Des chercheurs ont relevé, mardi, les principaux défis entravant l’utilisation des informations scientifiques issues des modèles climatiques, agricoles et économiques dans les politiques et programmes nationaux du Sénégal.
”Il y a très peu de synergies entre les chercheurs, entre les structures pour avoir des résultats partagés et des données accessibles à tous”, a déclaré Dr Laure Tall, directrice de recherches à l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR).
Elle s’exprimait lors d’un atelier de partage sur l’‘’évaluation des besoins en informations scientifiques pour orienter les politiques et programmes agricoles résilients au Sénégal’’.
Selon elle, une étude menée à cet effet a permis d’’’identifier les défis liés à l’utilisation de l’information scientifique, notamment l’accès limité et coûteux aux données, leur dispersion sur diverses plateformes non centralisées, ainsi que le manque de partage entre chercheurs, praticiens et bailleurs’’.
‘’Les informations scientifiques sont souvent difficilement utilisables par les décideurs et producteurs en raison de formats trop techniques, d’une communication inadaptée et d’une mauvaise traduction des résultats en actions concrètes ou en orientations politiques’’, a-t-elle relevé.
Elle a également noté ‘’l’absence de coordination, de collaboration et d’engagement des parties prenantes et l’intégration limitée des actions des ONG et des institutions publiques’’.
Il y a également le déficit en expertise technique, en ressources humaines qualifiées et en outils d’évaluation des politiques, a souligné Mme Tall.
Citant l’étude, elle déclare que ‘’la production de variétés adaptées, l’accès à l’information climatique, au financement, et aux marchés restent insuffisants, tandis que le capital humain et les mécanismes de suivi, de plaidoyer et de financement durable demeurent faibles’’.
Ousseynou Ndione, expert à la Direction du changement climatique, soutient que ‘’ces informations vont permettre de pouvoir élaborer des projets, notamment des projets climatiques reposant sur des évidences scientifiques très claires et très nettes pour pouvoir bâtir des projets résilients […]’’.
‘’Nous attendons d’avoir une idée globale de ces besoins en termes d’informations […] pour pouvoir améliorer les besoins, mais aussi accéder à ces besoins de données scientifiques et climatiques pour pouvoir alimenter les politiques publiques’’, a-t-il indiqué.
‘’Le principal défi que nous avons, c’est les données pour faire tourner les modèles agricoles mais aussi la donnée sur l’agriculture’’, pense Adama Faye, chercheur au Laboratoire national de recherche sur les productions végétales de l’ISRA, l’Institut sénégalais de recherches agricoles.
Il rappelle que ‘’la modélisation nous permet d’avoir un aperçu global sur l’évolution des rendements, les variétés adaptées dans le climat futur, et le comportement des sols dégradés ou affectés dans le futur’’.
Adama Faye a aussi évoqué la question des ressources humaines, notant qu’il y a très peu de chercheurs travaillant sur ‘’la modélisation des cultures ou la modélisation en général [climatique ou agricole]’’.
Il constate qu’‘’il y a beaucoup à faire dans les universités au niveau des curricula pour renforcer les ressources humaines au niveau de la modélisation’’.
La secrétaire exécutive du Conseil national du développement de la nutrition, Aminata Diop, plaide pour sa part en faveur de l’impact nutritionnel des politiques, un aspect selon lui souvent oublié dans les études.
‘’Quand on élabore des politiques agricoles, il faudrait qu’il y ait une prise en compte de l’impact nutritionnel de ces politiques’’, suggère-t-elle.
‘’Que chaque hectare aménagé puisse être un levier pour que chaque enfant, chaque femme, chaque ménage du Sénégal puissent avoir un accès équitable à une alimentation saine, diversifiée et nutritive’’, a souhaité Aminata Diop.