Les Misérables, Un film qui interroge la société dans sa diversité

 « LE FILM UNIVERSEL – un fil qui nous parle et nous interroge. Il interroge aussi la société et ses dérives, l’éducation, le sens de la retenue, le respect des gens mais aussi de ces personnes qui sont aussi des parents qui portent un uniforme. Il est possible de pacifier les relations, force doit revenir à la loi quand la démocratie fonctionne.Précisons que la force ne fait pas Loi.

Dans une République chacun doit respecter la loi, et tout abus doit être sanctionné ».  P b CISSOKO

Synopsis et détails

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…

Il y a 24 ans, le film de Mathieu Kassovitz, la Haine (à Cannes, déjà,) tirait la sonnette d’alarme et préfigurait les émeutes en banlieue. Force est de constater qu’en un quart de siècle, les choses ne se sont pas arrangé, voire ont empiré. C’est le bilan que dresse avec force et justesse le premier film de Ladj Ly : Les Misérables et il est sans appel. A travers le premier jour d’un policier de la BAC à Montfermeil (Damien Bonnard), on comprend vite que la France des quartiers est en train d’imploser, sous une tranquillité de façade. Les jeunes générations, « les microbes », comme les appelle Ladj Ly, n’ont plus d’espoir et comme chacun sait : c’est précisément quand on n’a plus rien à perdre, qu’on est le plus dangereux… Interview.

 

Cannes 2019: qui est Ladj Ly, réalisateur des Misérables, premier film français en compétition?

Il n’a jamais quitté la banlieue déshéritée où il a grandi et fait ses armes de cinéaste: véritable surprise de la sélection officielle cannoise, l’autodidacte de 39 ans a fondé, loin de la croisette, une école de cinéma gratuite où les élèves se rêvent en «nouveaux Spike Lee». Son film est projeté ce mercredi en compétition officielle.

Par AFP agence et Le Figaro

 

Pour les élèves de son école de cinéma gratuite, Ladj Ly fait figure de «messie». ERIC FEFERBERG/AFP

À Clichy Montfermeil, la cité des Bosquets – 5400 habitants, 40% de chômage, 33% d’immigrés- est à la fois le «village» et le studio de tournage de l’auteur des Misérables, premier film tourné dans la foulée d’un court-métrage sélectionné l’année dernière aux César. C’est aussi là que Ladj Ly, autodidacte de 39 ans est devenu réalisateur, en 2005, en filmant les révoltes urbaines nées dans sa ville après la mort de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, dans un transformateur électrique. Et là encore qu’il a ouvert en novembre, avec le collectif Kourtrajmé (Romain Gavras, Kim Chapiron, JR…), une école de cinéma gratuite et accessible sans condition d’âge ni de diplôme, projet qu’il avait en tête depuis plus de dix ans.

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Lui qui «n’en revient pas de son parcours» dit vouloir avant tout montrer que «c’est possible de faire des films sans avoir un paquet d’argent». Et «partager son réseau avec ceux qui n’en ont pas». «Le milieu du cinéma est en train de s’ouvrir à la diversité. Peu à peu on va pouvoir, nous aussi, raconter nos histoires», prédit ce fils d’immigrés maliens. «L’enjeu c’est aussi ça: j’en ai marre qu’on raconte nos histoires à notre place».

Cet après-midi d’avril, une demi-douzaine d’aspirants réalisateurs achèvent leur formation avec le tournage d’un court-métrage au sommet de la butte Montmartre à Paris. Sur leurs visages, des sourires dignes de gagnants du loto. «Ladj arrive comme le messie», dit Gaspa, 33 ans, qui s’est heurté au «manque de réseau» quand il a voulu réaliser son premier court. Ce directeur d’une maison de quartier de Seine-Saint-Denis, qui a toujours évolué dans un univers cosmopolite, se désole de ne pas être capable de citer le nom d’un réalisateur français noir: «C’est catastrophique… On va essayer d’être les nouveaux Spike Lee

Défoncer les portes

«J’ai appris ici qu’il y a des portes d’entrée pour intégrer ce milieu très fermé, et que c’est à nous d’y aller. Quitte à les défoncer si nécessaire», sourit Nouta Kiaïe, 23 ans. Elle précise: «Quand t’es une femme ça demande plus d’efforts. Mais il suffit juste de taper un peu plus fort pour ouvrir». «Ladj nous a montré que c’était possible. On se sent à notre place», enchaîne Bouchra Ouikou, une ancienne danseuse hip-hop de 36 ans, doyenne de la promo arrivée de banlieue toulousaine.

Pour leur formateur, Thomas Gayrard, «le fait que Ladj, un mec de la cité devenu cinéaste au moment des émeutes, se retrouve en compétition pour la Palme d’Or aux côtés de Ken Loach ou Terrence Malick, est déterminant. Et fait de lui un modèle». «Ce qui joue dans ce métier c’est la confiance en soi et le fait de se sentir autorisé à faire les choses», dit ce réalisateur qui sait «qu’il y a des portes qu’on n’ouvre pas à ceux qui appartiennent à ce milieu social» défavorisé. Formé à la Fémis, prestigieuse école de cinéma parisienne, il souligne que la photo de classe de sa promotion ne ressemble en rien à celle de l’école Kourtrajmé: «Je préfère la photo d’ici, qui rassemble toutes les origines, tous les horizons, tous les possibles.» Venu donner une master class à Clichy, comme Michel Hazanavicius, Vincent Cassel ou encore Leïla Bekhti, le coréalisateur d’Intouchables, Olivier Nakache, salue «un endroit incroyable» qui rappelle «que le cinéma n’est interdit à personne».

Plus de 1500 candidats, à 90% originaires de la périphérie des grandes villes françaises, ont postulé pour les 30 places disponibles dans les trois sessions (scénario, réalisation, postproduction), lancées grâce au soutien des «Ateliers Médicis», inaugurés à l’été 2018 par l’État. «Ladj, qui s’est fait de rien, est en train de reproduire son parcours. Avec Cannes, c’est la récompense de 20 ans de travail», dit son frère cadet et bras droit, Amade. «Ce bonheur, on le partage avec tout le quartier.»