On a longtemps considéré à juste titre l’Afrique du Sud comme le pays le plus riche du continent africain. Le revers de la médaille c’est que cette première puissance industrielle accueille de nombreux migrants venus de tous les pays d’Afrique, y compris du Sénégal et que ces flux migratoires sont sources d’une grande tension.
Depuis quelques semaines on assiste ainsi dans le pays, notamment à Johannesburg et à Prétoria, à des émeutes, des pillages de magasins qui pour beaucoup sont exploités par des Nigérians. Et certains n’hésitent pas à dire que si cette poussée de violence vise la communauté immigrée c’est que celle-ci est tenue pour responsable de la crise économique que traverse l’Afrique du Sud et en particulier d’un chômage record de 19%. La recherche d’un bouc émissaire n’est pas nouvelle, en d’autres lieux et d’autres temps les juifs, les tziganes et d’autres populations en ont fait tristement les frais. Et on sait que pointer du doigt de soi-disant responsables peut conduire aux dernières extrémités. La singularité dans la situation actuelle des massacres entre « noirs » revient à cultiver la haine de soi, les « étrangers » ayant en effet la même couleur de peau.
Le ministère Nigérian des affaires étrangères a aussitôt réagi et menacé les autorités de Prétoria. Il y a de quoi il est vrai s’inquiéter de la situation quand on constate que des dizaines de routiers ont été tués depuis le début de l’année dernière selon l’ONG Human Rights Watch.
Le président africain Ramaphosa est confronté à une situation délicate car s’il juge « inacceptables » les attaques contre les étrangers il doit parallèlement faire face à un certain nombre de voix qui s’élèvent dans le pays contre les manquements de son gouvernement. Il marche donc sur le fil du rasoir et il va lui falloir agir rapidement et efficacement sur le plan intérieur pour rétablir le calme et apaiser les tensions entre communautés. Il va lui falloir aussi sur le plan extérieur amplifier le dialogue avec des pays voisins comme Le Mozambique, la Zambie et le Zimbabwe dont les travailleurs sont de plus en plus nombreux à franchir la frontière avec l’Afrique du Sud.
On commence en effet à parler de plus en plus ouvertement « d’Afrophobie », de « racisme entre noirs » et il ne faudrait pas que se reproduisent les violences qu’à déjà connues le pays en 2015 et en 2017 comme l’a fort justement signalé l’historien et enseignant à l’université du Witwatersrand à Johannesburg Achille Mbembe.
Je souhaite pour ma part que chacun revienne à la raison, que le dialogue s’installe entre les différentes parties concernées et que des solutions pacifiques émergent. Il est important en effet que les différentes communautés d’Afrique du Sud puissent vivre en harmonie et partagent équitablement les richesses produites. Le respect de chacun et de la liberté pour tous a été le combat de toute une vie pour Nelson Mandela et celui-ci doit se retourner dans sa tombe en voyant ce qui se passe. Chacun doit avoir à cœur que rien ne vienne troubler son repos éternel.
Ibrahima Thiam, président du mouvement « Un Autre Avenir »