Nouveau gouvernement au Sénégal, la mascarade

On pourrait ergoter à l’infini sur la composition qui vient d’être rendue publique du nouveau gouvernement de Macky Sall et on ne se joindra pas au chœur des courtisans qui depuis quelques heures encensent, de façon dithyrambique, la formation placée, provisoirement, sous l’autorité de Mahammad Dionne.

Il y a déjà matière à dire quand on voit que 32 ministres plus 3 secrétaires d’Etat composent ce gouvernement d’un pays de moins de 16 millions d’habitants. Il y a là un pourcentage de ministre par habitant qui frise l’inflation. Peut-être est-ce une façon d’endiguer le chômage. Surtout qu’à l’image du précédent septennat on peut s’attendre dans les temps à venir à la nomination par Macky de ministres sans portefeuille histoire encore d’élargir son spectre électoral. On avait ainsi compté près d’une centaine de personnes au total ayant rang de ministresEn réduire significativement le nombre aurait pourtant été un signe positif envoyé au peuple qui aurait vu là une volontéd’assainissement des dépenses publiques. Une belle occasion manquée !

Un calcul politique

Alors bien sûr on peut s’interroger, ici et là, sur l’intérêt de tel ou tel ministère. Est-il indispensable d’avoir un ministre « de la Microfinance », un ministre des « Mines et de la géologie » etc. ces attributions n’auraient-elles pas pu être rattachées à un autre ministère. Ce chiffre pléthorique sent à plein nez le calcul politique. De même, le président a-t-il pris soin « d’arroser » les principales régions du pays afin que chacune d’entre elles puisse s’honorer d’avoir un représentant au plus haut niveau de l’Etat. Flatter les électeurs « dans le sens du poil » est un bon investissement à l’orée d’un nouveau quinquennat. Ce sont là autant de manœuvres politiciennes éprouvées.

De nouvelles têtes, mais où sont les femmes ?

On constate par ailleurs la présence de cinquante nouvelles têtes dans ce gouvernement. Est-ce par souci de renouveler l’équipe ministérielle et d’apporter un peu de fraîcheur ou n’est-ce pas plutôt qu’un certain nombre de ministres du septennat précédent ontrévélé leur insignifiance ? Heureusement que Ndèye Saly Diop Dieng a été nommée ministre de « la Femme et de la famille » cela fait (un peu) oublier que seulement 25 % des ministres sont des femmes. On est loin de la parité souhaitable dans une société ou justement celles-ci jouent un rôle important. C’est là un très mauvais symbole qui est adressée à la population féminine Sénégalaise.

Premier ministre « provisoirement »

Quant à la mascarade, elle concerne la nomination de Mahammad Dionne à un moment où Macky Sall va prochainement demander à l’Assemblée nationale la suppression du poste de Premier ministre, ce qui lui permettra de cumuler les deux postes et ainsi de « présider »et de « gouverner ».Pour mieux faire passer la pilule à Dione il l’a nommé celui-ci ministre d’Etat et secrétaire général de la Présidence, un peu comme on donne un os à ronger à son toutou.

Tuer dans l’œuf toute rivalité

Voilà autant de signes qui ne sont pas de très bon augure à l’aube d’un quinquennat qui dès son avènement voit Macky Sall s’adjuger les pleins pouvoirs. Ce n’est pas là le meilleur exemple démocratique qui soit. Est-ce cela qu’ont voulu les Sénégalais en votant pour lui On peut en douter !

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono