Pour une nouvelle culture de l’attention  Que faire de ces réseaux sociaux qui nous épuisent ?  Stefana Broadbent, Florian Forestier, Mehdi Khamassi, Célia Zolynski

Notre temps de cerveau se monnaye sur Internet : à l’ère des contenus personnalisés, de la publicité ciblée et des agents conversationnels, sommes-nous devenus des biens consommables dans le marché de l’attention ?
Les plateformes peuvent-elles nous manipuler pour orienter nos décisions ?
La captation de notre attention n’est pas seulement un risque personnel pour notre temps, nos enfants ou notre argent. C’est aussi une menace démocratique : les libertés et le vivre-ensemble sont compromis par des logiques sournoises qui nous épuisent, polarisent les points de vue et appauvrissent notre expérience du monde.
Ce livre décrit en détail les ressorts cognitifs et psychosociaux utilisés par les algorithmes et le marketing digital pour nous cerner, nous orienter, nous soustraire des données contre notre gré… avec un cadre légal à repenser.
Quatre chercheurs croisent les apports des sciences cognitives, du design, de la philosophie et du droit pour proposer
une véritable régulation de la question attentionnelle
dans le monde numérique.

« Une nouvelle culture de l’attention pour échapper aux algorithmes

Impressions d’impuissance, frustrations, difficultés de concentration sont les symptômes d’un mal-être généré par les plateformes numériques. La captation de notre attention vise à obtenir toujours plus de données, le plus souvent à notre insu. Cette nouvelle économie de l’attention aboutit à une perte de contrôle individuelle et collective, susceptible de porter atteinte à la démocratie. Chercher à mieux comprendre le phénomène, c’est déjà un début de réponse.

Notre invitée, l’anthropologue Stefana Broadbent, spécialiste du numérique publie avec trois autres chercheurs Florian Forestier, Mehdi Khamasi et Célia Zolynski : « Pour une nouvelle culture de l’attention, que faire de ces réseaux sociaux qui nous épuisent ? », aux éditions Odile Jacob. L’ouvrage permet de croiser les apports des sciences cognitives, du design, de la philosophie et du droit, pour proposer une véritable régulation de la question attentionnelle dans le monde numérique.

Avez-vous du mal à lâcher votre smartphone ? Êtes-vous satisfait de passer des heures à « scroller » machinalement sur Facebook ? Pourquoi les adolescents sont-ils souvent rivés à leur écran jusque sur la plage et comment notre société en est-elle arrivée à le banaliser ? Si vous souhaitez comprendre par quels stratagèmes le numérique risque de nous engloutir ou que vous cherchez juste à reprendre le contrôle, lisez ce livre.

De manière claire et progressive, il nous explique la complexité de nos usages et de nos rapports au numérique, notre dépendance parfois, et son omniprésence dans nos vies. Pour cela, il croise les regards de plusieurs disciplines, en particulier l’anthropologie, la philosophie, les sciences cognitives et le droit. Sans négliger les aspects économiques, car l’un des problèmes est que le numérique repose sur une « économie de l’attention », au sein de laquelle les plateformes vendent aux agences publicitaires du « temps de cerveau disponible », pour reprendre l’expression de l’ancien patron de TF1 Patrick Le Lay.

Surtout, les quatre auteurs proposent des solutions pour instaurer un autre rapport au numérique. Ils appellent ainsi à transformer cette économie de l’attention pour créer de nouveaux écosystèmes qui soient vivables et protègent nos ressources cognitives. Cela passe par une régulation accrue, une des pistes étant d’interdire les dark patterns, ces interfaces conçues pour nous amener de manière insidieuse à fournir des données personnelles ou à souscrire un service que nous ne désirons pas forcément (par exemple, en demandant de cocher une case pour ne pas être inscrit à une newsletter plutôt que pour s’y inscrire). Mais l’ouvrage propose bien d’autres pistes d’actions, individuelles ou collectives. C’est donc une invitation à reprendre le contrôle de nos ressources cognitives et plus généralement à retrouver notre liberté, en même temps qu’un outil pour nous le permettre. En cela, il constitue un véritable acte militant et sa lecture est salutaire.

François Maquestiaux

Stefana Broadbent, anthropologue spécialiste du numérique, est professeure dans le département de design de l’École polytechnique de Milan.
Florian Forestier, docteur en philosophie et écrivain, est spécialiste de régulation numérique.
Mehdi Khamassi, directeur de recherche en sciences cognitives au CNRS, est chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique de Sorbonne Université.
Célia Zolynski, professeure de droit à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, est spécialiste du droit du numérique.