Grâce de Khalifa Sall : Le Sénégal et les valeurs républicaines

En libérant dimanche de la prison de Rebeuss Khalifa Sall son opposant principal aux dernières élections présidentielles, Macky Sall ne s’est pas montré bon président, mais … bon prince, montrant par là que son pouvoir n’est pas tant républicain que monarchique. Car en effet il s’agit bien du fait du prince.

Ne manquent plus que les hérauts pour proclamer la bonne nouvelle à travers le pays : « Oyez ! Oyez ! Suite à un décret présidentiel sa grandeur Macky Sall a décidé ce dimanche, du haut de sa bienveillante générosité, de rendre sa liberté au dénommé Khalifa Sall qui devra à l’avenir éviter de troubler à nouveau l’ordre public. »

Et pourquoi ne pas lui suggérer  » de se mettre en retrait de la vie politique ». Il y a peu de chances toutefois que l’ancien maire de Dakar suive ce conseil.

En revanche celui-ci saura désormais, mieux que personne, ce qu’il en coûte de se mettre en travers du chemin d’un chef d’Etat aux tendances de plus en plus autoritaires. Condamné à cinq ans de prison et emprisonné depuis 2017 Khalifa Sall n’aura fait que trente mois, mais un seul jour aurait déjà été un jour de trop quand on sait qu’on a surtout voulu incarcérer un opposant qui risquait de faire de l’ombre au candidat sortant à la veille de l’élection présidentielle.

Ou quand la justice est au service de la raison d’Etat.

En procédant comme il vient de le faire, afin dit-il « favoriser le dialogue politique et décrisper la vie sociale« , Macky Sall montre une des facettes de son personnage, à savoir  sa roublardise et cette grâce présidentielle ne doit pas masquer sa volonté de gouverner au mépris des libertés de l’opposition. Qu’il prenne garde cependant en agissant ainsi à ne pas écorner l’image démocratique du Sénégal dans le monde. C’est un bien précieux qui lui a été légué par ses prédécesseurs et qu’il devra à son tour, le jour venu, transmettre à ses héritiers. Il lui appartient donc de ne pas dilapider l’héritage.

Or la ligne de crête est étroite et le Sénégal aurait tout à perdre à jeter aux orties ses valeurs républicaines.  Quant à Macky Sall en faisant de son pays un exemple sur le continent africain il ménagerait sa place dans les manuels d’histoire. Et c’est aujourd’hui que les pages s’écrivent.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono