« Je propose cette lecture et invite les amis(ies) à une lecture pour comprendr, nous instruire et nous dire si ce fait traduit ou non un intérêt» P B Cissoko
RELIGION Selon elles, rien ne s’oppose, dans les textes de la religion musulmane, à l’imamat des femmes
20 Minutes avec AFP
Anne-Sophie Monsinay (à droite) et Eva Janadin (à gauche), converties à l’Islam, dirigent une prière le 7 septembre 2019 à Paris. — AFP
Evénement inédit pour le culte musulman en France. Deux femmes imames ont dirigé une prière ce samedi à Paris, devant une assemblée totalement mixte réunie pour une cérémonie majoritairement célébrée en français.
« Ce moment est important pour l’islam de France, notamment parce que cette prière permet de garantir l’égalité homme-femme dans le culte musulman », a déclaré Eva Janadin, l’une des deux femmes imames lors de son discours d’ouverture.
Dans la salle, hommes et femmes sont mélangés, les sermons sont en français et les formules arabes systématiquement traduites. Dans l’assistance, certaines femmes portent un voile, d’autres non, notamment les deux imames. L’une a revêtu une jupe longue, l’autre est en jean.
Lutter contre « l’islamisme et le conservatisme »
Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay, toutes deux converties à l’islam, souhaitaient depuis plusieurs années traduire par des actes concrets leur vision d’un islam « progressiste » et « éclairé ». « Aujourd’hui avec cette première prière, cela se concrétise », s’est félicitée Anne-Sophie Monsinay.
Favorables à un islam engagé « dans le temps présent », elles font le pari que « beaucoup de musulmanes et de musulmans ont un besoin vital d’émancipation et de libération ». Elles veulent leur offrir « des espaces de dialogue libres de toute pression communautaire et familiale ».
« Il est possible de faire germer un modèle alternatif pour contrer l’islamisme et le conservatisme », a souligné Eva Janadin.
De la difficulté d’être femme imame en France
Deux femmes imames, Anne-Sophie Monsinay (d) et Eva Janadin (g), dirigent la prière dans une salle à Paris, le 7 septembre 2019 ((c) Afp)
Par L’Obs avec AFP
Publié le 09 septembre 2019 à 09h07
Paris (AFP) – Réunir des fonds, trouver un local, se faire accepter par une communauté, faire fi d’éventuelles menaces: devenir femme imame d’une mosquée « progressiste » en France est un parcours semé d’embûches.
Samedi à Paris, pour la première fois, deux femmes imames, Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay, ont dirigé un temps de prière dans une salle louée pour l’occasion.
Sur les tapis de prières, une soixantaine de fidèles, femmes et hommes, étaient côte à côte sans distinction, a constaté une journaliste de l’AFP. « Que la paix, la miséricorde et les bénédictions de Dieu soient sur vous », a déclamé en arabe puis en français Eva Janadin, suivie par l’appel à la prière entonné par Anne-Sophie Monsinay.
Certaines fidèles portaient un voile. D’autres non, notamment les deux imames. Le sermon était en français et les formules arabes systématiquement traduites.
Salutations, prosternations, incantations des noms divins, chants… l’assistance a suivi les mouvements et les voix de ces deux femmes de 29 et 30 ans, converties à l’islam il y a dix ans.
Un ami rabbin, des invités protestants ou encore l’Américano-malaisienne Ani Zonneveld, présidente de l’association Muslims for Progressive Values, aux Etats-Unis, étaient aussi présents. L’imame de la mosquée de Berlin, Seyran Ates, était aussi venue encourager ce projet « moderne et progressiste ».
Le voeu d’Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay, toutes les deux enseignantes: traduire par des actes concrets leur vision d’un islam « spirituel », « progressiste » et « éclairé », qui s’inspire, entre autres, du soufisme, une branche mystique de l’islam.
En France également, Kahina Bahloul, 40 ans, diplômée en islamologie de l’Ecole pratique des Hautes études, vient de lancer une campagne de crowdfunding pour mener à bien un projet quasi similaire.
Elle aimerait ouvrir une mosquée « libérale » où elle interviendrait en tant qu’imame, avec son associé, Faker Korchane, devant une assemblée mixte. « Il faut trouver les fonds et un local », raconte-t-elle à l’AFP, confessant avoir reçu des soutiens mais aussi « quelques menaces ». Jusqu’ici, ses demandes de location n’aboutissent pas.
« La grosse difficulté a été de trouver un lieu », confirme Mme Monsinay. « Il y a peut-être un souci avec le terme +mosquée+ et ce à quoi il renvoie. Pourtant, c’est juste un lieu où l’on prie », relève-t-elle.
« C’est compliqué parce qu’aucune municipalité ne veut les aider », souligne Didier Leschi, président de l’Institut européen en science des religions (EPHE).
Les trois femmes « imames » affirment que rien, dans les textes de la religion musulmane n’interdit l’imamat des femmes.
– « Lecture patriarcale » –
Kahina Bahloul explique: « il y a une lecture patriarcale, misogyne des textes, qui s’est perpétuée à travers les siècles. Ce sont toujours des hommes qui se sont appropriés la légitimité de pouvoir lire et interpréter les textes et de dire la norme religieuse ».
En outre, « la diffusion à grande échelle du salafisme, qui prône une vision encore plus conservatrice et radicale de l’islam (…) permet à cette lecture de se maintenir », déplore-t-elle.
Pour l’imam de Bordeaux (sud-ouest), Tareq Oubrou, « les textes de la tradition ne sont pas contre l’imamat de la femme ». « C’est la compétence qui compte, pas le genre », remarque-t-il. Mais, selon lui, « la sociologie des mosquées reste très conservatrice ».
Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris et président (par intérim) du Conseil français du culte musulman (CFCM), assure: « nos imams sont en train d’étudier le texte, pour voir s’il y a des bases solides au souhait exprimé par des femmes de pouvoir diriger la prière ».
La France accuse un certain « retard » par rapport aux autres pays occidentaux, relève le président de la Fondation de l’Islam de France Ghaleb Bencheik. Notamment à cause d' »une atmosphère globale polluée par la violence et le terrorisme » ces dernières années.
Les Etats-Unis ont déjà des femmes imames depuis la première prière d’Amina Wadud à New York en 2005. Au Danemark, l’imame Sherine Khankan a créé la mosquée Mariam. Le Canada, Londres ou encore Berlin, comptent des femmes dirigeant la prière devant des assemblées mixtes.
Les trois femmes imames françaises sont certaines de la demande: « il y a une minorité silencieuse, peut-être pas si minoritaire que cela, de musulmans progressistes, qui ne fréquentent plus les mosquées traditionnelles et se retrouvent à pratiquer tout seuls, et qui attendent ce projet », souligne Mme Monsinay.
« J’ai beaucoup aimé l’ouverture de cette prière », a témoigné Afida, 41 ans, à la sortie de la prière de samedi. « Traditionnellement dans une mosquée, on doit trouver la salle pour les femmes, on sent plein de regards, de jugements. C’est un frein pour moi (…) Là, c’est la première fois que je me suis sentie au bon endroit ».
Pour Mustapha Chaqri, 35 ans, « cet événement symbolise le retour à l’islam d’origine ». Car selon lui « l’islam ne fait aucune différence entre homme et femme ».
Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay viennent d’avoir les fonds pour pouvoir prêcher une fois par mois pendant un an, dans un lieu qui sera amené à changer. Leur objectif désormais: trouver des mécènes pour avoir un lieu de prière fixe.
https://www.nouvelobs.com/societe/20190909.AFP4159/de-la-difficulte-d-etre-femme-imame-en-france.html
Qui est Sherin Khankan, la femme imam qui remue l’islam féministe ?
01/10/16 11h25
A 47 ans, cette Danoise est à la tête de la toute première mosquée scandinave entièrement dirigée par des femmes. Mariages interconfessionnels, féminisation du culte et lutte contre la polygamie, sont les nouvelles règles pour institutionnaliser un « féminisme islamique ».
A la mosquée Mariam de Copenhague, c’est une voix de femme qui appelle à la prière: celle de Sherin Khankan.
A 41 ans, cette islamologue est aussi une des quatre femmes imams du Danemark. Avec sa collègue Saliha Marie Fetteh, elle est à la tête de la toute première mosquée scandinave où l’imamat est réservé aux femmes. Une fois par mois, le vendredi, leur prière est également réservée à la gente féminine.
Un changement qui tient lieu de petite révolution, car les femmes ne sont pas toujours bien accueillies dans les mosquées. Les prières étant non mixtes, elles doivent souvent prier chez elles pour des raisons de place, ou bien sont rassemblées dans des coins peu confortables du lieu de culte.
La mosquée Mariam scelle aussi des mariages islamiques ou interconfessionnels. Le contrat stipule explicitement que « la femme a le droit de divorcer et que la polygamie n’est pas une option. » Le mariage est également jugé nul et non avenu en cas de violence conjugale.
Cette mosquée a ouvert en février et sa création « a été tout un voyage, confie Sherin Khankan, ça ne s’est pas fait en une nuit. Il nous a fallu 16 ans pour faire naître cette idée et l’institutionnaliser. »
Le tournant du 11 Septembre
Cette Danoise, fille d’une infirmière finlandaise émigrée au Danemark et d’un homme de lettres syrien, réfugié politique, crée en août 2001 le Forum des musulmans critiques. Un collectif qui milite en faveur d’une relecture moderne du Coran, pour l’égalité des hommes et des femmes dans l’islam et pour la féminisation du rôle d’imam.
Les attentats du 11 Septembre renforcent la détermination de la jeune femme. « C’est à ce moment-là que le débat autour de l’islam a changé, en Europe et partout dans le monde », constate Sherin, qui fait remonter à cette date le début d’un climat islamophobe.
Forte de son savoir islamique acquis dans les universités de Damas et de Copenhague, elle met en réseau, au fil des années, tout un circuit d’universitaires et d’intellectuels qui militent en faveur d’un leadership féminin musulman et pour l’émergence d’un “féminisme islamique”.
Aujourd’hui, elle se revendique d’un courant proche du soufisme, très axé sur la spiritualité. Elle est aussi à la tête d’une association non religieuse qui vient en aide aux femmes victimes de pressions sociales et de violences psychologiques.
A la fois douce et « grande prêtresse »
« C’est un personnage surprenant », confie Delphine Horvilleur, l’une des deux seules femmes rabbins françaises, qui a débattu avec elle au mois de mai, lors d’une rencontre à Copenhague, organisée par l’ambassade de France.
« Elle est très féminine, maternelle et douce. Je pense que c’est un atout pour elle d’incarner cette féminité classique, car les gens s’attendent au contraire à ce qu’une femme qui cherche à mener le culte soit dans une démarche belliqueuse ou violente. Quand je l’ai rencontrée, elle portait une grande robe traditionnelle et faisait très grande prêtresse, c’était un peu une incarnation de l’essentiel féminin, même si, évidemment, le rôle des femmes ne doit pas se limiter à cela dans la religion. »
Mère de cinq enfants avec lesquels elle n’hésite pas à se montrer sur Facebook, Sherin Khankan s’affiche comme une leader religieuse à la fois moderne et souple. Elle conspue l’islam promu par l’Arabie Saoudite, qu’elle estime coincé dans une interprétation « primitive » du Coran et hostile aux droits des femmes.
Elle ne porte le voile que pour prier et s’en remet au choix de chacun sur la question : « Si une femme est contrainte de porter le hijab, je me battrai pour qu’elle ne le porte pas. »
La France, ce pays du « fondamentalisme séculier »
Cet attachement à la liberté de conscience alimente néanmoins son rejet de la laïcité à la française, qu’elle juge offensive :
«La manière dont la France gère les questions relatives à l’Islam dans l’espace public, que ce soit avec le burkini ou avec la loi de 2004, est stupide. Pour moi, ce sont des interdictions fondées sur le ressenti, la peur, et non pas sur la logique et les arguments. Ils ne respectent pas les particularités d’une religion, c’est une forme de fondamentalisme séculier. Quand est-ce que la France acceptera que certaines jeunes femmes se voilent par choix ?»
Devenue habituée des médias, elle élude souvent les questions relatives aux versets du Coran jugés misogynes, en répétant qu’il s’agit d’une question d’interprétation et que le texte saint peut être lu dans un sens progressiste pour les femmes.
Se mettre du côté des institutions
Par exemple, le Coran ne stipule pas que l’imamat est interdit aux femmes. On trouve des femmes imams au Canada et en Afrique du Sud, même si elles sont très peu nombreuses à travers le monde (aucune source n’avance un chiffre précis) et que l’idée rebute certains musulmans.
« Mon rôle de femme imam a donné lieu à quelques conversations très longues à la maison ! se rappelle Sherin en riant, et je ne suis toujours pas à l’abri de petites piques. Ma fille aînée m’a encore dit la semaine dernière : ‘Pourquoi tu ne te trouves pas un vrai boulot ?’ ! Mais d’autres petites histoires entendues me laissent au contraire penser que les choses changent. Récemment, une copine de ma plus jeune fille lui a demandé : ‘C’est quoi un imam ?’. Et ma fille lui a répondu : ‘C’est une femme qui fait des choses très importantes…’ Donc c’est possible d’arrêter d’assimiler l’imam à un homme même dans la tête d’une petite fille de cinq ans », affirme-t-elle.
Sherin Khankan cherche à réformer sans se mettre en conflit avec les règles du culte. Au point que certains jugent ses avancées encore trop timides et timorées.
Se concentrer sur le savoir, pas sur le genre
Le juriste danois d’origine syrienne Nasser Khader a par exemple estimé que la décision de ne pas laisser les femmes prier devant une audience mixte dans un pays comme le Danemark, réputé pour son avance en matière d’égalité des sexes, était « insuffisante ».
« Mais quand vous faites de tels changements structurels, il faut être malin et sage, se dédouane Sherin, embarrassée par ce reproche récurrent, une femme à la tête d’une prêche mixte, ça aurait été le chaos (de nombreux imams estiment qu’une femme ne peut pas mener une prière mixte). Je veux être du côté des institutions. Quand vous institutionnalisez un concept, comme l’imamat féminin, vous prenez le pouvoir, pour de bon. »
Auprès de ses proches, on peut entendre que ce sens de l’aménagement et du progrès lent lui vient de sa double culture, de s’être sentie « à la fois in et out » d’une histoire.
« La prière, c’est une première étape du changement. Si depuis enfant vous allez à la mosquée et que vous voyez un homme prononcer la prière avec une femme sur le côté, sur un balcon, qui écoute et que l’on vous dit : ‘Oui la femme est précieuse dans l’islam, mais elle n’a pas le droit de prononcer la prière’, les choses n’avancent pas. »
Rendre la religion aveugle au genre et attentive au savoir de celle qui parle, voilà l’épineuse voie qu’elle choisit. Les mosquées dirigées par des femmes restent très marginales, mais la tendance semble néanmoins en mouvement. Une a ouvert à Los Angeles, en Californie, en 2015, et une autre doit voir le jour en 2018 en Grande-Bretagne, à Bradford.