En dehors du Mali, la nouvelle est pratiquement passée inaperçue, la semaine dernière, l’Etat Islamique a revendiqué la mort de trente-trois soldats maliens des FAMa, dans la région de Tessit, au moment même où le pays observait un deuil national de trois jours décrété par le président de la Transition, Bah N’Daw. Ce nouvel acte de barbarie vient après bien d’autres commis dans le Sahel et ailleurs en Afrique.
Les occidentaux, les américains les premiers, pensaient en avoir fini avec l’Etat Islamique après sa déroute militaire en Irak et en Syrie. C’était sans compter sur le fait que, comme la pieuvre, celui-ci est pourvu de nombreuses tentacules qui sont loin d’avoir été coupées. La preuve est que, malgré la mort de son chef Abou Bakr al-Baghdadi tué en octobre 2019 par les américains dans le nord-ouest de la Syrie, l’Etat Islamique a fait sa réapparition dans le Sahel, notamment au Niger et au Mali. Et dans la région il n’est pas le seul groupe terroriste à sévir.
Plus au nord, ce sont des djihadistes, affiliés à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) qui sévissent, déstabilisant tout une partie de l’Afrique du Nord, en particulier la Libye, mais aussi avec des visées en direction du Maroc et de la Tunisie. Avec un objectif : s’étendre à tout le bassin Méditerranéen occidental, sans souci de frontières, comme l’ont démontré, on l’a peut-être oublié, les attentats de Madrid en 2004 qui ont fait 191 morts et plus de 1800 blessé et les attentats de Casablanca du 16 mai 2003 qui ont fait 45 victimes et plus de cent blessés. Attentats à l’explosifs, enlèvements de ressortissants étrangers afin d’obtenir une rançon et contre les symboles du pouvoir et de l’Etat, embuscades meurtrières en milieu urbain, etc. On ne compte plus les actions meurtrières revendiquées par ce groupe qui intervient aussi en Mauritanie. Et pour se financer dans la bande sahélienne AQMI recourt aux trafics en tout genre : cigarettes, drogues, armes, enlèvement d’otages, comme cela a été le cas en 2007 avec l’assassinat de quatre ressortissants français et en 2009 l’enlèvement de trois ressortissants espagnols. Avec ses actions violentes, et grâce à son implantation, AQMI a conforté sa stratégie régionale et confirme que l’Afrique a désormais remplacé le Moyen-Orient comme nouveau champ de bataille djihadiste. Et avec ce cancer, dans le grand corps malade qu’est l’Afrique, * qui ne cesse d’étendre ses métastases, on peut aussi ajouter le MUJAO, Boko Haram et Ansar Dine.
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En descendant vers le sud, le Nigéria est quant à lui, la proie des actions terroristes conduites par Boko Haram qui, en 2015, a, durant plusieurs jours, rasé plusieurs villages à Baga, tuant 2000 personnes selon Amnesty International. Ce groupe terroriste a acquis depuis quelques temps une sinistre réputation, celle d’enlever des centaines de jeunes écoliers et écolières.
Face à cette montée en puissance des djihadistes, les Etats de la région paraissent bien faibles, en particulier le Burkina Faso, qui a connu une flambée d’atrocités, malgré sa situation stratégique dans cette zone des trois frontières – Mali, Burkina Faso et Niger, point brulant et épicentre des violences au Sahel, objet de toutes les attentions du G5 Sahel.
Dans toutes ces régions, on relève la même forme de recrutement des djihadistes parmi la population, chez les jeunes en particulier. En échange de motos, d’armes, de quelques milliers de CFA et l’assurance d’être protégés et nourris, les terroristes leur proposent de les rejoindre en leur garantissant un meilleur avenir. Pour cela les groupes armés se présentent souvent comme des groupes de défense contre les vols de bétail, ou encore comme des associations pouvant aider les jeunes à rejoindre l’Europe. Face à la situation socio-économique désastreuse que connait la plupart des pays de la région, ces campagnes de recrutement portent souvent leurs fruits.
Ainsi, au fil des mois, les différents groupes terroristes tissent leur toile dans toute l’Afrique, du Nord au Sud et d’Est en Ouest, par la peur, la menace, les exterminations, les trafics multiples et les complicités diverses. Etat Islamique, Boko Haram, AQMI, et autres enseignes islamiques, sont devenues des succursales multiples florissantes dont le rêve est de faire d’une Afrique « islamique » un terre de conquête en direction de l’Europe, dans le but d’instaurer un califat mondial où la charia serait imposée à tous.
Et pendant ce temps, au Mali, tandis que des groupuscules extrémistes réclament à cor et à cri le départ des forces françaises de Barkane, présentées comme des troupes d’occupation étrangères, en France des voix dans la classe politique s’élèvent pour réclamer le rapatriement des militaires français du Sahel, en oubliant que si les djihadistes devaient triompher à Bamako, Ouagadougou, Niamey, Abuja, etc. les européens pourraient trembler car la perspective d’une vague d’attentats d’une grande ampleur ne serait plus alors une simple menace.
Mais bien, une sombre et dramatique réalité.
Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono, diplômé de l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice (INESJ)
- J’ai relevé le propos suivant de Vladimir Poutine rapporté par le Magazine2culture. Il est intéressant de voir que le maître du Kremlin qui pousse, plus que jamais, ses pions en Afrique, à une bien piètre opinion des dirigeants de ce continent. Je le cite : « Quand un président africain, un général africain, ou un entrepreneur africain devient riche, il envoie son argent et son or en Suisse. Il se rend en France pour un traitement médical. Il investit en Allemagne, il achète à Dubaî, il consomme des produits chinois. Il prie à Rome où à la Mecque. Ses enfants étudient en Europe, ou au Canada, et prennent tous des nationalités occidentales. Il voyage au Canada, aux Etats-Unis et en Europe pour le tourisme. S’il meurt, il sera enterré dans son pays natal, l’Afrique. L’Afrique n’est qu’un cimetière pour les africains. Comment développer un cimetière ? » Venant de la part du nouveau tsar de Russie cette déclaration pourrait prêter à sourire, s’il n’y avait, héla, quelques vérités indiscutables.