Dans le documentaire « La Révolte des vieux », la journaliste Laure Adler essaie de briser les tabous qui entourent la sexualité des personnes âgées, en particulier dans les Ehpad.
Par Mathieu Alfonsi
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Une partie du documentaire La Révolte des vieux est consacrée à leur sexualité afin de faire évoluer le regard de la société sur ce sujet.
SEXUALITE – C’est l’un des tabous les plus tenaces sur nos aînés : leur sexualité. Dans le documentaire La Révolte des vieux, diffusé ce mercredi 15 février sur France 2, la journaliste Laure Adler signe un manifeste en faveur des personnes âgées afin de faire évoluer le regard de la société à leur égard. Une partie du documentaire est donc consacrée à leur sexualité.
« Les vieux dérangent, dégoûtent (…). Pourtant ils ont encore du désir, se caressent encore, et, oui, ils font encore l’amour », introduit la septuagénaire dans le documentaire. Elle participe à une formation autour de la sexualité dans les Ehpad animée par Francis Carrier, le coordinateur de l’association Grey Pride. « Après 50 ans, vous basculez dans un monde où vous n’êtes plus un objet de désir, ni désirable ni désiré. Mais à quel âge n’a-t-on plus envie d’être caressé ou de caresser quelqu’un ? » interroge-t-il.
Des tabous ancrés dans les Ehpad
La sexualité des vieux est particulièrement taboue dans les Ehpad. « Souvent, on met en place des dispositifs comme ’le double lit’ ou ’la chambre de l’amour’. Mais ce n’est pas ça le sujet. On le traite comme ça car on a du mal à prononcer certains mots », dénonce Francis Carrier. Les membres du personnel des maisons de retraite ont tous des anecdotes à raconter à ce sujet. Ils sont les témoins privilégiés de la sexualité des aînés.
Une infirmière se souvient par exemple avoir retrouvé « une résidente dans le lit d’un autre résident » en faisant sa tournée de médicament. « J’ai refermé la porte et je suis repassé après. » Selon elle, les réactions du personnel face à ce genre de situations ne sont pas toujours aussi bienveillantes : « Je peux comprendre que certaines personnes soient choquées, que d’autres non. Ça dépend de notre vie et de notre cheminement personnel. » Surtout, la formation n’aide pas : seulement 4 heures ont été dédiées à ce sujet pendant ses trois années d’étude, souligne l’infirmière.
Autre sujet dont on ne doit pas prononcer le nom dans les Ehpad : la masturbation. « On dit que visionner un porno dans une maison de retraite est impossible. Pourquoi quelqu’un ne pourrait pas le faire s’il en a envie et si ça ne dérange personne ? » Questionne Francis Carrier avant de continuer : « On peut se masturber, c’est quelque chose de rependu à tout âge. Il faut pouvoir l’évoquer. » Selon lui, ces tabous sont liés à un « poids religieux, un poids culturel et un poids personnel. Il est essentiel de pouvoir discuter de tous ces sujets ».
74 % des seniors en couple font encore l’amour
Les Petits frères des pauvres ont lancé en septembre dernier une campagne de communication sur la sexualité des séniors après la publication d’un rapport sur le sujet. L’association révélait que 91 % des personnes âgées en couple disent éprouver du désir pour leur conjoint, que 74 % ont encore des relations sexuelles et que 71 % des seniors estiment qu’« un corps qui vieillit peut rester désirable ».
L’étude remet également en cause l’approche de la sexualité dans les Ehpad, où les pulsions sont considérées comme un « problème », et l’intimité des seniors pas toujours respectée, selon ses auteurs. Pourtant, 84 % des personnes âgées déclarent qu’elles sont à l’aise avec le sujet de la sexualité. Mais plus d’une sur deux considère qu’il est encore tabou dans la société.
Certains exemples montrent toutefois qu’il est possible de prendre la question de la sexualité des seniors, en particulier dans les Ehpad. En Suède, un établissement situé à Broby, dans le sud du pays, développé un rare modèle pour permettre à ses pensionnaires de vivre une vie épanouie sur le plan sexuel. L’établissement propose une discussion à bâtons rompus sur l’intimité et le désir dès l’arrivée d’un ou d’une résidente au sein de la maison. Le personnel ayant été formé à ces questions par une sexologue. Cet Ehpad fournit aussi un panier de plaisir rempli de différents sex-toys, crèmes et lubrifiants. L’exemple à suivre ?
la sexualité des seniors, ce documentaire tente de briser les tabous (huffingtonpost.fr)