Interview de JY Duval, auteur du « Rêve éveillé du calife »

Avec « Le rêve éveillé du calife » Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono, publie aujourd’hui son neuvième roman aux éditions Ella. La rédaction a lu quelques bonnes feuilles avant même sa mise en librairie le 20 juin et a interviewé son auteur.

Ichrono : Vous publiez aujourd’hui un récit d’espionnage dont l’histoire se déroule au Moyen-Orient. Quelle est l’idée de départ de ce nouveau thriller ?

J.Y Duval Cela fait plusieurs décennies que l’actualité, souvent dramatique et cruelle pour les populations civiles, donc par définition innocentes, s’invite dans cette partie du monde. Je suis moi-même allé en tant que reporter dans le nord de l’Arabie Saoudite, à la frontière avec l’Irak, lors de la première guerre du Golfe. Cela remonte à près de trente ans, c’est dire si cette région constitue une véritable poudrière et l’instauration du califat par Daesh a été le déclencheur de cette histoire.

Ichrono : « Le rêve éveillé du calife » est un titre quelque peu énigmatique, où puise-t-il son origine ?

J.Y Duval :En fait il s’agit de l’extrait d’une phrase des « 7 piliers de la sagesse », un de mes livres de chevet, écrit par Lawrence d’Arabie qui compte parmi mes auteurs préférés au même titre qu’Hemingway, Romain Gary, Antoine de Saint-Exupéry, Joseph Kessel et quelques autres grands aventuriers. Pour moi ce titre s’imposait naturellement et les lecteurs en lisant le roman comprendront pourquoi. Il devait être initialement sous-titré « Musulmania » pour bien montrer la volonté de conquête et d’expansion territoriale de Daesh, au même titre que « Germania » l’a été pour A. Hitler. 

Ichrono : Après plusieurs romans historiques vous avez opté cette fois pour le roman d’espionnage, pourquoi ?

J.Y Duval : Comme souvent lorsqu’il s’agit de géopolitique les questions sont plus complexes qu’il n’y paraît à priori. Pour légitimer les interventions militaires on évoque le plus souvent la nécessaire protection pour l’Occident de son approvisionnement en pétrole ou, comme cela a été le cas sous Georges Busch, l’existence d’armes de destruction massive, quand ce n’est pas la volonté de destitution de tel ou tel dictateur. Depuis les attentats du 11 septembre 2011 beaucoup de choses ont changé et le terrorisme est devenu le premier ennemi du monde libre. L’instauration d’un califat par Daesh, à cheval sur la Syrie et l’Irak, en prônant une idéologie mortifère, l’islamisme radical, à montré qu’une armée de fanatiques pouvait conquérir des territoires et y imposer sa loi et battre monnaie tel un Etat régulier. Alors plutôt que de m’intéresser à la guerre conventionnelle entre coalisés et djihadistes j’ai voulu montrer, sous la forme d’une fiction, qu’en coulisses se déroulait une autre guerre, dans  l’ombre, tout aussi impitoyable et pour cela mettre en lumière les services secrets et les forces spéciales qui jouent un rôle de plus en plus essentiel dans les conflits actuels.

Ichrono : On a aussi le sentiment que c’est pour vous, ou plutôt pour l’un des personnages principaux de votre roman, l’occasion d’évoquer les dérives de l’islam fondamentaliste.

J.Y Duval : J’ai le plus grand respect pour cette grande religion du livre, au même titre que les deux autres. Ce que dénonce Arthur Devereau, le personnage en question, c’est le dévoiement à des fins purement politiques du message du prophète par des individus sans scrupules. Mahomet, comme le Christ, refusait la violence et si le Coran fait l’éloge d’Abraham, de Marie et de Jésus on ne saurait oublier cependant que certains « hadiths » peuvent apparaître comme ouvertement racistes à l’égard des juifs et des chrétiens et que plusieurs sourates, mal interprétées, peuvent inciter à la violence. L’intolérance n’est jamais très loin pour certains prêcheurs de haine, aussi bien au Moyen-Orient qu’ici-même en France. Cela explique que beaucoup de gens voient l’islam comme une religion de la terreur et son messager comme un prophète de la guerre « sainte ». Dans le livre Arthur aborde ces questions sans manichéisme et sans angélisme, au-delà de tout préjugé. La meilleure preuve est qu’il file le plus parfait amour avec Djamila, une jeune femme d’origine Kabyle qui se trouve être de confession soufie, la branche ésotérique d’un l’islam modéré. Dans mon esprit le roman en effet doit apporter au lecteur des connaissances supplémentaires afin de nourrir sa réflexion et pas seulement le distraire. 

Ichrono : A propos de ce roman « Le rêve éveillé du calife » vous évoquez volontiers une uchronie. Pouvez-vous vous expliquer ?

J.Y Duval : Les évènements que je décris sont réels tandis que les spéculations relèvent de ma liberté en tant qu’auteur. Blaise Pascal ne prétendait pas autre chose lorsqu’il disait dans ses Pensées : « Le nez de Cléopâtre s’il eut été plus court toute la face de la terre aurait été changé ». Dans cette guerre contre le terrorisme décryptée à travers le prisme du monde mystérieux du renseignement je n’ai pas voulu écrire un reportage mais laisser libre cours à ma fantaisie en imaginant un scénario différent de la réalité que nous connaissons. Cela donne, je crois, des scènes assez fortes, mais cependant vraisemblables. En fait tout romancier devrait suivre le précepte énoncé par François Mauriac : « Aux plus belles histoires imaginées, il faut préférer l’inimaginable histoire ».

Ichrono : Question un peu plus personnelle : Comment êtes-vous devenu écrivain ?

J.Y Duval : Depuis l’enfance j’ai une addiction à la lecture et j’ai eu très tôt le goût de l’écriture, écrivant des nouvelles vers l’âge de 15 ans. J’admire les grands écrivains, d’hier et d’aujourd’hui, Français, Américains, Russes et j’ai toujours ambitionné de devenir romancier. Après avoir écrit une biographie d’un Maréchal de France sous Louis XV, j’ai enchaîné sur les romans historiques puis les thrillers, près d’une dizaine aujourd’hui. Se mettre dans la peau des gens, leur prêter des répliques, imaginer des scènes, des lieux, créer une intrigue est passionnant et aujourd’hui je réalise mon rêve d’enfant. Comme disait John Le Carré, grand maître de l’espionnage : « Le parcours d’un homme est un apprentissage du berceau à la tombe » et je reste aussi curieux de la vie aujourd’hui qu’à l’âge de vingt ans.

Ichrono : Avez-vous d’autres projets en cours ?

J.Y Duval : Plus sans doute que le temps m’en donnera l’occasion. Actuellement j’effectue des recherches et j’écris le scénario du troisième ouvrage d’une série commencée avec « Trois divas et un divan » et « La mémoire effacée d’Abigail » et je jette les bases d’une biographie romancée d’une personnalité africaine exceptionnelle.

Ichrono : Autrement dit l’heure de la retraite n’a pas encore sonné ?

J.Y Duval : J’ai banni ce mot de mon vocabulaire, car il correspond à une mort « sociale » de l’individu, la « petite mort » aussi, comme on l’appelle parfois. En revanche j’aime beaucoup cette phrase de Jean d’Ormesson : « J’aime trop la vie pour accepter de survivre », je continuerai donc d’écrire jusqu’à mon dernier souffle car c’est pour moi une forme d’oxygène. 

Ichrono : Pour conclure nous emprunterons un court extrait du roman que vous publiez aujourd’hui :

« … Le monde entier appris avec incrédulité l’attentat commis en Egypte contre le supertanker le jour de l’inauguration de la nouvelle portion du canal de Suez. La Nation islamique avait réalisé une démonstration de force, les fous d’Allah ne couraient pas seulement après les conquêtes militaires au Moyen-Orient, ils visaient aussi à affaiblir les économies régionales … »

Si vous voulez un bon conseil pour vos vacances de cet été, n’oubliez pas de mettre dans vos bagages « Le rêve éveillé du calife ». Ce thriller palpitant vous plongera à l’ombre de votre parasol au cœur du terrorisme et vous entraînera dans les couloirs des pouvoirs qui influencent le monde.

La rédaction d’Ichrono

  • Le rêve éveillé du calife, Ella éditions, 390 pages – 23 €