Après cinquante ans d’indépendance il est révoltant de constater que les pays africains n’ont toujours pas réussi à s’affranchir d’une domination occidentale qui reste toujours bien réelle. Même si celle-ci a changé de nature. Aujourd’hui elle se manifeste à travers des relations privilégiées dans le domaine politique, économique, militaire. Par le passé l’occident a beaucoup fait souffrir des peuples, alors réduits à l’état d’esclavage, comme avant lui toutes les civilisations ou nations qui ont occupé un jour un pays qui n’était pas le leur. Au 21ème siècle une page s’est tournée et le temps de la réparation historique est venu, de corriger les erreurs du passé, de panser les plaies entre anciennes puissances coloniales et pays colonisés.
Le président Macron avait déjà appelé à un examen approfondi de la présence de l’art africain dans les musées occidentaux, déclarant devant un groupe d’étudiants burkinabés, que le « patrimoine africain ne peut pas être que dans les collections privées et les musées européens ». Une grande partie de ce qui est exposé dans les collections occidentales a en effet été considéré à l’origine comme butin colonial. Et approprié comme tel.
J’ai applaudi la décision courageuse du chef de l’Etat français de militer pour le retour de ces antiquités qui ont été dérobées par les pays européens lors des siècles précédents. Les premières restitutions de 17 œuvres béninoises m’ont rassuré quant à la la volonté des dirigeants occidentaux de respecter leur engagement à rendre ces objets d’art africains à leurs légitimes propriétaires.
En revanche, la lenteur dans le processus a tempéré mon enthousiasme et le conseil intergouvernemental de la France et du Sénégal de la semaine dernière m’a fait douter de la sincérité et de la bonne foi des européens car en marge de cette importante rencontre, Edouard Philippe a restitué au Sénégal le sabre d’El Hadj Oumar Tall, résistant distingué contre l’implantation coloniale et guide religieux de la grande confrérie Tidjane.
Ce cadeau « hautement symbolique », magnifié par une classe politique aveugle a réveillé chez les peuples noirs des souvenirs douloureux. Hier on échangeait un esclave contre des miroirs, des canons, des pacotilles… Aujourd’hui c’est un sabre que l’on offre en contrepartie de l’achat de missiles et patrouilleurs. De plus le moment n’était vraiment pas choisi pour ramener ce sabre qui met en cause l’histoire de la disparition de Elhadj Omar dans les grottes de Bandiagara. Il s’agit là d’une erreur de casting de la part d’hommes politiques avant tout obnubilés par la recherche du buzz et d’un effet de communication.
Il n’est pas dans mes intentions de remuer le couteau dans la plaie, de raviver les blessures de l’histoire. Le Sénégal est dans le monde et ne peut prospérer qu’à travers ses relations avec les autres nations notamment la France.
Je pose cependant la question : A quand le réveil de nos élites ? La politique qui consiste à extraire du profit derrière un masque généreux ne fait que contribuer au rejet de la France par la jeunesse sénégalaise. Au lieu de cela les dirigeants des deux pays seraient bien inspirés de réinventer des relations de partenariat « gagnant-gagnant » afin de pérenniser les liens indéfectibles existant entre nos deux nations.
Ibrahima Thiam, président du mouvement « Un Autre Avenir »