Procès du FN: condamnée à l’inéligibilité, Marine Le Pen ne pourra vraisemblablement pas se présenter à la présidentielle de 2027

Le jugement dans le procès pour «détournements de fonds publics et emplois fictifs» a été rendu ce lundi matin. Neuf élus, dont Marine Le Pen, ont été condamnés à une peine d’inéligibilité immédiate.

La cheffe de file de l’extrême droite française Marine Le Pen a été condamnée lundi à cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds publics, une décision qui provoque un coup de tonnerre politique à deux ans de la présidentielle.

Mme Le Pen, 56 ans, a également été condamnée à une peine d’emprisonnement de quatre ans, dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique. Mais c’est l’inéligibilité, non suspensive même en cas d’appel, qui menace de lui barrer la route pour l’élection de 2027, dans laquelle elle apparaissait favorite, après trois tentatives infructueuses depuis 2012.

Son avocat, Me Rodolphe Bosselut, a annoncé qu’elle allait faire appel de la décision, mais compte tenu des délais de la justice, un second procès pourrait ne pas se tenir avant au moins un an, à quelques mois de la présidentielle.

Alors que la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis, a estimé en rendant son jugement qu’il fallait «veiller à ce que les élus comme tous les justiciables ne bénéficient pas d’un régime de faveur», les réactions se sont multipliées sur le thème du «scandale politique».

Le tribunal a estimé que Marine Le Pen était «au coeur de ce système».

Appel à la mobilisation

Le président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella, qui fait désormais figure de présidentiable pour son parti, a appelé à une «mobilisation populaire et pacifique» et dénoncé «la dictature des juges».

Illustrant le choc provoqué par cette décision, le premier ministre François Bayrou lui-même a fait savoir par son entourage qu’il était «troublé par l’énoncé du jugement».

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) français a lui exprimé dans un communiqué son «inquiétude face aux réactions virulentes» et mis en garde contre la remise en cause de l’indépendance de la justice.

La condamnation de Marine Le Pen reflète une stricte application du droit, «sans déni de démocratie», «ni gouvernement des juges» car ceux-ci ne sont que «la bouche de la loi», a souligné la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina dans un entretien à l’AFP. C’est en effet le Parlement, estimant que les juges ne l’appliquaient pas assez, qui a renforcé la mesure d’exécution immédiate de l’illégibilité.

Soutien à l’étranger

Les réactions ont fusé aussi à l’étranger chez les soutiens du parti d’extrême droite.

Le Kremlin a déploré une «violation des normes démocratiques», le premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, a écrit sur X: «Je suis Marine!».

Le patron de l’extrême droite néerlandaise Geert Wilders s’est dit «choqué» et le vice-premier ministre italien Matteo Salvini a fustigé une «déclaration de guerre de Bruxelles».

En dépit de son inéligibilité, Mme Le Pen conserve son mandat de députée en cours.

L’ambitieux Jordan Bardella bénéficie d’une large cote de sympathie, supérieure, même, à celle de sa mentor selon un récent sondage.

«Au coeur du système»

Certains adversaires politiques du RN craignent qu’une telle décision judiciaire soit incomprise d’une partie de l’opinion, et qu’elle ne fasse in fine le jeu du parti d’extrême droite.

A Hénin-Beaumont (nord), fief de Marine Le Pen, les habitants rencontrés par l’AFP ont dénoncé une décision «politique». «C’est vachement nul (…) Je trouve pas ça logique qu’elle soit punie pour ça», déclare ainsi Stacy Taquet, 28 ans, en recherche d’emploi.

«C’est honteux parce qu’elle avait sa place» et elle ne pourra pas se présenter, renchérit Karine Groulez, aide-soignante de 56 ans. «Ils ne veulent pas qu’elle soit présidente et puis c’est tout».

Tout au long du procès, Mme Le Pen n’a cessé de clamer son innocence. Le tribunal a établi que Marine Le Pen était «au coeur du système», d’une pratique «organisée, centralisée» pour «optimiser» et dépenser de façon «intégrale» les enveloppes de 21’000 euros auxquels les députés avaient le droit au Parlement européen pour payer leurs assistants parlementaires.