La question de l’action dans la polémique entre mondialistes et altermondialistes autour de la pauvreté
Karina Masasa
La notion de dialogue de sourds réfère à la stérilité d’échanges polémiques insolubles. Mais ce type d’échange est-il toujours stérile de façon absolue ? On verra, dans le cas de la polémique médiatique qui oppose mondialistes et altermondialistes, que l’argument ad rem de la nécessité d’agir afin de résoudre la question de la pauvreté, finit par donner le ton et par décentrer les affrontements ad hominem qui occupaient seuls le devant de la scène. Cette contribution a donc pour but de justifier l’hypothèse suivante : le consensus autour de l’obligation d’agir permet ici de surmonter l’obstacle de l’aporie. Ceci implique néanmoins que l’analyse critique du rapport à l’action ait non seulement les postures des polémiqueurs pour objet, mais aussi celles des médias qui en rendent compte. Contribuent-ils au retour à la polémique ad rem ou, au contraire, à son blocage et à une mise en scne sensationnaliste de l’interincompréhension ?
Culture et dialogue de sourds
L’actualité récente, qu’elle soit locale ou internationale, nous parle de culture. Celle du silence, celle qui est associée à une façon de pratiquer telle ou telle religion, celle d’une industrie ou d’un type de poste, ou encore celle associée à une génération, à une couleur de peau ou à une langue, parlée ou signée. Mais il y a aussi les questions matérielles, artistiques ou technologiques, les comportements et les vêtements qui caractérisent un groupe ou une strate sociale, ou encore une nation. Le dialogue de sourds là-dedans? C’est celui qui consiste, de part et d’autre, à tenter de faire valoir le bien-fondé de ses opinions et à se draper dans une dignité que démentent des propos ou des comportements peu respectueux d’autrui, de l’autre.
BERNADETTE PETITPAS, CRHA
Vous l’aurez remarqué, aucun exemple ne vous est fourni, aucune position n’est décrite pour être ensuite soutenue ou mise à mal, que ce soit par l’auteure de ces lignes ou par quelque lecteur, pas vous bien sûr… Parce que le dialogue de sourds, c’est l’art de ne pas voir, ne pas entendre, et encore moins comprendre et respecter l’autre, volontairement ou pas, c’est selon. Belle démonstration du proverbe qui dit qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
L’avantage de ne pas vouloir entendre? Il y a, entre autres, l’espoir de ne pas avoir à tenter de comprendre ceux qui sont autres, ni à s’interroger sur ses propres opinions, comportements et valeurs, sur la pertinence d’envisager des rajustements, et puis la possibilité de se présenter comme victimes, car ainsi, on peut présenter comme une forme d’autopréservation le fait de demander ou de s’attendre à ce que ce soit l’autre qui change, qui s’adapte.
L’inconvénient de ce type d’échanges? C’est justement qu’il n’y a pas d’échange, seulement du bruit. On ne s’entend pas, au propre comme au figuré. La notion de compromis n’est pas même envisagée, alors bien sûr, il est impossible de trouver ne serait-ce que le début d’une solution, ou l’amorce d’une idée pour améliorer le vivre ensemble.
Il suffirait, diront certains, que l’Autre écoute, entende, fasse preuve de respect, quand Nous avons le bon droit pour nous. Mais quel est donc celui ou celle qui commencera à écouter? Et ne risquons-nous pas de nuire au caractère convaincant ou percutant de nos positions en tentant de mieux comprendre l’autre? Il suffit d’imaginer ce qu’il adviendra si chacun reste sur ses positions : perdant-perdant.
Alors, lorsque confrontés à une telle situation, que pouvons-nous faire? Réfléchissons à quelques mots-clés.
- Respecter : oser écouter vraiment autrui, ce qui ne signifie nullement se rallier automatiquement à sa position.
- Comprendre : être prêt à se mettre dans la peau de l’autre pour bien saisir ses préoccupations et ses aspirations, ses priorités, tant au plan intellectuel qu’au plan émotionnel.
- Modérer : son discours et ses gestes en tenant compte des intérêts de tous et en respectant les lois et l’éthique, pour que l’intensité de l’attitude ne nuise pas à la capacité d’être entendu.
- Créer : oser s’éloigner des affirmations ou positions toutes faites pour proposer un cadre, un modèle, une approche ou une idée qui saura rallier les éléments fondamentaux de fond et de forme.
- Lâcher prise : parce que, comme dirait Shakespeare, le diable est dans les détails et que ces derniers peuvent parfois faire oublier l’essentiel.
- Évoluer : parce que la vie est mouvement et qu’elle entraîne les cultures à sa suite, chacune différemment.
Et vous? Comment pourrez-vous aider à aller au-delà de certains dialogues de sourds dans vos milieux, professionnels ou personnels?
BERNADETTE PETITPAS, CRHACO-FONDATRICEKRÔMA CONSEIL ET COACHING
À propos de l’auteure
Bernadette Petitpas, CRHA, MBA, membre de l’ICF, présidente de Polychrome Conseil et Coaching, met sa longue expérience à titre de stratège et cadre supérieure en ressources humaines au service de ses clients. Elle accompagne diverses organisations des secteurs privé, public et communautaire en matière de gouvernance, d’efficacité opérationnelle, de compétences, de gestion du changement et de transfert d’entreprises. On peut la joindre par courriel à bpetitpas@polychrome-conseil.com