« Un ouvrage dense et inspiré. La prise en charge ne cache t’elle pas la capacité de résilience d’un peuple. A lire avec rigueur avec la tête et non le coeur. Il faut accompagner le peuple mais faut-il le priver de tout ? Que faire, comment faire , avec qui ?
C’est ensemble en se concertant que le peuple gagnera la covid19. P B CISSOKO
Collection : La Cité Date de parution : 21/01/2021
« La pandémie n’aura été que le baromètre en fusion d’un phénomène plus profond : la prise de pouvoir totale de l’Etat-nounou, cette bureaucratie qui nous veut du bien. »
Dans ce court essai, comme un cri de liberté, Mathieu Laine dénonce cet autre virus : la fièvre bureaucratique, technocratique et centralisatrice qui ne fait que révéler la propension malsaine de l’Etat à infantiliser les Français.
Pourquoi la France est-elle la seule grande démocratie au monde à avoir exigé, sauf à être verbalisé, de cocher une case pour tout « déplacement bref » ? Pourquoi la France est-elle le seul pays où une cellule interministérielle a eu à trier, en pleine crise sanitaire et face à la crise économique la plus dramatique depuis la Seconde Guerre mondiale, entre les fours et les poêles, et l’un des seuls pays en Europe à avoir qualifié le livre de « produit non essentiel » au moment même où elle était à nouveau attaquée par l’obscurantisme ?
L’infantilisation est cet autre virus qui nous menace et nous paralyse depuis des décennies, et sans doute plus encore. Nourrie au sein de la défiance, elle a flambé en pleine épidémie. Attestations de déplacement, bâchage des produits « non essentiels », fermeture des librairies, etc. : nul besoin de s’opposer au primat de la Vie pour dénoncer ces cascades d’interventions, centralisées et technocratiques, qui ont fini, « pour notre bien », par réveiller le roi Ubu. Après la pandémie, il faudra s’attaquer à ce mal qui nous ronge. Pour vraiment en finir. Car à force de nous traiter comme des enfants ou des incapables, on désapprend la liberté. Et l’on creuse, avec de belles intentions, la tombe d’un avenir qu’il nous faut nous réapproprier.
Ce court essai, comme un cri de liberté, invite à une vaste levée d’écrou. Pour respirer enfin. Pour récupérer ces pouvoirs qu’on nous a confisqués. Pour recouvrer, avec le goût du risque et l’envie de conquête, tout ce qui fait le sel et le bonheur de la vie. Puisse cette épreuve de réduction drastique de libertés dont on mésestimait parfois l’importance nous inviter à nous arracher aux fers en apparence confortables d’un Etat dont on attendrait tout. L’appel est d’importance. Car des barbelés peuvent finir par pousser le long des blancs barreaux d’un parc à bébé. Choisissons vraiment la Vie : parions sur la Liberté. Avant qu’il ne soit trop tard.
Mathieu Laine est entrepreneur et professeur d’humanités politiques à Sciences Po. Président de l’Institut Coppet et chroniqueur au Figaro, au Point et aux Echos, il a écrit plusieurs ouvrages dont Le Dictionnaire amoureux de la liberté et Il faut sauver le monde libre (Plon) ainsi qu’avec Karol Beffa un conte musical pour enfants, Le Roi qui n’aimait pas la musique (Gallimard). Il y a quinze ans, il publiait un premier essai, La Grande Nurserie, en finir avec l’infantilisation des Français (JC Lattès), dans lequel il dénonçait déjà les ravages de l’Etat-nounou.
« L’Etat devient berger et nous un peuple moutonnier », affirme Mathieu Laine
L’essayiste Mathieu Laine était l’invité d’Europe 1 jeudi. © AFP
« C’est ahurissant quand on y pense de devoir remplir une auto-attestation pour faire le tour de son pâté de maison », remarque jeudi sur Europe 1 l’essayiste Mathieu Laine. Pour lui, la crise sanitaire sanitaire a exacerbé l’omniprésence de l’Etat en France, ôtant aux citoyens libertés et responsabilités individuelles.
INTERVIEW
« L’Etat nous parle comme à des enfants. » Mathieu Laine, essayiste auteur d’Infantilisation, cet Etat nounou qui vous veut du bien, aux éditions de la Cité, qualifie sur Europe 1 de « préoccupante » l’omniprésence des décideurs politiques dans la vie des Français. Un phénomène renforcé par la crise sanitaire qui contribuerait, de fait, à leur ôter libertés et responsabilités individuelles. « C’est ahurissant quand on y pense de devoir remplir une auto-attestation pour faire le tour de son pâté de maison. Ou de recevoir une amende parce qu’on l’a remplie au crayon à papier », remarque l’essayiste au micro de Sonia Mabrouk, jeudi matin.
« On a géré cette crise malgré nous plutôt qu’avec nous »
Il pointe du doigt le fait que le président et ses ministres s’adressent aux citoyens en répétant « en permanence » les mêmes messages de base, « comme à des enfants ». « On utilise des mots infantilisants comme ‘papys’ et ‘mamies’. Je trouve ce changement de langue préoccupant. » Autre exemple : les débats interminables qui ont abouti à la définition des biens essentiels ou non. « Il a fallu prendre un décret pour autoriser la vente des sapins… mais on n’avait pas le droit d’acheter les décorations. Ce délire a fait qu’à la fin, on a géré cette crise malgré nous plutôt qu’avec nous. »
« Il faut sortir de cette logique de précautionnisme »
Un phénomène pernicieux, dit Mathieu Laine, car « à force de réduire les libertés et les responsabilités de chacun, on est gouvernés par la peur ». Pour lui, ce mécanisme pousse finalement les citoyens à se tourner eux-mêmes vers l’Etat pour décider à leur place. « L’Etat devient berger et nous un peuple moutonnier. » Il craint que le peuple ne s’habitue à déléguer son pouvoir et ses décisions. « Il y a une logique perverse dans l’infantilisation : c’est l’addiction à la régression. C’est agréable, confortable, de laisser tout décider par d’autres. Mais il faut sortir de cette logique de précautionnisme. »
>> Retrouvez l’interview politique de Sonia Mabrouk en replay et en podcast ici
La prochaine campagne présidentielle est donc, selon lui, l’occasion de se « réapproprier » nos libertés, en demandant à tous les candidats de se positionner sur le sujet. Dans son dernier ouvrage, Mathieu Laine évoque l’idée d’un « Etat enchainé » dont le rayon d’action serait clairement défini et surtout limité. « Pour l’instant, l’Etat est partout. A un moment donné, il faudra le faire rentrer dans son lit. »
Par Laetitia Drevet