-Kuntz est née au Sénégal en 1956.
Elle fit un brillant parcours au Lycée Van Vollenhoven de Dakar (actuel lycée Lamine Guèye).
En 1972, elle remporta au Concours Général sénégalais :
– le premier prix en Mathématiques
– le premier prix en Français
– le premier prix en Latin
– le deuxième prix en Grec
La même année, elle fut reçue au Baccalauréat section scientifique avec mention Très Bien et les félicitations du jury.
C’est par la suite qu’elle quitte son Sénégal natal pour la France où après les classes préparatoires, elle intégre la célèbre section X de l’Ecole Polytechnique de Paris en 1976. Elle devint ainsi, la première femme africaine de l’histoire à être admise dans cette prestigieuse école.
Titulaire du diplôme d’Ingénieur de l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST), et d’une thèse sur la spécification du parallélisme, elle débuta sa carrière chez Digital Equipment Corporation (DEC) avant d’intégrer l’Institut de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) en 1985.
Directrice de recherche à l’INRIA, elle fut la deuxième femme à y créer son propre projet de recherche, le projet ACACIA. Un projet sur l’acquisition, l’ingénierie et la gestion des connaissances, les ontologies et la web sémantique.
En effet, en 1995, avec l’avènement du web comme moyen privilégié de diffusion des connaissances, les travaux du projet ACACIA se sont élargis à la construction de serveurs de connaissance sur le web, et la construction de mémoires d’entreprise. La gestion des connaissances est ainsi devenue le fil conducteur de ces travaux. ACACIA a été l’un des premiers projets dans la communauté « ingénierie des connaissances » à saisir dès 1998 l’importance du web sémantique. Il a proposé une approche originale de gestion des connaissances reposant sur le web sémantique.
Madame Rose Dieng-Kuntz est décrite par ses pairs comme étant d’une grande perspicacité mais surtout d’une remarquable audace scientifique et d’une grande confiance en soi et d’un rare esprit d’indépendance ; et pour reprendre l’expression : « Un esprit visionnaire et un talent immense ». C’est donc sans surprise qu’en 2005, elle a été nommée la femme scientifique de l’année en France en recevant le prix Irène Juliot-Curie. L’année suivante, elle a été faite Chevalier de l’ordre national de la légion d’honneur.
Ainsi, Rose Dieng a écrit ou participé à plus de 200 publications scientifiques. Elle a œuvré pour transmettre sa passion aux jeunes en particulier les filles avec notamment une bourse à son nom pour encourager les jeunes filles à entreprendre des études scientifiques.
Elle est décédée le 30 juin 2008 des suites d’une longue maladie, à l’âge de cinquante-deux ans.
SOURCES : African Success / Grioo.com / Africagate / Wikipédia