La « République des juges » s’apprête-t-elle à nous refaire le coup de 2017 ?

Qu’on aime, ou qu’on n’aime pas Nicolas Sarkozy, on est en droit de s’interroger sur la légalité et la légitimité de la condamnation qui vient récemment de le frapper à de la prison ferme. L’ancien président de la République à contre lui, certes, d’être impliqué dans une douzaine d’affaires, dont pour certaines il a déjà bénéficié d’une relaxe, mais le fait d’être un ancien chef de l’Etat ne doit pas apparaître comme une circonstance aggravante.

Or, c’est ce que l’on pourrait en déduire en écoutant l’énoncé des attendus du jugement qui le frappe. Certes du temps où il était à l’Elysée il était garant du bon fonctionnement de la justice, mais aux dernières nouvelles il a, depuis qu’il a quitté le Palais, eu deux successeurs, que l’eau de la Seine a coulé sous les ponts, et qu’il est redevenu un citoyen normal à part entière, ayant les mêmes droits et devoirs que chacun de nous. Et doit donc être jugé comme tel, ni plus sévèrement, ni moins lourdement qu’un autre individu. Je ne reviens pas, ni sur la création, voulue par F. Hollande au lendemain du scandale Cahuzac, du Parquet National Financier, dont il y aurait beaucoup à dire sur l’enquête préliminaire qu’il a conduite. Je ne reviens pas davantage sur les écoutes téléphoniques d’avocats, qui, même si elles ont été validées par la cour de Cassation, n’en constituent pas moins une grande première dans notre république. Ce n’est en effet pas très glorieux dans un Etat de droit de recourir à ce genre de pratiques.

Il y aurait en revanche beaucoup à dire sur la légalité même du jugement qui vient d’être rendu, du fait de l’absence de preuves présentées par l’accusation,  je laisserai ce soin à la cour d’Appel qui devra trancher d’ici quelques mois. Précisément ces quelques mois  pendant lesquels, Nicolas Sarkozy sera toujours présumé innocent (dans l’attente d’un jugement définitif) mais néanmoins dont on se souviendra qu’il a été condamné en première instance.

Cela m’amène à évoquer la légitimité d’un tel jugement, qui rendu à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, place, en raison de son extrême sévérité, quasiment ipso facto l’ancien président hors-jeu, dans l’hypothèse où il aurait eu, non pas la tentation de Venise, mais celle de retrouver les ors de l’Elysée. Aurait-on voulu l’en empêcher, qu’on ne ferait pas mieux. Mais je ne suis pas un théoricien du complot, et je ne veux pas confondre « procès politique » et procès « d’un homme politique ».

Néanmoins on est en droit de se poser la question :  La « république des juges » ne serait-elle pas en train de nous refaire le coup de 2017, lorsqu’elle a privé la droite de son candidat, François Fillon, dont la victoire était quasiment assurée. Et cela, grâce à la célérité d’une procédure jamais vue jusque-là dans les annales judiciaires de notre pays. Il n’est pas question ici d’évoquer la culpabilité de F. Fillon, mais j’observe qu’en d’autres temps les juges ne se seraient saisis du dossier qu’après les élections, dans l’attente du verdict populaire, en vertu du vieux principe, jusque-là en vigueur, Vox populi, vox Dei, voix du peuple, voix de Dieu.

Certes, tous les magistrats ne sont pas, loin de là, membres du syndicat de la magistrature, dont l’orientation à gauche est bien connue, mais on se souvient quand même du fameux « mur des cons », installé dans sa permanence, qui fustigeait principalement des élus de droite. Et n’est-ce pas Balzac qui reconnaissait que « le juge était l’homme le plus puissant de France » ? En 2021, il serait peut-être temps de songer à moderniser l’institution judiciaire, à ravaler sa façade, par exemple en accordant l’indépendance aux procureurs de la République, ce qui supprimerait la fonction de juge d’instruction, et en permettant un réel contrôle de l’activité des magistrats. Ce n’est pas sans raison qu’en 1883 une loi avait suspendu pour six mois le  fameux principe d’inamovibilité des juges. Ce qui a déjà été fait, pourrait très bien l’être à nouveau.

En éliminant ainsi des candidats de la droite parlementaire * suite à des de jugements rendus « au nom du peuple français », certains juges ne prennent-ils pas le risque de favoriser un jour l’accession  au pouvoir d’une candidature d’extrême-droite, ou populiste ? Le risque est réel. On se rappellera peut-être alors les propos de  François Mitterrand, qui n’aimait pas plus les magistrats que N. Sarkozy (qui les qualifiaient de petits pois) : « Les juges ont tué la monarchie, ils tueront la République ».

Espérons qu’il ne s’agit là que d’une sombre prophétie. Réponse dans un an.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono

 

*A moins que d’ici l’année prochaine la justice ne rendent aussi inéligibles Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui ont, eux aussi, un agenda judiciaire au cours des prochains mois.