De notre envoyé spécial à Dakar, Jean-Yves Duval
… Et la locomotive s’appelle Abdoul MBaye, un homme dont les sénégalais se souviennent qu’il fut le premier Premier ministre de Macky Sall, durant dix-huit mois, et sans doute le meilleur.
A l’époque il mit en œuvre des réformes cruciales pour l’avenir du pays. Cet ancien banquier international, à qui l’Afrique doit le redressement de plusieurs établissements financiers de première importance, ancien élève de Louis Legrand à Paris et diplômé de HEC, la plus prestigieuse grande école économique française, l’équivalent de Harvard aux Etats-Unis, savait ce qu’il faisait.
Au cours des années suivantes, cet homme rigoureux, un brin techno, compétent, intègre et patriote, retourna à ses chères études sans pour autant quitter la politique, grâce à la fondation d’un parti politique, et, en homme de réseaux ayant tissé des relations et des liens de premier plan avec plusieurs personnalités dirigeantes de la planète, il n’a cessé d’observer les soubresauts de la société sénégalaise d’un regard critique et de réfléchir aux solutions nécessaires à son rétablissement. Après le temps de la réflexion est venu le temps de l’action.
A la surprise générale, Abdoul MBaye vient en effet de sortir du bois, en se proposant d’incarner un recours pour son pays, à un moment où celui-ci connaît un climat politique délétère entre l’immobilisme d’un Macky Sall, usé jusqu’à la corde après deux mandats présidentiels, qui projette de se représenter une troisième fois à la faveur d’un artifice constitutionnel, et un Ousmane Sonko, le leader du Pastef, empêtré dans des affaires judiciaires, connu pour ses idées populistes, et aux dires de ses adversaires « pro-russe ».
A son sujet, Ibrahima Thiam a eu ses mots aux accents de slogan de campagne : « Un mandat de Sonko est un mandat de trop ! »
Le train s’est ébranlé samedi 18 mars au coup de sifflet précisément du chef de gare, Ibrahima Thiam, président du mouvement politique « Un Autre Avenir », l’un des quinze partis et mouvements politiques ayant rejoint la coalition autour de Abdoul MBaye. La gare en l’occurrence était l’hôtel « l’Océan » à Dakar et les partisans de « l’appel pour 2024 » verront là le symbole d’un nouvel horizon pour le Sénégal, une façon de prendre le large et d’oublier les années Macky Sall.
Dans la salle, plus de quatre cents supporters avaient répondu à l’invitation des organisateurs et parmi les dizaines de journalistes sénégalais présents pour couvrir l’événement j’étais le seul journaliste français, invité en qualité de directeur d’Ichrono et de rédacteur en chef de l’édition française de Diasporavision. A un moment, où en Afrique de l’Ouest, en particulier au Sahel, des voix anti-françaises se font de plus en plus nombreuses, ici rien de tout cela, aucune hostilité, mais au contraire un accueil digne de la Teranga, le pays de l’hospitalité.
Pour avoir couvert plusieurs campagnes électorales françaises, le moment le plus surprenant a été la prestation de serment solennel d’Abdoul MBaye, à la demande de Ibrahima Thiam, cheville ouvrière de la soirée et que l’on devine très proche de l’ancien Premier ministre. L’avenir nous le confirmera sans doute. Abdoul MBaye a alors juré devant Dieu et les Sénégalais de servir loyalement son peuple en cas de succès à l’élection de février prochain, de restaurer et de défendre les institutions, et de mettre en œuvre les réformes courageuses dont le pays a le plus grand besoin.
Si Macky Sall a souhaité laisser son nom dans les manuels d’histoire comme un président-maçon ( autoroutes, ville nouvelle de Diamnano, train express régional, etc.) le tandem Mbaye – Thiam considère pour sa part qu’il est plus urgent de rebâtir un pacte social pour les Sénégalais, de s’intéresser davantage aux hommes et aux femmes de ce pays, à leur devenir et leur épanouissement en matière d’éducation, de formation,de santé, de justice, grâce à un nouvel élan économique, plutôt qu’aux structures architecturales et autres réalisations du BTP.
Il y a là deux conceptions radicalement différentes de la société sénégalaise de demain qui s’affrontent : d’un côté un développement « matériel », visible, et de l’autre une vision humaniste en faveur notamment de la jeunesse et de son avenir. Et une volonté clairement affichée : Il faut stopper les mouvements de départ, souvent périlleux, vers l’Europe. Le Sénégal a besoin des talents de sa jeunesse qui sont nombreux et multi-formes, y compris dans l’auto-entrepreneuriat. Il lui faut pour ça offrir des débouchés professionnels et des perspectives, sur place, dignes de ces jeunes gens.
En février prochain les Sénégalais auront à choisir entre l’isolement, avec un Sonko, qui, comme dans la chanson de Johnny Hallyday est prompt à « allumer le feu » (on se souvient des émeutes de rues en 2021 et le nombre tragique de victimes) et le rayonnement de leur pays, susceptible d’être un exemple pour le continent tout entier avez Abdoul MBaye, manager aux compétences économiques reconnues, secondé pat Ibrahima Thiam connu pour sa fibre sociale.
Il reste à attendre moins d’un an, avec à la clé un formidable enjeu pour ce pays riche en ressources humaines et de son sous-sol. Une formidable partie de billard à trois bandes vient de s’engager. Mieux vaut cela qu’une parie de poker menteur Sall-Sonko.
Jean-Yves Duval,
Directeur de Ichrono et rédacteur en chef de l’édition française de Diasporavision.